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Interview

Rayan : Quel impact psychologique du drame sur les enfants ?

Les plus petits ayant appris le drame survenu, la semaine dernière au Maroc, notamment l’opération de sauvetage et les décès du petit Rayan, peuvent aussi en être affectés. Pour le psychologue Bernard Corbel, basé à Casablanca, les parents doivent faire parler leurs enfants, alors que les enseignements doivent prêter une attention particulière aux enfants qui ont une vie de groupe moins facile.

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Photo d'illustration. / DR
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Comment le drame du petit Rayan qui a suscité plusieurs émotions et réactions, peut-il affecter les enfants ?

Il y a le drame et la médiatisation du drame. Il est vrai qu’à partir du moment où le drame est médiatisé, il devient «émotionnel». Ainsi, il va toucher fortement la population et donc forcément les enfants, par identification. Le héros de cette histoire, si je peux dire, est un petit enfant et les enfants peuvent se projeter.

Le drame est particulièrement douloureux aussi, puisqu’il a une durée longue et une agonie, avec un sentiment d’effroi. Il n’est pas sans rappeler les croyances sur ce qui se passe dans la mort, souvent racontés et que même les enfants connaissent. On peut penser à tous les scénarios horribles. Rayan est ainsi petit, symbole de l’innocence, d’enfant qui n’a commis aucun mal. L’affaire évoque la solitude, l’isolement… C’est logique que le drame ait suscité tellement d’émotions et de réactions.

Donc, oui les enfants ne peuvent pas ne pas connaître ce drame. Je pense que le plus important est que les parents fassent parler leurs enfants au lieu d’expliquer.

Comment procéder lorsqu’on est parent d’un enfant qui a été affecté par ce drame ?

Les enfants n’ont pas tant besoin d’explications. Ils ont besoin d’informations rationnelles pour calmer les choses mais celles-ci doivent survenir après l’expression émotionnelle et non pas avant. Il ne faut pas «résoudre un problème» comme on dit mais plutôt en parler.

Le travail des parents doit être de faire une chose qui n’est pas aisée : communiquer. Cela veut dire consacrer un peu de temps, même 5 minutes, à un enfant ; 5 minutes de communication, pour lui demander ce qu’il a vécu de cette nouvelle, ce qu’il a ressenti, s’il y pense le soir ou la nuit, s’il en rêve, s’il en parle avec ses copains,… Il faut poser les questions et laisser le temps nécessaire à une réponse. Souvent, s’il y a une réaction émotionnelle, elle va nécessiter quelques secondes. Il faut surveiller aussi les réactions non verbales. Le but est de ne pas s’inquiéter.

Bien sûr, on ne peut pas faire une cellule d’écoute pour tout le monde, car c’est compliqué. Mais chaque enfant peut avoir été choqué par identification, de manière assez profonde et donc ressentir presque un traumatisme.

Quant aux enseignants, quelle approche à adopter pour aborder ce drame ?

La reprise des cours, la semaine prochaine, peut constituer une opportunité pour les enseignants d’en parler à l’école. Ils peuvent ainsi transformer la classe en atelier de paroles autour du petit Rayan et imaginer éventuellement des activités d’échange, où les enfants puissent dessiner par exemple. L’important, c’est de raconter le drame.

Les enseignants vont dépister s’il y a des enfants ayant des surréactions émotionnelles. Elles peuvent non pas être liées au drame lui-même mais au fait que ces enfants soient en état de fragilité et qu’un tel drame vient déclencher ces réactions émotionnelles excessives.

Il devrait y avoir des activités pour permettre aux enfants de s’exprimer. Le but étant de permettre un rituel avec l’expression des émotions.

Les enseignants doivent s’interroger sur les enfants qui montraient des réactions et ceux qui ne montrent pas. Il faut ainsi identifier les enfants qui ont le plus besoin, soit pour faire intervenir un psychologue ou soit pour remonter l’information aux parents dans certains cas.

Quand un enseignant a un doute, il faut qu’il en parle aux parents, pour savoir si l’enfant s’exprime à la maison, comment ça se passe, et ne pas projeter immédiatement des prises en charge. Si les parents sont aussi inquiets, il faut faire appel à un spécialiste ou un psychologue pour en parler.

Quels sont les signaux qui doivent alerter les enseignants mais aussi les parents ?

Il y aura des signaux positifs comme des pleurs, cela sera visible. Et à l’inverse, des signes comme le mutisme, l’absence de réactions, un retrait ou une mise en arrière par rapport au groupe de parole.

Il faut aussi surveiller et prêter une attention particulière aux enfants qui ont une vie de groupe moins facile que les autres et qui peuvent avoir des chocs internes plus grands mais en même temps sans communication. Ceux-là vont se retrouver dans un isolement, comme le petit Rayan, dans un puits psychologique. Il faut aller les chercher effectivement.

C’est comme après un deuil, chez une personne qui n’a eu aucun pleur alors qu’elle aimait bien la personne décédée. C’est souvent l’indice d’un choc psychologique avec un mécanisme de défense qui s’est mis en place, basé sur le déni. Un enfant qui ne dit rien, il faut l’interroger sur ce qu’il en pense et le faire parler.

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