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Grand Angle

Elections : Le traitement médiatique a relégué les droits des femmes sur le banc de touche

Le large débat sur la représentativité des femmes en politique, dans le contexte des échéances électorales de 2021 au Maroc, a considérablement contrasté avec la visibilité des questions de droits humains des femmes dans les médias. L’observation des chaînes audiovisuelles, des supports écrits, papier et électroniques, a montré une nette faiblesse du traitement du sujet.

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Photo d'illustration / DR.
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Si les supports audiovisuels constituent un média de masse permettant de toucher différents profils sociaux, les messages et les discours qu’ils portent ne donnent que très peu de visibilité aux femmes et aux droits humains des femmes, y compris en période d’élections. Dans son rapport relatif à l’observation des médias lors de la campagne électorale de 2021, sur la base de l’égalité des genres, l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) a indiqué que tant dans les chaînes de télévision (32,6%) que dans les radios (27%), «il y a une nette faiblesse dans l’accès des femmes et dans le temps qui leur est imparti pour s’exprimer, ou dans l’attribution de programmes qui traitent de leurs droits, dans les journaux télévisés et les émissions de talk-shows».

En conférence de présentation du rapport, ce mercredi à Casablanca, l’ONG a estimé que ce constat traduisait «le manque d’attention et le manque d’intérêt pour les questions de leadership transformationnel féminin». Les résultats de chacune des chaînes de télévision observée ont montré «une évolution notable du pourcentage des femmes journalistes animatrices de programmes, avec 42,1% en 2021 contre 33% en 2016».

Les questions de droits des femmes faiblement abordées durant les élections

Cependant, l’ensemble des chaînes de télévision, lors de la couverture de la campagne électorale, «n’ont mis en avant les droits humains des femmes dans une émission spéciale ou en leur consacrant un épisode complet dans seulement 1,6% des cas». Dans 98% autres, la question a constitué un axe complémentaire. Les chaînes radio, pour leur part, sont encore moins égalitaires, avec seulement 34,5% de femmes journalistes en charge de la présentation d’émissions consacrées aux débats électoraux et à la couverture du processus.

S’agissant de la presse écrite et électronique, l’ONG a estimé que le fait marquant de la période électoral a été «la faible représentation des femmes, que ce soit en tant qu’individu ou en tant que sujet de contenus journalistiques, dans la couverture et l’accompagnement porté par la campagne électorale à travers les dossiers, interviews, brèves et articles d’analyse. «Les femmes en tant que leadership électoral et en relation avec des questions de droit ont été mises en avant dans 34,1% des contenus produits, mais leur position dans les pages de presse écrite est restée secondaire et le contenu du contenu négatif est revenu à hauteur de 23,5%», a indiqué le rapport.

Par ailleurs, l’observation et le suivi des pages Facebook des blogueurs et des influenceurs a montré que les questions d’égalité des genres ne bénéficient pas de l’attention nécessaire. Dans ce sens, le rapport a relevé «une sorte de disparité entre les pages qui enregistraient une présence acceptable estimée à un tiers des contenus sur le nombre total, et entre les sites qui se caractérisent par une faible présence sur les questions des droits des femmes».

Enseignant à la Faculté des sciences juridiques et économiques – Souissi relevant de l’Université Mohammed V, Reda El Filali Hammouz a supervisé l’opération de l’observation et du suivi, en préparation de ce rapport. Il souligne auprès de Yabiladi «la très faible présence des femmes et des questions des droits des femmes dans les médias observés, en inadéquation avec les attentes et l’évolution de la représentativité féminine politique au niveau des fonctions électives».

«La responsabilité incombe principalement aux partis politiques, qui choisissent eux-mêmes leurs porte-parole dans les médias en temps d’élections. On n’éloigne pas non plus la responsabilité des médias, en second lieu, puisqu’ils sont nombreux à ne pas porter d’attention à la question. Evoquant le seul exemple que les invités sur les plateaux de télévision ont souvent été des hommes, lors du processus électoral. Ils ont abordé différentes questions, sans celles liées aux droits des femmes.»

Reda El Filali Hammouz, chercheur

Imposer des quotas à l’audiovisuel comme en politique

Membre fondatrice de l’ADFM et coordinatrice nationale du Mouvement pour la démocratie paritaire (MDP), Khadija Rebbah prône une approche transversale, qui permettrait de mieux promouvoir les questions de genre à travers les médias. Ainsi, elle a considéré nécessaire que les interventions des partis politiques dans l’audiovisuel ne soient plus basées uniquement sur le critère du minutage de temps de parole. «En pratique et pour que leur accès aux médias de masse bénéficie notamment à l’égalité des genre, nous avons besoin d’une refonte totale – et pas que d’une réforme – des lois qui régissant l’audiovisuel», a-t-elle souligné auprès de Yabiladi.

«Cette refonte est nécessaire parce qu’en lisant les lois, on va trouver qu’il y a un décret qui régit le processus électoral dans sa globalité. Quelques articles portent sur la parité et l’égalité des chances entre partis dans l’accès à l’audiovisuel, sans pour autant mentionner l’importance d’inclure un quota pour les femmes et les droits des femmes.»

Khadija Rebbah, ADFM

Selon la militante, «toutes les lois qui mentionnent l’équité entre partis politiques n’évoquent malheureusement pas d’éléments pour encourager la visibilité des droits humains des femmes et non pas seulement la visibilité des femmes en elle-même, au-delà de la logique de leadership féminin». «D’autres part, le décret mentionne l’importance de donner la possibilité aux femmes de s’exprimer dans le cadre de la prise de parole des partis, mais il ne montre pas l’importance de mettre en place des quotas, qui est une disposition positive et obligatoire ayant permis de visibiliser des femmes dans le champs politique, depuis le débit des années 2000», a estimé Khadija Rebbah. Afin de franchir un nouveau palier, 20 ans plus tard, elle souligne l’importance d’«institutionnaliser cette disposition dans les médias audiovisuels».

De cette manière, lois régissant l’audiovisuel seront renforcés par «une stratégie palpable montrant que le leadership transformationnel féminin a permis de passer à un autre stade, pour que la femme ne soit plus uniquement un objet électoral», a soutenu Rebbah.

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