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Grand Angle

La dépression : Un mal qui touche aussi les Maghrébines

Le monde entier a enfin reconnu la dépression comme une maladie, l’organisation mondiale de la santé prévoit même que ce sera ma première cause d’absentéisme au travail en 2020 ! Pendant ce temps, ce mal est encore considéré comme un caprice au grand Maghreb, ou pire, comme le résultat d’une sorcellerie. Les statistiques disent pourtant qu’un Maghrébin sur trois est exposé à la dépression. 70% de ces cas sont des femmes. 

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Les ladies plus exposées

Oui, c’est injuste, mais les femmes sont deux fois plus exposées à la dépression que les hommes.  Même à âge égal, avec une même situation professionnelle ou un même niveau de vie, ce constat reste vrai. Pourquoi ? Parce que les femmes sont en général plus sensibles et plus vulnérables ? Oui, c’est vrai, mais il n’y a pas que cela : es hommes reconnaissent difficilement une dépression, et ne vont presque jamais consulter. «Je sais que mon mari souffre de dépression depuis plusieurs mois, mais il se dit seulement «stressé», et préfère noyer tout ça dans ses verres d’alcool» se désole Asma. Et même en imaginant que nous sommes égaux face à cette maladie, les causes différent. Les hommes  tomberont pour des raisons professionnelles ou matérielles. Les femmes, elles, sont en dépression pour des causes plus émotionnelles.  Les changements hormonaux  entraînent une petite déprime passagère, à ne pas confondre avec la dépression. «Je suis tombée dans une dépression après mon divorce, raconte Rachida, je me sentais délaissée et seule au monde».

Beaucoup de femmes sont également vulnérables après l’accouchement. Changements hormonaux, nouvelle vie et grande responsabilité peuvent mettre le moral dans les chaussettes. «J’avais mal, j’avais plein de carences et je manquais de sommeil après la naissance de ma fille» se souvient Soukaina. «Et dans tout ça, je me sentais seule au monde, tous ceux qui sont venus me voir pensaient que j’étais forcément heureuse et mon mari ne comprenait pas»

On parle aussi d’une dépression féminine à la ménopause. Même si les études disent qu’une femme ne souffre à cette période que si elle a eu d’autres épisodes de déprime dans sa vie, beaucoup disent que la sensation de vide, de solitude, et de ne plus être femme est invivable.

Au-delà des statistiques, des recherches et des études, la dépression est une vraie maladie. Heureusement, ce n’est pas incurable.

Et au Maghreb ?

«J’ai broyé du noir pendant longtemps et j’ai même pensé au suicide» raconte Lamia. Sa famille a tout fait pour l’aider, mais pas comme il le fallait. Sa mère jurait que sa fille était touchée par les djinns, sa tante convaincue que c’était le mauvais œil et sa grande sœur disait qu’elle était victime d’un mauvais sort. «Je criais que je voulais voir un médecin, elles ne voulaient rien savoir, elles m’ont trainée à différents mausolées, ont fait brûler des trucs bizarres au dessus de ma tête et elles m’ont même emmenée me baigner dans certaines plages à l’aube». Finalement, le père de Lamia l’a emmenée voir un médecin et a mis fin à son cauchemar.

Lamia a eu de la chance, mais son cas n’est pas isolé. «Je n’avais plus d’intérêt pour rien, je ne mangeais pas et dormais tout le temps. Ma mère a tout de suite convoqué un charlatan pour me guérir» soupire Nabila. La jeune femme précise que sa mère n’est pas analphabète, mais juste très influencée par «les traditions».  Farah est tombée dans le même problème «Même si je les ai laissés faire, j’ai consulté de mon côté. J’allais mieux grâce à une meilleure hygiène de vie, mais ma famille est convaincue que c’est grâce à leurs «trucs» que je vais mieux».

Même si la famille est cultivée, on prend toujours la dépression à la légère au grand Maghreb. Si ce n’est pas de la sorcellerie, c’est tout simplement un caprice. «Ma sœur est tombée dans une grave dépression, mais pour la famille et les amis, elle faisait le «coup de la pauvre petite fille de riches»» se désole Mariam. En effet, pourquoi elle serait triste ? Elle était jeune, jolie et faisait des études pour un avenir prometteur. «Ma mère lui achetait des vêtements, du maquillage, cuisinait ses plats préférés mais elle refusait de sortir de son lit» poursuit Mariam. Le jour où quelqu’un a proposé une thérapie, on lui a répondu que la jeune fille avait «toute sa tête». Car au Maghreb, consulter un psy veut dire folie. «Les parents d’une très bonne amie ont cru à un caprice et ont gardé leurs bras croisés» témoigne Sonia, les larmes aux yeux. «Je leur en veux, car s’ils avaient fait plus attention, elle n’aurait pas mis fin à ses jours».

En effet, la dépression peut avoir de graves conséquences. L’appétit changeant peut entrainer des carences, les idées noires peuvent pousser au suicide et le mal psychique peut vite devenir physique. Si vous souffrez, ou que vous voyez quelqu’un souffrir, ne regardez pas ailleurs… La dépression n’est pas incurable !

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