«Repli identitaire», «islamisme» et «radicalisation» sont autant d’expressions fétiches qui séduisent certains médias en France pour créer le buzz ou faite l’écho de certaines polémiques dans l’hexagone. Ainsi, pour rebondir sur l’affaire du professeur Samuel, Valeurs actuelles a publié, lundi soir, un témoignage d’un «professeur» qui lance un «cri d’alerte» à Strasbourg, dans un lycée où le «repli identitaire» des élèves «en majorité musulmans» se déroule sous les yeux de la direction.
Intitulé «A Strasbourg, le cri d’alerte d’un prof face à la pression communautaire qui sévit dans son lycée», l’article désormais supprimé, a fait réagir plusieurs internautes sur les réseaux sociaux. Valeurs actuelles reprend, sans vérification, le témoignage de Morad M., un «professeur d’histoire-géographie depuis cinq ans» et qui aurait «tenté à plusieurs reprises d’alerter sa hiérarchie» sur cette supposée «montée du repli identitaire chez ses élèves». Pensant avoir décroché un scoop, le média d’extrême droite évoque ainsi des «menaces de mort» que ce prof aurait reçues, ses élèves refusant de parler de «laïcité» et de «la Shoah» ou d’utiliser le gel hydroalcoolique car il rendrait «impur».
Pour soutenir son scénario fictif, le supposé «prof» présente un bout de papier reprenant quelques hashtags et une photo d’une inscription sur une table, reprenant les paroles d’une chanson de raï de Cheb Khaled.
Ceux qui me follow depuis un moment, vous savez comme j’aime cheb Khaled et hasni : je lui sors donc que les élèves se revendiquent de "shab lbaroud Wa l’carabina" célèbre chanson de Khaled. Et je lui envoie ça comme "preuves" #ShabLbaroud #BaidaMonAmour pic.twitter.com/ahl7kfopcE
— Malik Milka (@abdelmalik92) March 30, 2021
«Shab Al baroud Wa l'carabina»
L’expression «Nous sommes Shab Al baroud Wa l'carabina» est alors considérée par le journaliste de Valeurs actuelles comme preuve de cette «radicalisation». Le média relaye ainsi le témoignage, où le prof affirme être traité de «harki», dans une classe où «les garçons et les filles ne se mélangent pas», sans se rendre compte qu’il s’agit d’un canular.
Mardi soir, près de 24h après la publication du «scoop», Abdelmalik décide de tout déballer, révélant sur Twitter comment il a «piégé Valeurs Actuelles» avec du «Cheb Khaled et du Cheb Hasni» et l’aide d’un ami. Il raconte dans un thread comment il a inventé de toute pièce ce faux témoignage pour «montrer qu’en racontant n’importe quoi on pouvait avoir une tribune», sans aucun recoupement de l’information par certains journalistes.
Bon les gars, vous voulez savoir comment j’ai piégé Valeurs Actuelles en me faisant passer pour un prof menacé, le tout avec du Cheb Khaled et du Cheb Hasni ? Avec un petit extrait de mon "interview" ? Déroulez ⬇️ pic.twitter.com/sUG3Ubs5FV
— Malik Milka (@abdelmalik92) March 30, 2021
Le média d’extrême droite, se rendant compte de sa bourde, supprime alors son article et se fend d’un tweet non sans reconnaître sa gaffe journalistique. «Plutôt que de lutter contre l’islamisme, certains préfèrent tenter de piéger des médias», dénonce-t-il avant de présenter ses «excuses» auprès de ses lecteurs.
Plutôt que de lutter contre l’islamisme, certains préfèrent tenter de piéger des médias. A ceux qui ricanent : se rendent-ils compte de la correspondance avec de nombreux cas existants ? A nos lecteurs : nos excuses pour ce faux témoignage relayé. https://t.co/8EdvdTKQFC
— Valeurs actuelles ن (@Valeurs) March 30, 2021
Mais le mal est déjà fait, le magazine et sa déontologie maintes fois pris à défaut sont désormais la risée sur les réseaux sociaux.
Merci à Valeurs Actuelles d’avoir rendu célèbre le tableau IKEA de ma fille @abdelmalik92 ????#shablbaroubwalcarabina pic.twitter.com/EN3XepyQnn
— Naïm (@naiim75012) March 30, 2021