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Grand Angle

Maroc : Les pesticides utilisés dans le blé finissent dans nos assiettes

Une nouvelle alerte concernant l’opacité qui entoure l’utilisation des pesticides au Maroc a été lancée. Cette fois-ci, elle porte sur la forte concentration d’intrants et d’additifs dans le pain.

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Photo d'illustration / DR.
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Elément d’alimentation central et ancestral au Maroc, le pain, de plus en plus industrialisé et commercialisé, aurait perdu de son apport alimentaire sous le poids des produits chimiques ajoutés à sa préparation. C’est ce sur quoi a alerté la Fédération marocaine des droits des consommateurs (FMDC), qui a appelé les autorités de sécurité sanitaire à se pencher sur la composition de cet aliment de base, en vente en boulangerie comme chez les détaillants.

Contacté ce lundi par Yabiladi, Dr. Bouazza Kherrati, président de l’association, appelle même à remonter toute la chaîne de production du pain, à commencer par le blé cultivé, traité aux pesticides avec des usages qui ne respectent pas toujours les doses et les techniques de traitement dans les champs. «La déclaration obligatoire des substances des intrants chimiques utilisés et leurs quantités est prévue dans la loi, mais elle doit être mise en œuvre, pour la sécurité de nos consommateurs», a-t-il plaidé.

Un aliment enrichi en produits chimiques, appauvri en fibres

Dr. Kherrati décrit un mal «chronique» qui dure depuis plusieurs années, accentuée par une «anarchie» en termes de contrôle de sécurité alimentaire. Il estime que ce dernier est «inexistant» dans les différents niveaux de la filière du pain, depuis les exploitations agricoles jusqu’à la mise en vente, en passant par les minoteries.

«Tout contrôle implique l’octroi d’un numéro de certification ou d’autorisation délivrée par l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), que nombre des fabricants (moulins, boulangeries et détaillants) n’ont pas», a affirmé l’associatif, notant par ailleurs l’importante prévalence des activités informelles dans le secteur. Le vétérinaire souligne aussi que les conditions de conservation du pain restent problématiques, puisque ce processus est assuré surtout par l’ajout de substances chimiques et l’utilisation d'additifs. Cette préparation fait, selon la Fédération, que les ingrédients se composent finalement d’intrants artificiels et transformés plus que de produits de base (farine et levure).

«La campagne de sensibilisation menée par la Fédération depuis 2012 sur les pesticides utilisés dans le blé et les graines destinées à la production de farine n’a malheureusement pas été accompagnée par un contrôle rigoureux.»

Dr. Bouazza Kherrati

Dans le même sens, la Fédération souligne que «le blé génétiquement modifié et utilisé actuellement pour le pain est prisé, notamment pour sa valeur industrielle, vu sa richesse en gluten qui satisfait nombre de producteurs agroalimentaires». Cependant, cette variété combinée à l’eau chlorée dans la fabrication du pain commercialisée, à la levure chimique et à un grammage élevé en sel ou en sucre, appauvrit la valeur nutritionnelle de cet aliment, qui devient désormais un facteur accélérateur de maladies graves (cancer du côlon, néphropathies, surpoids ou eczémas).

Un recours difficile à la justice pour les associations de consommateurs

Le débat ne conserne pas uniquement le Maroc. En 2019, le magazine 60 Millions de consommateurs a révélé la présence de 14 additifs au moins dans le pain industriel et artisanal, sur la base de 65 références en France. Parmi ces substances figurent des  additifs, des résidus de pesticides, des mycotoxines susceptibles de devenir toxiques, des émulsifiants ou encore des épaississants.

Dans d’autres contextes, certaines questions de sécurité alimentaire et de santé des consommateurs ont donné lieu à des procès. Interrogé sur la pertinence de saisir la justice marocaine pour le cas de la filière du pain, de la production du blé et des questions liées aux produits chimiques et additifs, le président de la FMDC a exprimé auprès de Yabiladi la volonté d’étudier cette piste depuis longtemps. Cependant, l’association se confronte à un obstacle de poids.

«Faute de statut d’utilité publique, il est difficile d’ester en justice en tant qu’ONG. La Fédération a déposé un dossier de demande à deux reprises, sans avoir de réponses depuis 2009, alors que les délais à cet effet son fixés à six mois, qu’il s’agisse d’un refus ou d’un retour positif.»

Dr. Bouazza Kherrati

Sensible à la qualité des aliments consommés par les Marocains, le pain n'est pas le seul produit qui inquiète l'ONG. «Des poivrons destinés à l’exportation ont été saisis dernièrement ; nous parlons ici de consommables hautement contrôlés, car destinés au marché extérieur et qui se sont avérés dangereux à cause des résidus chimiques qu’ils contiennent. Nous imaginons alors ce qui pourrait en être pour les produits en vente sur le marché national», s’inquiète-t-il. A ce stade, le président de la FMDC appelle les autorités concernées à renforcer leurs interventions sur le terrain pour rassurer les consommateurs.

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