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Grand Angle

L’islam de France se pliera-t-il au programme politique de l’Intérieur ?

Elaborée avec les représentants du culte musulman en France, à la demande du président Emmanuel Macron, la «Charte des imams» ne ferait pas l’unanimité au sein des préposés religieux. Certains y voient un programme politique sur mesure, tel que souhaité par Darmanin.

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Elle devra être présentée à Gérald Darmanin d’ici une semaine, après une discrète élaboration avec le Conseil français du culte musulman (CFCM). Pourtant, sa mouture aurait gêné certains imams, qui y voient un programme politique du ministre de l’Intérieur. Il s’agit justement de la Charte des imams.

Sa version discutée le 15 décembre a été consultée par Mediapart. Le document annonce d’emblée la couleur, affirmant qu’il n’existe pas de «racisme d’Etat» en France. Il interdit aussi l’utilisation de l’expression «islamophobie d’Etat», entre autres propos politiques dans les lieux de culte. Ce qui est censé constituer une «charte des valeurs» encadrant la profession d’imam serait ainsi devenu «un guide de prêt-à-penser à destination de tous les musulmans de France».

Elaboré entre le Conseil français du culte musulman et le ministère de l’Intérieur en comité réduit, après le discours du 2 octobre dernier où le président Emmanuel Macron a demandé sa mise en place, le document prévoit quelques mesures fermes, perçues comme une ingérence dans l’organisation du culte, géré par le CFCM.

Son président, Mohammed Moussaoui, aurait d’ailleurs écrit en novembre que «la charte des valeurs souhaitée par le Président de la République n’est pas exclusivement liée à la création du Conseil national des imams (CNI)». «Elle concerne toutes les fédérations, y compris celles qui ne souhaitent pas participer à la création du CNI», d’après les éléments consultés par Mediapart.

Une charte imposée à tous

«Nous rejetons fermement les campagnes diffamatoires prétendant que les musulmans de France seraient persécutés (…) L’attitude victimaire ne repousse pas la haine, elle contribue à la nourrir», lit-on encore dans cette mouture. Plus loin, elle mentionne «nous refusons que les lieux de culte servent à diffuser des discours politiques ou importent des conflits qui ont lieu dans d’autres parties du monde».

Cette version aurait provoqué l’ire de certains membres du CFCM, avant que la direction ne l’amende. «Nous réaffirmons solennellement que la dénonciation d’un prétendu racisme d’Etat ne recouvre aucune réalité en France», lit-on désormais, ce qui ne touche pas au principe du premier propos.

En réunion avec le CFCM, Emmanuel Macron aurait d’ailleurs donné le ton : «Il y aura ceux qui signeront et ceux qui ne signeront pas. On en tirera les enseignements. Soit vous êtes avec la République, soit vous n’êtes pas avec la République.»

Pour certains imams, le travail sur cette charte aurait été accéléré. Initialement, l’idée était que «toutes les fédérations envoient une charte et qu’on en fasse la fusion». «Comme par hasard, on n’a jamais vu celle du recteur de la grande mosquée de Paris», indiquent les sources de Mediapart.

Certains imams évoquent une influence de Chems-Eddine Hafiz, vice-président du CFCM, «soupçonné de court-circuiter les négociations» ou encore de «traiter avec Gérald Darmanin en direct». Au milieu de cette dynamique, la récente dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) aurait jeté un froid parmi les décideurs de l’instance, dont certains craignent un resserrement sécuritaire susceptible de donner lieu à des abus répétés.

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