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Grand Angle  

Maroc-Polisario : Le conflit d’El Guerguerate, le dessous des cartes

Unique point de passage routier goudronné pour le transport de poids lourds entre le Maroc et la Mauritanie, la route traversant le no man's land surnommé Kandahar, est devenue le lieu de cristallisation du conflit entre le Royaume et le mouvement séparatiste Front Polisario.

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Des éléments du Polisario bloquant le passage entre le Maroc et la Mauritanie. / DR
Temps de lecture: 3'

Depuis l’intervention militaire du Maroc, vendredi, pour rétablir la libre circulation des personnes et des marchandises, El Guerguerate est au centre des enjeux d'un conflit territorial vieux de près de 50 ans. Pour mieux comprendre le contexte de cette crise nous nous sommes plongés dans la cartographie particulière de cette zone.

Nous sommes sur la route nationale n°1 et son tronçon reliant Laâyoune à l’entrée de Dakhla, long de plus de 490 kilomètres. Un itinéraire qui traverse le désert et lorgne parfois l’océan atlantique. Une fois le virage, à droite, vers Dakhla via la route provincial n° 1100 dépassé, le dernier croisement se trouve à environ 12km. C’est ici que le choix s’offre aux usagers de la route entre la poursuite du chemin vers El Guerguerate ou le virage à gauche pour se rendre à Aousserd.

Nous sommes désormais à l’extrême sud du royaume. Environ 26km suffisent pour atteindre El Argoub, plus de 73km pour arriver à Imlili et plus 235km pour Bir Gandouz. Peu importe la destination, la route nationale n°1 est l’unique voie. De Bir Gandouz à la petite localité d’El Guerguerate, il faut compter pas moins de 80km. Arrivé à destination, le poste-frontière séparant le Maroc à la Mauritanie est situé encore au sud, à environ 7,3 km.

Le no man’s land qui fait rêver à Tindouf

Cette route est surtout l’unique point de passage routier goudronné pour le transport de poids lourds entre le Maroc et son voisin du Sud. Le poste-frontière El Guerguerate est aussi le dernier lieu sécurisé avec des bâtiments et des stations-services avant de traverser le no man’s land, baptisé Kandahar. Il reste ainsi 3,7km avant d’atteindre le poste mauritanien, niché en plein désert.

Ici, l’appellation choisie annonce déjà la couleur de ce qui vous attend dans ce no man's land : des centaines des carcasses de véhicules abandonnés, des épaves et du sable. Ce bout de terre long de quelques kilomètres faisait surtout office de haut lieu de trafic en tout genre, notamment de voitures et de drogue.

Le No man's land en 2007. / DRLe No man's land en 2007. / DR

Mais en août 2016, alors que les relations maroco-mauritaniennes sont tendues, des unités des Forces armées royales (FAR) pénètrent dans la zone tampon pour mener une opération d’assainissement et «saisir des centaines de véhicules». Au total, 192 véhicules, 778 carcasses métalliques et un tas de vieux pneus sont évacués.

Le Maroc mènera, le même mois, des travaux de réalisation d’un tronçon routier goudronné, traversant Kandahar, et s'arrêtant à mi-chemin du poste frontalier mauritanien.

Tronçon rectiligne correspondant à la route goudronnée par le Maroc. / DRTronçon rectiligne correspondant à la route goudronnée par le Maroc. / DR

Tronçon non goudronné jusqu’au poste-frontière mauritanien. / DRTronçon non goudronné jusqu’au poste-frontière mauritanien. / DR

L’opération, décriée par le Polisario, déclenche une première crise. Le no man’s land n’étant sécurisé ni par les FAR ni par la MINURSO, le Polisario en fait une carte de pression pour mettre un coup de projecteur sur le dossier du Sahara occidental à l’échelle internationale.

Des blocages à l’approche des échéances onusiennes

Ainsi, quelques mois plus tard, le mouvement séparatiste, satisfait de l’écho donné à la première affaire d’El Guerguerate, construit des «postes» à Kandahar. Dès février 2017, le mouvement commence même à interdire à des camions marocains de traverser vers la Mauritanie, poussant le Maroc à saisir l’ONU et la MINURSO. Ainsi, le mouvement de Brahim Ghali espérait jouer la carte de l’escalade afin d’attirer l’attention Conseil de sécurité de l’ONU, à la vielle du renouvellement du mandat de la mission onusienne.

Le même mois, le Maroc finit par se retirer de la zone tampon, laissant le Polisario seul face à la communauté internationale. Pire, le mouvement persiste et signe, ses éléments caillassant et harcelant les camionneurs. Ce n’est qu’en avril, après une condamnation internationale, que le Front obtempère, retirant ses «check points».

Bien qu’il ait perdu cette bataille, le Polisario ne désespérait pas pour les prochaines à venir. Ainsi, le passage entre le Maroc et la Mauritanie est bloqué au rythme des échéances du renouvellement du mandat de la MINRUSO, au passage de l’Africa Eco Race et même parfois sans occasions précises.

Kandahar avant l'opération d'assainissement des FAR en 2016. / DRKandahar avant l'opération d'assainissement des FAR en 2016. / DR

Avec la récente opération des FAR visant à sécuriser la circulation des personnes et des marchandises entre le Maroc et la Mauritanie, le royaume espère mettre fin aux infiltrations des polisariens venant de l’Est. Des sources gouvernementales ont confié, dans des déclarations aux médias marocains, qu’un «mur de sécurité longeant la frontière mauritanienne sur une distance de 14 kilomètres» va être édifié. On ne sait pas s’il s’agit d’une prolongement du mur de défense marocain ou d’un nouveau mur de protection de la zone tampon.

Le Maroc pourrait dès lors terminer le projet de goudronnage de la route jusqu’au poste frontière mauritanien, et mettre fin une fois pour toutes aux blocages répétés de l’unique voie terrestre reliant le Maroc à son voisin du Sud. La zone de Kandahar pourrait alors être rebaptisée...

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