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Grand Angle

Le Maroc en marche vers plus de protectionnisme pour sauver son industrie ?

Dans le cadre du PLF 2021, le Maroc prévoit des augmentations des droits de douanes sur certains produits afin de protéger sa production nationale. Le royaume dispose-t-il des moyens pour se faire ?

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Photo d'illustration. / DR
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Dans le cadre du PLF 2021, le Maroc mise sur une série de réformes pour l'année à venir, dans l'espoir de protéger la production nationale de certains produits, en matière de tarif des droits de douane. Ainsi, une série d'augmentations tarifaires devrait être appliquée à diverses catégories de produits à partir de l’année prochaine, permettant au passage de doper les recettes douanières.  

Il s’agit notamment de l’augmentation de 17,5% à 40% de la quotité du droit d'importation applicable à certains produits du chocolat et des préparations alimentaires contenant du cacao, l'augmentation de la quotité du droit d'importation applicable aux étoffes de bonneterie de 10% à 40% et celui concernant les pneumatiques pour engins et le fuel oïl récupéré.

Sur l'origine de ces mesures, qui interviennent alors que plusieurs secteurs sont fortement touchés par la crise sanitaire liée à la pandémie du nouveau coronavirus, l’économiste Mehdi Lahlou fait un rappel historique. «Le problème du Maroc remonte aux premiers accords de libre échange qu’il a commencé à signé en 1996. Le premier était l’accord avec l’UE qui est entré en application en 2000», rappelle-t-il.

«Globalement, le Maroc a signé près 55 accords d’associations ou pour l’établissement de zone de libre-échange», enchaîne-t-il, en expliquant que «l’idée était d’améliorer la situation de notre balance commerciale quand elle était déficitaire à la fin du siècle dernier et de permettre aux produits marocains d’accéder à de nouveaux marchés».

Toutefois, «le déficit extérieur est toujours aussi inquiétant qu’à la fin du siècle dernier, alors que le taux de couverture de nos importations par nos exportations ne dépasse pas 55 à 57%». De plus, «le déficit commercial tourne autour de 220 à 240 milliards de dirhams», note-t-il.

Des clauses de sauvegardes pour protéger le marché intérieur

L’économiste précise qu’«à part les phosphates, nous exportons des choses dont les marchés européens et à l’international peuvent se passer, tout en important tout ce dont nous avons absolument besoin, comme les biens d’équipements, les intrants pour le secteur industriel et surtout, avec une année de sécheresse comme celle que nous vivons, des produits alimentaires». «Dans cette histoire, la protection de certains marchés reste accessoire par rapport à l’essentiel», tranche-t-il.

Pour sa part, l’économiste et professeur universitaire Saâd Belghazi souligne toutefois que «le Maroc a un certain nombre d’accords de libre-échange, dans lesquels il existe des clauses de sauvegarde». «De manière générale, ces clauses visent à protéger le marché intérieur en limitant la progression de certaines importations, avec notamment la suspension des mesures adoptées dans le cadre de ces accords et qui sont, quand c’est des droits de douanes, inférieurs aux droits consolidés dans le cadre de l’organisation mondiale du Commerce», nous explique-t-il. Et de préciser que l’idée est de «revenir à ces niveaux consolidés de l’OMC pour les droits de douanes».

«Je pense que le Maroc a les moyens pour protéger les producteurs avec la majoration des tarifs douaniers. En utilisant cette marge, ils peuvent améliorer leur processus de production, investir, emprunter et avoir une rentabilité.»

Saâd Belghazi

Une révision stratégique et globale des ALE

Mais ces mesures suffisent-elles ? «La question renvoie à la compétitivité des entreprises, qui dépend des secteurs et aux partenariats entre le secteur financier, le secteur public et les entreprises», répond l’économiste et professeur universitaire. «Il est clair que les compétences et la capacité de chaque entreprise sont le cœur de la compétitivité mais n’oublions pas qu’il y a des facteurs d’environnement économique qui peuvent aussi entraver cette compétitivité», ajoute-t-il.

De son côté, Mehdi Lahlou estime que «faire en sorte de changer la donne, c’est reprendre tous les accords, les renégocier en commençant par l’UE et en allant vers les autres».

«Il faut renégocier pour faire en sorte de protéger le marché national et surtout avoir une véritable politique protectionniste qui protège l’emploi et garantit un prix accessible au consommateur marocain. Or, nous n’avons pas protégé l’emploi ni les prix sur le marché national. Il n’y a qu’à voir les prix des médicaments qui sont 3 à 4 fois supérieurs à ceux dans un pays comme l’Espagne par exemple.»

Mehdi Lahlou

Pour l'économiste «ce n’est pas la loi de finance d’aujourd’hui qui va procéder à ce genre de chose». Il plaide ainsi pour une «révision stratégique globale en impliquant les secteurs productifs nationaux».

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