Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers, Picoté par les blés, fouler l'herbe menue : Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds. Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien : Mais l'amour infini me montera dans l'âme, Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien, Par la Nature, - heureux comme avec une femme.
Pour obtenir protection, Telemcen a tendu ses deux mains et a crié à Dieu la formule sacrée du Pèlerinage : << Me voici! >> Telle fut la suprême beauté de son appel!
Elle a dépouillé l'ample voile qui la protégeait des regards indiscrets. Ô Abd al Qâdir, prends en charge ce cri et rafaîchis ton coeur avec l'eau pure de sa présence charnelle.
Voici le jardin de ses deux joues: vois comme ses fleurs se sont épanouies! N'accepte pas de fréquenter d'autre séjour, d'autre jardin, si chatoyant soit-il.
Combien d'amoureux ont désiré ardemment cette beauté à tes yeux offerte! Les ont repoussé loin d'elle son fier regard et son insistant refus.
Combien ont cherché à effleurer des lèvres le grain de beauté au sommet de sa joue jonchée de roses! Elle fut avare et se détourna, empressée de fuir leurs avances.
Combien de prétendants n'ont pas été reconnus dignes d'elle, ne pouvant pas même lui offrir de quoi garnir de broderies un seul pan de son manteau!
Nul ne put lui faire accepter le moindre engagement, et jamais un séducteur ne sut arracher son agrément.
La pucelle ne permettait aucune démonstration de sentiments, et ses prétendants n'ont pas eu accès à sa très pure clarté.
Elle a serré au tour de sa taille la ceinture du refus, afin de garder pour elle sa perfection, et aucun n'a pu savourer le doux effleurement de ses lèvres carminées.
A tous, elle a manifesté des prodiges de ruse, de résistance et sévérité, murant aussitôt les portes qu'ils ouvraient pour parvenir à leurs fins.
Elle a frustré l'attente des corrupteurs, grands pourvoyeurs de rapports mensongers, est ses ennemis - là-bas - furent empêchés d'atteindre leur but.
A l'heure de trancher les liens qui entravaient Tlemecen, preuve a été donnée, substantielle, évidente, que seul pouvait la délivrer
celui qui s'ouvrait aux idées de progrès en son for intérieur aussi bien qu'au combat ... seul à même en ce siècle de défendre son intégrité!
C'est alors que j'ai appris sa décision : son choix délibéré m'établirsur le siège de l'autorité, de me désigner au service de sa grandeur.
Ne connaissant en ce pays aucune âme mieux dévouée que la mienne à sa noblesse, mieux au fait de ses droits et de son éclat,
J'ai couru vers elle d'un cœur résolu, et la victoire fut à la mesure de mon élan. Ainsi j"ai pu payer, par amour, son douaire, et la guérir de son mal.
Je suis devenu son époux, elle m'a été accordée selon les règles: oui, elle fut ma conjointe, mon domaine, et j'ai porté haut son étendard.
je l'ai ornée d'une parure de gloire, dont la trame est fastueuse. Elle s'est levée, tout étonnée, étalant sous le ciel les franges de sa robe.
Et elle s'est écriée : << Ô Abd al-Qâdir, ô cœur libérateur impatient de secourir les hommes livrés à l'océan de leurs passions,
puisque tu as conquis de force les clés de cette ville, et avec elle la gloire, par toute l'Algérie, augmente ma puissance, et noue pour moi alliance avec les cités de Wahrane et d'Al-Marsâte :
car je sais que l'une et l'autre, et tous les habitants que contiennent leurs murs, ont obtenu sous la protection de ton sabre l'agrément de leurs souhaits!>>
Aux amants passionnés, il faut l'acquiescement aux décrets que l'amour a prononcés pour eux: jetés à terre, piétinés par son mépris, ils ne craignent ni mal ni dure maladie.
Le blâme des censeurs, ils ne l'entendent point, et restent sourds aux meilleurs conseils; si donc tu ne crains pas d'affronter le danger, du moins n'affecte pas l'ignorance, jeune homme.
Mon âme est la rançon de tous ceux que l'amour a rapprochés de moi, même si le regard n'a passé que furtif: voilà l'engagement, alors que pour certains, amour n'est que bluette.
Ils ont pris le départ, mais n'ont point persisté dans la course glorieuse où triomphe l'amour: ils ont rompu le pacte avec l'unique Amant, qui reste malgré tout fidèle à son serment.
Arrête et reçois la confidence plaintive qui raconte la mort d'un jeune adolescent.
Ils l'ont tué et lui-même s'était forgé une obligation de mourir par l'amour.
La flèche d'un coup d'œil, lancée à l'improviste, s'est plantée en son cœur sans qu'il s'en apperçût, il languit et mourut, consumé par l'amour, sans être parvenu au but tant souhaité.
Un regard. Il aima de toute son ardeur. Il demanda l'étreinte, on la lui refusa. Dans la passion mortelle, il voulut demeurer, sans accepter d'échange et sans consolation.
Je vais vous dire ma palette cri Noir d'alerte saccadant l'inaudible Blanc solennel dardant l'éphémère Jaune miel reclus dans ma lutte Bleu blême transperçant la transparence Vert irradiant les marches nocturnes Rouge taraudant la pacotille des idées Gris déposant sur l'horizon l'œuf vibrant de l'aurore Rose des vents alliés soufflant les rides du monde Des mots de pauvres mots pour dompter le taureau invisible des nuées
La solitude n'es pas une tare qu'il faille cacher avec la feuille de vigne des discours cupides Quand je me sens seul c'est de compassion pour toutes les solitudes
Il trouve le temps pour chanter : En t'attendant, je ne parviens pas à t'attendre, je ne peux lire Dostoïevski, Écouter Oum Kalsoum ou la Callas Ou d'autres encore. En t'attendant, les aiguilles De ma montre tournent à rebours, vers un temps sans espace. En t'attendant, je ne t'ai pas attendue, J'ai attendu l'éternité.
Il lui demande : Quelle fleur aimes-tu? Elle répond: j'aime les œillets... s'ils sont noirs. Il dit : où m'emportes-tu Quand les œillets sont noirs? Elle dit : Au foyer de la lumière en moi, Et dit : Et plus loin... plus loin... plus loin... plus loin...
Dis-moi, au-delà de l'amour, dont j'ai parcouru le chemin, connais-tu la nouvelle étape qui conduirait en un lieu propice à l'heureuse rencontre? Car l'amour en ce cœur meurtri n'a fait que prolonger l'exil
Je pleure sur ceux qui m'ont fait goûter la saveur de leur affection, puis, dès qu'ils m'eurent éveillé au désir, se sont assoupis.
Ils m'ont engagé à me tenir debout, et lorsque je fus levé, portant avec courage le fardeau que leur affection m'a imposé, ils se sont empressés de s'asseoir. Je sortirai donc de ce monde, et votre amour toujours vivant, dans cette poitrine, sous mes côtes décharnés, personne jamais n'en sentira la présence.
Entre la tristesse et moi-même, j'ai noué de longues relations, qui ne cesseront plus jamais, à moins que ne cesse un jour l'éternité.
Plut-il à Dieu que je fusse un beau pommier qu'aurait produit, telle une terre, son corps, ou une fleur bien parfumée droite éclose dessus sa tige.
Pourquoi donc ces reproches à ma personne? Oui, à si fort penser à elle, je suis comme étourdi de trop de vin. Mais ceux qui ignorent l'ivresse, quel droit jugement peuvent-ils prononcer à l'encontre de qui est saoul?
La séparation m'a fait boire à petites gorgées l'infusion de coloquinte; la séparation m'a rendu orphelin bien que je n'eusse perdu aucun être cher de ma famille.
Il s'en faut de peu que je ne meure! Mais ce n'est point là ma désolation. L'angoisse de mon âme est née de ce que la mort ne soit pas déjà venue.
En combien de maisons l'homme arrive à s'attarder au cours de sa vie! Et pourtant son long gémissement s'attache toujours à sa première demeure.
Déménage d'un lieu vers un autre ton pauvre cœur tourmenté par le désir; le véritable Amour est toujours celui qui, le premier, s'y est établi.
Elle s'est détournée de lui, et la séparation, comme une corde perverse, a tiré vers elle le faix d'une lourde épreuve. Alors le facile et souriant << au revoir >> a fait place au dur << adieu >>.
Elle a pleuré son absence autant de jours qu'a renfermés la vie en sa poitrine, solitaire de tout embrassement, alors que le désir n'a cessé d'y habiter sans désemparer.
Le disque brillant de la lune, l'as-tu oublié? Dit-elle? Froidement j'ai répondu : Si le soleil se consent à disparaitre, la lune n'apparaît point.
Elle déroula un collier de tendresse, des larmes, perles égrenées sur les joues, dont un orfèvre avait disposé l'ordre savant dessous sa paupière.
Non, le ruissellement des pleurs ne fera point plier ma constance, même si toute source jaillissante eût disposé des larmes de toute paupière sur ses joues.
Tandis que la poésie agonise dans les convulsions du dernier fou amour et que le règne de barbarie enveloppe les derniers monuments de notre fragilité Tandis que les dinosauriens percent la coquille de l'atavique somnolence et se répandent parmi les ruines de nos mains Tandis que le refroidissement de la planète atteint grièvement le cœur de l'homme et que les rares survivants émigrent paniquement vers une hypothétique équateur Tandis que des larmes de pierre brouillent ma vue ... Non je ne veux pas y croire
j'ouvre toutes grandes les fenêtres j'accueille le silence épique la terrible rumeur vrille mon crâne traverse je titube dans le tourbillon du vent ricanant m'accroche aux livres à la guitare de l'Aimée aux miroirs sans tain où je plonge la tête au rayon de soleil qui réfracte dans ma tasse de café et je me relève ayant empoigné par les cornes le minotaure du silence
n'est pas ce beau jeune homme souriant debout sur sa jambe de plâtre ou de pierre et donnant grâce aux puérils artifices du statutaire l'imbécile illusion de la joie de la danse et de la jubilation évoquant avec l'autre jambe en l'air la douceur du retour à la maison Non l'effort humain ne porte pas un petit enfant sur l'épaule droite un autre sur la tête et un troisième sur l'épaule gauche avec les outils en bandoulière et la jeune femme heureuse accrochée à son bras L'effort humain porte un bandage herniaire et les cicatrices des combats livrés par la classe ouvrière contre un monde absurde et sans lois L'effort humain n'a pas de vraie maison il sent l'odeur de son travail et il est touché aux poumons son salaire est maigre ses enfants aussi il travaille comme un nègre et le nègre travaille comme lui L'effort humain n'a pas de savoir-vivre l'effort humain n'a pas l'âge de raison l'effort humain a l'âge des casernes l'âge des bagnes et des prisons l'âge des églises et des usines l'âge des canons et lui qui a planté partout toutes les vignes et accordé tous les violons il se nourrit de mauvais rêves et il se saoule avec le mauvais vin de la résignation et comme un grand écureuil ivre sans arrêt il tourne en rond dans un univers hostile poussiéreux et bas de plafond et il forge sans cesse la chaîne la terrifiante chaîne où tout s'enchaîne la misère le profit le travail la tuerie la tristesse le malheur l'insomnie et l'ennui la terrifiante chaîne d'or de charbon de fer et d'acier de mâchefer et de poussier passe autour du cou d'un monde désemparé la misérable chaîne où viennent s'accrocher les breloques divines les reliques sacrées les croix d'honneur les croix gammées les ouistitis porte-bonheur les médailles des vieux serviteurs les colifichets du malheur et la grande pièce de musée le grand portrait équestre le grand portrait en pied le grand portrait de face de profil à cloche-pied le grand portrait doré le grand portrait du grand divinateur le grand portrait du grand empereur le grand portrait du grand penseur du grand sauteur du grand moralisateur du digne et triste farceur la tête du grand emmerdeur la tête de l'agressif pacificateur la tête policière du grand libérateur la tête d'Adolf Hitler la tête de monsieur Thiers la tête du dictateur la tête du fusilleur de n'importe quel pays de n'importe quelle couleur la tête odieuse La tête malheureuse la tête à claques la tête à massacre la tête de la peur.
Le premier matin après ce siège, Une jeune fille s'en ira vers son amour Vêtue d'une chemise bariolée et d'un pantalon gris, Le moral transparent comme les abricotiers en mars : Toute cette journée nous appartient, Toute, mon amour, ne m'attarde pas, Un corbeau pourrait se poser sur mon épaule ... Et tu croqueras la pomme en attendant l'espoir, En attendant ton aimé qui, Peut-être n'arrivera pas.
Je ne t'aime pas ; je ne te hais pas, Dit le prisonnier à l'enquêteur. Mon cœur est plein De ce qui ne te regarde pas. Il déborde de parfum de la sauge. Mon cœur est innocent, lumineux, plein, Et par le temps dans le cœur pour la mise à l'épreuve. Oui, Je ne t'aime pas. Qui es-tu pour moi pour que je t'aime? Es-tu quelque partie de mon moi, un rendez-vous pour le thé, La raucité d'une flûte, une chanson, pour que je t'aime? Mais je hais la captivité et ne te hais pas, Ainsi parla le prisonnier à l'enquêteur : Mes sentiments ne te regardent pas, Mes sentiments sont ma nuit privée ... Ma nuit qui se meut sous les draps, libre De métrique et de rimes!
J'ai vécu avec le Messie avec lui je suis mort et ressuscité Ma voix vibrait partout une voix qui semblait ne pas être la mienne allumant un feu que j'ignorais et pourquoi le feu? Pour qui Donne-moi une ombre, de l'eau fraîche que j'accroche mes souvenirs à un mur dans une chambre abandonnée La foule s'est dispersée, les invités sont partis et la voix vibre en vain comme si elle était celle d'avant la mort et le Golgotha Sur mes lèvres, un reste de miel un reste de coloquinte Suis-je venu après la mort pour écouter ma voix me rattacher au vide que j'ai quitté? Donne-moi une ombre, et toi mets dans ton eau un morceau de glace Le soleil est brûlant. La vie après la mort est un fardeau. Ma voix aime le feu Pour qui? Pour qui? J'ai fermé mes paupières, et sur mes lèvres un reste de miel, un reste de coloquinte