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Grand Angle

Au Maroc, une politique religieuse «dualiste» avec plus de zaouias et mausolées en 2019

Parallèlement à la hausse des nombres de mosquées dans le royaume, de nouvelles zaouias et mausolées ont vu le jour entre 2018 et 2019, selon les statistiques du ministère des Habous et des affaires islamiques. Une légère hausse «naturelle» qui renvoie à la politique religieuse de l’Etat entreprise depuis 2001.

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La zaouia de Sidi Bel Abbès située à Marrakech. / Photo d'illustration
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La semaine dernière, le ministère des Habous et des affaires islamiques a publié le bilan de ses réalisations au cours de l’année 2019. Ainsi, le nombre de zaouias et mausolées au royaume est passé de 7033 à 7090 entre 2018 et 2019.

Selon les statistiques du ministère, on remarque que ce nombre varie entre les lieux considérés comme uniquement des zaouias (85 de moins sur la même période) et ceux considérés à la fois comme zaouias et mausolées (142 de plus sur cette période).

Quant à la répartition régionale, Souss-Massa arrive en tête des régions accueillant un plan grand nombre, avec 1 155 zaouias et mausolées l’année dernière. Elle est suivie par Tanger-Tétouan-Al Hoceima (1 012), Casablanca-Settat (886), Fès-Meknès (878), Drâa-Tafilalet (718) et Marrakech-Safi (695).

Les zaouias et mausolées au Maroc en 2019. / DRLes zaouias et mausolées au Maroc en 2019. / DR

Viennent ensuite Beni Mellal-Khénifra (477), l’Oriental (425), Rabat-Salé-Kénitra (422), Guelmim-Oued Noun (300), Laâyoune-Sakia El Hamra (98) et Dakhla-Oued Ed-Dahab (24), selon les statistiques du ministère.

Cette légère hausse du nombre de zaouias et mausolées reste «naturelle» et intervient, entre autres, pour «encadrer le monde rural», nous explique ce mercredi Mohamed Darif, spécialiste des mouvements islamistes marocains. «La politique religieuse au Maroc a toujours été basée sur comment préserver un équilibre et créer les conditions d’une cohabitation entre l’islam orthodoxe, légal et proche du salafisme et l’islam populaire, soit le soufisme», ajoute-t-il.

L'Etat toujours à la recherche d’un équilibre entre soufisme et salafisme

Celui-ci rappelle qu’historiquement, les zaouias ont été localisées dans le monde rural, à l’opposé d’un islam orthodoxe, basé en ville et qui a toujours refusé cette théologie populaire. Toutefois, avec l’évolution et la propagation du soufisme dans les villes, «il est de plus en plus récurent de voir des zaouias et des confréries dans les villes, comme le cas de la Zaouia Boutchichia qui est présente aussi bien dans les villes que dans le monde rural», souligne Mohamed Darif.

Pour lui, le nombre croissant des mosquées - plus de 51 000 lieux actuellement-, couplée à la hausse du nombre des zaouias et mausolées, démontrent la «volonté de l’Etat de maintenir son contrôle du champ religieux». Un «domaine devant être contrôlé avec une sorte d’hégémonie». En même temps, «la politique religieuse intervient aussi pour endiguer le radicalisme religieux, lié principalement à l’islam orthodoxe», fait-il savoir.  

Les zaouias et mausolées au Maroc en 2018. / DRLes zaouias et mausolées au Maroc en 2018. / DR

Et ce contrôle n’est pas récent. Depuis 2001 et les attentats du 11 septembre, «l’Etat a commencé à réflechir comment contrecarrer le radicalisme en misant sur le soufisme». Une opération qui s’est faite «sans froisser les incarnations de l’islam légal», précise l’expert.

«Pour l’Etat, cette hausse du nombre des mosquées et de mausolées et zaouias sera toujours d’actualité, car on estime que ceux-ci sont un moyen d’inculquer les valeurs de l’islam populaire et contrecarrer les idées extrémistes. Et cette dualité entre soufisme et salafisme a toujours existé.»

Mohamed Darif

De plus, bien que les nouveaux variables, comme le coronavirus, interpellent quant à la nécessité de continuer de construire des mosquées et des mausolées au lieu de se pencher sur l’édification d’écoles ou d’autres infrastructures sanitaires, «la politique religieuse de l’Etat reste prisonnière de cette vision et n’a pas encore évolué pour trouver les conditions propices à une coexistence entre ces deux courants», conclut l’expert.

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