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Grand Angle

Coronavirus : Dépassés, les hôpitaux de Fès et Marrakech rationnent les tests

Au lendemain du changement de protocole de prise en charge des cas testés positifs au nouveau coronavirus, un autre changement s’est opéré dans le silence. Selon des témoignages, certains hôpitaux, à Marrakech comme à Fès, ne testeraient plus les cas contacts comme auparavant. Il semble y avoir pénurie sur le matériel servant pour effectuer des tests.

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Photo d'illustration. / DR
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Avec la hausse inquiétante des nouveaux cas du coronavirus ces derniers jours, les hôpitaux de plusieurs régions du Maroc ont frôlé la saturation. Des images, montrant de longues files d’attente de citoyens au sein ou devant des hôpitaux pour se faire dépister, ainsi que des cris de détresses du personnel médical, ont beaucoup circulé ces derniers jours.

Selon nos informations, certains hôpitaux refuseraient désormais de tester les cas contacts ne présentant aucun symptôme ou que des symptômes légers. C’est le cas de toute une famille à Marrakech, dont le père a été testé positif le 2 août à Youssoufia. Au début, personne n’avait de symptômes. C’est au deuxième jour de l’Aïd que mon père a eu une diarrhée», nous raconte Sanaa*, sa fille.

Pensant qu’il s’agissait d’un simple mal de ventre dû à la consommation de viande de mouton, le quinquagénaire se rend à Echemmaia, où il réside et travaille. Dimanche, son cas se complique, avec une fièvre et une diarrhée aigüe. Un voisin médecin l’invite alors à se rendre à l’hôpital de Youssoufia pour faire un test du coronavirus. «N’ayant pas trouvé une ambulance pour le transporter, il y a été conduit par un ami», ajoute Sanaa.

Un refus d’effectuer des tests pour les cas contacts à Marrakech

Le test effectué dès le premier jour revient ainsi positif. Il informe les autorités sanitaires qu’il a passé l’Aïd avec sa famille élargie. Celle-ci est alors en panique après avoir appris la mauvaise nouvelle. Après un jour passé à la maison, les membres de la famille décident de se rendre à l’hôpital régional Ibn Zohr (Mamouniya) à Marrakech pour se renseigner, sachant que personne n’avait de symptômes.

«L’hôpital était plein à craquer, même à 6h du matin», raconte-t-elle. Leur tour arrivé, les responsables les informent alors qu’ils n’ont pas à passer le test. «Ils nous ont dit que tant que nous n’avons pas les symptômes, pas besoin de faire le test», s’exclame-t-elle.

«Ce n’est qu’après avoir exhorté une connaissance travaillant au CHR et un agent de sécurité qu’ils ont consentis à prendre nos coordonnées. Ils ont promis de nous appeler après 24h, délai qui n’a bien évidemment pas été respecté.»

Sanaa

Mais si les autres membres de la famille de Sanaa n’avaient pas de symptômes au début, sa grand-mère, diabétique et hypertendue, a alors développé une fièvre, ce qui les a davantage inquiétés. «Nous avons donc appelé le moqadem, et du personnel médical est alors venu pour transférer mes grands-parents à l’hôpital», ajoute-t-elle, dénonçant le fait qu’ils ont été malgré tout invité à «laisser leur coordonnées et revenir le lendemain», même si la grand-mère avait des symptômes.

A Fès aussi, de moins en moins de tests pour les cas contacts

Le test est finalement effectué pour les deux séniors, renvoyés à nouveau chez eux, après plusieurs heures d’attente. Pour la famille, il faudra attendre samedi 8 août, 6 jours après la confirmation du cas du père, pour effectuer les tests, et quatre autres jours pour les résultats qui sont finalement revenus négatifs.

Toutefois, une cousine de Sanaa, considérée aussi comme cas contact du père et partie après l’Aïd à El Jadida, a été testée positive, tandis que les résultats pour les grands-parents n’ont toujours pas été communiqués à la famille.

Cette nouvelle situation ne concerne pas uniquement Marrakech ou les personnes contacts. Une source au Centre hospitalier universitaire (CHU) Hassan II à Fès a confié à Yabiladi que «la situation reste ambiguë et la plupart des cas contacts ne sont plus testés».

«Le secteur de la santé souffre d'une pénurie chronique de cadres, et le coronavirus a aggravé la situation après que des dizaines d'employés du CHU aient été infectés, ce qui rend difficile la réalisation de tests», explique-t-elle. 

«Ici, un certain nombre de contacts qui présentaient de légers symptômes de la maladie ont reçu le protocole de traitement approuvé sans être testés. De plus, au début, les personnes infectées par le coronavirus étaient soumis à deux tests de dépistage, avec une intervalle de 48h pour confirmer leur rémission alors que ce n’est plus le cas.»

Source au sein du CHU de Fès

Une pénurie du matériel destiné aux tests de dépistage ?

Comme à Marrakech, notre source au CHU de Fès explique que les cas contacts «ne sont plus soumis aux tests». «On se contente ainsi de leur fournir des médicaments approuvés pendant une période de sept jours en plus de sept jours de quarantaine. Une fois cette période expirée, le patient est alors considéré comme guéri», précise-t-elle.

Face au flou quant à ce changement de situation, plusieurs sources expliquent la suspension des tests pour les cas contacts par une pénurie du matériel destiné au dépistage. Ainsi, des sources bien informées ont confié au média local Kech24 que «des outils de détection du coronavirus, via la technologie PCR, ont commencé à s’épuiser, menaçant de perturber le système de suivi des personnes contacts sur lequel s'appuie le ministère de la Santé pour tenter de contenir la propagation de la Covid-19».

Et d’ajouter que les «répercussions de cette pénurie ont commencé à apparaître dans certaines régions, dont la première est Marrakech, où les services de santé ne prêtent plus la moindre attention aux cas contacts», ajoute-t-on.

C’est d’ailleurs le cas aussi à Fès, où «la pénurie de réactifs qui interviennent dans les réactions chimiques peut expliquer le fait que les tests de dépistage sont de moins en moins effectués», nous confie notre source au CHU de la capitale spirituelle.

Contacté par Yabiladi, le ministère de la Santé n'a pas donné suite à nos sollicitations.

* Le prénom a été changé

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