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Grand Angle

Maroc : «L’organisation du système de la santé», facteur déterminant pour le déconfinement

Le Maroc se dirige vers un déconfinement très progressif par crainte d'une deuxième vague de contamination. Pour l’épidémiologue Jaâfar Heikel, le système de santé reste l’oublié de cette bataille des facteurs devant permettre de décider d’un éventuel déconfinement.

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Photo d'illustration. / DR
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A une semaine de la fin de la deuxième période de l’urgence sanitaire, beaucoup de signaux ont été donnés par des responsables marocains sur l’éventualité d’un nouveau prolongement. Ainsi, après le ton rassurant du chef du gouvernement, Saadeddine El Othmani, le ministre de la Santé et celui de l’Education nationale, porte-parole du gouvernement, n’ont pas caché leur scepticisme quant à un éventuel déconfinement général le 20 mai.

Chiffre à l’appui, des experts sont d'accord sur le fait que le Maroc a réussi à éviter le pire. Pour l’épidémiologue, infectiologue et professeur Jaâfar Heikel, «le Maroc est aujourd’hui dans une situation de relative maîtrise de certains aspects de l’épidémie». «Nous n’avons quasiment plus de cas graves ou nécessitant la réanimation ou les soins intensifs. Nous avons augmenté la cadence du dépistage, ce qui nous a permis de dépister plus de cas positifs, avec la possibilité de les confiner et de les traiter pour éviter qu’ils ne s’aggravent», explique-t-il.

Face à ces deux constats rassurants, l’infectiologue rappelle «la problématique des nouveaux cas», notant que «depuis le 30 avril, il n’y a pas eu un jour où nous avons eu moins de 100 cas». Il cite aussi le fameux R0, soit le taux de reproduction de base (le nombre que chaque cas est capable d’infecter). «Clairement, nous avons constaté qu’il est passé de 2,6 ou 2,7 début mars à près de 1 en mai. Cependant, il doit être descendre en dessous de 1 pour que nous puissions dire que la courbe épidémique est en train d’être inversée comme dans un certain nombre de pays», ajoute-t-il.

De son côté, Abderrahmane Benmamoun, expert en santé publique et consultant à l’OMS explique, dans une déclaration à la MAP, que «la situation épidémiologique au Maroc est atypique». «Le Maroc est dans un stade idéal, avec un taux de mortalité très bas. Le confinement joue un rôle fondamental», affirme-t-il.

Même son de cloche chez Mohamed Amine Berraho, médecin épidémiologiste et professeur d’enseignement supérieur en épidémiologie clinique. Il rappelle que la courbe épidémique au Maroc évolue «en dents de scie», en estimant que l'évolution de l'épidémie «dépend largement de la maîtrise des foyers».

Un déconfinement progressif

Quant au déconfinement, Abderrahmane Benmamoun y voit une «étape très difficile à mettre en œuvre». «Une volonté existe pour un passage sûr qui doit être mené d’une manière très progressive, car la moindre erreur peut relancer l’épidémie», suggère-t-il. L’expert recommande même que «les personnes à risque doivent rester confinées».

«Une sortie brutale et mal préparée du confinement pourrait bien relancer l’épidémie et entraîner une deuxième vague», avertit de son côté Mohamed Amine Berraho. Il propose ainsi une stratégie de déconfinement reposant sur «une identification des cas probables permettant un diagnostic précoce», «la mise en œuvre de mesures d’isolement» et des «mesures spécifiques de contrôle de l’épidémie par sous-populations», entre autres.

Mais pour Jaâfar Heikel et quelque que soit la décision qui sera prise le 18 mai prochain, il ne faut pas oublier un facteur essentiel : «l’organisation de notre système de santé, et comment améliorer notre offre de soin», insiste-t-il.

«Il faut absolument rester vigilant, que ce soit dans le cadre d’une levée progressive, définitive ou basée sur des critères régionaux ou liés à une dynamique épidémique. Il faut aussi continuer à tester plus de Marocains, car il y a un pourcentage non négligeable de cas qui sont positifs mais asymptomatiques.»

Jaâfar Heikel

D’ailleurs, sur ce point, l’épidémiologue rappelle que le Maroc fait près de 1,8 test pour 1 000 habitants, alors que la France est presque à 6 tests pour 1 000 habitants. «Dans les pays développés, ce taux varie entre 5 et 17 tests pour mille habitants. Il faut donc avoir une stratégie et savoir qui pourra faire les tests après le déconfinement afin de tester un maximum de personnes», ajoute-t-il.

Pour Pr. Jaâfar Heikel, «le retour de la vie à la normale doit se faire avec les précautions, la sagesse nécessaire et la préparation». «Vous voyez que même dans des pays développés, il y a encore de nouveaux foyers, qui sont circonscris, mais qui nécessite prudence et vigilance. Si jamais nous avons une deuxième phase ou un deuxième pic épidémique qui arrive, il faudra que notre système puisse y répondre», insiste l’épidémiologue.

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