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Grand Angle

Maroc : Ramadan et pandémie réadaptent le discours religieux

Dans quelques jours, les musulmans pratiquants du monde entameront un mois de jeûne, sous le signe du confinement sanitaire à cause de la pandémie de coronavirus. Au Maroc, ce double-contexte pose le débat sur le rôle du discours religieux, appelé à s’adapter à ces circonstances.

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Photo d'illustration / DR.
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Quel rôle donner au discours religieux dans l’encadrement des pratiques liées au Ramadan, pendant une pandémie mondiale ? Si les préposés religieux d’autres pays, notamment en France et en Belgique, ont préconisé un accompagnement à distance à travers leurs instances de culte musulman, leurs homologues au Maroc réadaptent également les pratiques religieuses aux circonstances actuelles.

La fermeture des mosquées étant maintenue au Maroc pendant ce Ramadan à cause du coronavirus, le Conseil supérieur des oulémas a ainsi préconisé que les Tarawih se fassent dans les maisons, même individuellement. Pour éviter tout rassemblement important, les prières regroupant deux personnes sont aussi considérées comme collectives. Mais pendant le Ramadan, ces mesures parmi d’autres devront être accompagnées d’initiatives de proximité, avec la production d’un discours religieux apaisé qui appelle à la raison.

Médecin et écrivaine connue pour ses recherches dans le champs religieux, Asma Lamrabet estime, dans ce sens, que «peu de personnes ont réagi négativement à la fermeture des mosquées à cause de l’urgence sanitaire». «Dans un avenir proche, j’espère que cette compréhension sera accompagnée par nos préposés avec la valorisation d’un discours marqué par la modération, la sagesse et la rationalité, surtout lorsqu’on s’adresse aux gens à travers les médias», recommande la chercheuse.

«Un discours apaisé doit orienter en ces temps difficiles de confinement, pour expliquer que la pandémie n’est pas forcément un châtiment divin; c’est une mise à l’épreuve de notre patience. Cette dimension humaniste, qui existe dans l’essence du message de l’islam, doit revenir davantage, surtout pendant le mois de Ramadan.»

Asma Lamrabet

La médecin et écrivaine considère d’ailleurs que «beaucoup de personnes ont eu une bonne compréhension et ont réalisé que sauver des vies humaines rejoignait le message religieux et ses pratiques éthiques». De plus, «l’un des points positifs de la situation que nous vivons est qu’une importante partie de Marocains ont réalisé encore plus l’importance de la science et de la raison dans l’interprétation religieuse», souligne Asma Lamrabet.

Investir les nouveaux médias pour lutter contre la confusion

En temps de pandémie, l’appui du discours religieux à la science et à la médecine est d’ailleurs une fonction éducative qui gagnera à être promue, à travers les contenus destinés aux pratiquants du mois de Ramadan, selon Ahmed Abbadi. Le secrétaire général de la Rabita Mohammadia des oulémas déclare à Yabiladi que ces contenus «devront s’adapter à chacune des composantes de la société».

«On parle d’enfants, d’adolescents, d’influenceurs, d’encadrants, de parents, envers lesquels ce discours doit s’adapter, en fonction des attentes et des interrogations de chacun», souligne-t-il. C’est ce sur quoi travaille actuellement la Rabita, qui a «proposé des contenus digitaux adaptés aux uns et aux autres à travers son site Internet». Celui-ci propose ainsi «des formats interactifs dédiés à la jeunesse, des liens de vulgarisation scientifique pour les adultes, mais aussi des capsules audio-visuelles et des bandes-dessinées électroniques, ainsi qu’une université numérique mise en place sur le site et qui couvre les diverses sciences de l’islam», décrit le secrétaire général de la Rabita.

Pour Ahmed Abbadi, une «fonction sensibilisatrice de la religion» est justement de «donner la primauté aux sciences médicales», surtout en temps de grande pandémie et de recueillement spirituel.

«La conscientisation opérée de la sorte lutte notamment contre les discours charlatans, qui jouent sur les peurs compréhensibles des gens inquiets de tomber malades, mais prétendent à des conseils voulus comme naturels et efficaces contre le coronavirus.»

Ahmed Abbadi

Dans son essence, «la religion s’oppose au charlatanisme et dans chaque aspect relatif aux savoirs», ajoute-t-il, en affirmant qu'elle recommande vivement de tenir compte de l’avis des spécialistes. «Pour les interrogations d’ordre médical, elle préconise donc de se référer aux indications des praticiens reconnus, des autorités sanitaires et des chercheurs, ce qui doit primer dans l’approche de l’accompagnement», recommande encore Ahmed Abbadi.

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