Menu

Grand Angle

Quatre légendes sur des personnages et des lieux les plus effrayants au Maroc

Au Maroc, nombreux sont ceux qui croient encore aux légendes. Si certains ne jurent que par elles, d’autres se font les relais des histoires de famille lugubres. Zoom sur quatre lieux et figures les plus fantasmagoriques du Maroc.

Publié
Photo d'illustration. / Ph. DR
Temps de lecture: 5'

Les djinns, les esprits et les créatures surnaturelles font partie intégrante du patrimoine immatériel des Marocains. Nombreux d’entre nous, alors petits, ont été mis en garde contre certaines pratiques, comme le fait de verser de l’eau chaude dans les égouts ou de pleurer durant la nuit, de peur d’être possédé ou condamner une maison à être hantée à jamais. Certains ont été même invités à suivre des «instructions» alors qu’ils écoutaient attentivement les récits étranges et mystérieux d'une dame décédée qui apparait à tout moment de la nuit, ou encore ceux d’un sultan des djinns qui n’aime pas qu’on porte des vêtements de couleurs spécifiques.

Sidi Chamharouch ou le puissant sultan des djinns

Les légendes autour de sa personne seraient millénaires. Ayant vécu une vie longue et prospère avant son repos éternel, Sidi Chamharouch aurait, selon la légende, choisi le Maroc pour y passer ses derniers jours. Un djinn pas comme les autres, l'un des sept sultans, qui aurait au total vécu… douze siècles ! De nos jours, seul son sanctuaire situé près d'Aroumd, un petit village amazigh de la vallée d'Ait Mizane, dans le Haut Atlas est le témoin de son existence.

Les récits concernant ce sultan des djinns rapportent comment les habitants de la région le vénéraient tellement qu’ils «lui ont établi un sanctuaire à la base du mont Toubkal». Ils pensaient, en effet, qu’il «fait couler des rivières qui pourront traverser leur terre et permettre à leur bétail d’étancher sa soif», raconte Mohamed Maarouf dans son livre «Jinn Eviction as a Discourse of Power : A Multidisciplinary Approach to Modern Moroccan Magical Beliefs and Practices» (Editions Brill, 2007).

Selon des «Fqihs» cités par Maarouf, le djinn serait mort vers 1898. «La légende raconte que Sidi Chamharouch s'est retiré là-bas (au Maroc) pour passer les derniers siècles de sa vie», écrit-il.

Ceux qui croient au sultan des djinns savent aussi qu’il se serait «converti à l’islam à l’époque du prophète avant de devenir un Aalim (érudit) et un qadi (juriste) des djinns». Certains croient qu’il serait toujours en vie, alors que d’autres jurent que son esprit sacré parcourt encore les montagnes de l'Atlas, accueillant les voyageurs venant des quatre coins du monde pour visiter son sanctuaire ou rechercher un traitement.

Et si vous envisagez de visiter Sidi Chamharouch et d'y passer la nuit, sachez qu’il aurait, selon la légende, des préférences concernant les couleurs de vos vêtements. Les histoires racontent même que le chef des djinns n’apprécie que deux et seulement deux couleurs : le blanc et le vert.

Aicha Kandicha, un esprit qui rôde la nuit en quête de vengeance

Sidi Chamharouch n’est pas le seul djinn des histoires racontées aux petits pour les effrayer. Car si le sultan des djinns ne semble pas s’aventurer au-delà de l’Atlas, un autre esprit -une femme cette fois- peut vous tomber dessus où que vous soyez au Maroc, surtout si vous êtes un homme.

Elle serait même «éternellement fâchée contre tous les hommes et ferait n'importe quoi pour les attirer et posséder leurs corps, ou les effrayer à mort» selon la légende construite autour du personnage d’Aicha Kandicha. Son récit permet toutefois aux femmes de souffler, car lorsqu’il s’agit de ce personnage mythique, la légende raconte que cette figure féminine, au visage d’une belle femme mais avec des pattes de chèvre, ne cherche qu’à venger ses vieilles blessures.

Certains récits légendaires laissent penser qu’Aicha Kandicha fait références à Lalla Aïcha Bahria qui repose près d'Azemmour. Mais pour d’autres, il s’agit d’un autre personnage imprévisible qui peut vous visiter lorsqu’il fait noir, quand vous êtes vulnérable dans des zones isolées et tout seul.

Selon Deborah Kapchan, auteure de «Traveling Spirit Masters : Moroccan Gnawa Trance and Music in the Global Marketplace» (Editions Wesleyan University Press, 2007), Aicha Kandicha serait plutôt une «figure prenant la forme de femme». Elle cite le romancier américain Paul Bowles ayant vécu au Maroc pendant des années et pour qui Aicha Kandicha, l'une des «djinns féminines les plus puissantes et les plus dangereuses», était mariée à «35 000 hommes au Maroc».

De nombreuses personnes, en particulier des hommes, auraient juré l'avoir vue dans des zones isolées en conduisant la nuit. Elle aurait tenté de les attirer vers elle d'une manière à laquelle aucun homme ne pourrait résister.

Et selon l'écrivaine marocaine Fatima Mernissi, cette femelle djinn, hantant les esprits de certains Marocains, serait «répugnante justement parce qu'elle est libidineuse». «Son passe-temps favori consiste à attaquer les hommes dans les rues et dans des endroits sombres, à les forcer à avoir des rapports sexuels avec elle et à pénétrer leur corps afin de les posséder pour toujours», a ajouté Fatima Mernissi.

La prison de Qara et ses couloirs sans fin

Et les esprits invisibles peuvent aussi hanter des lieux, du moins selon les légendes. C’est le cas notamment d’une célèbre prison pas comme les autres. C’est l'un des premiers établissements pénitentiaires au Maroc, destiné à accueillir des détenus chrétiens et d'autres captifs. La légende de la prison souterraine de Qara, qui se trouve à Meknès, a commencé sous le règne du fondateur de la ville, Moulay Ismail.

L’établissement «aurait été conçu par un prisonnier portugais à qui Moulay Ismail aurait promis la liberté s'il réussit à lui construire une prison pouvant contenir 40 000 prisonniers», rappelle le livre «Morocco» (Editions Michelin Travel Publications, 2001). La prison portera finalement le nom du prisonnier et architecte portugais, «Qara». Un nom qui a fait référence à la terreur, au mystère et probablement à un labyrinthe hanté auquel nul ne peut échapper, raconte la légende.

Avec ses couloirs sans fin, ses innombrables cellules et ses murs qui n’ont jamais vu le soleil, il serait même facile de s’y perdre. La légende ajoute que beaucoup de gens, y compris des chercheurs, sont entrés dans cette installation sans jamais en sortir.

Outre son architecture mythique, conçue pour inciter quiconque à abandonner tout espoir une fois dedans, nombreux sont ceux qui affirment que l'endroit serait hanté et regorgerait de djinns, de fantômes et esprits des détenus oubliés. À ce jour, personne ne sait combien de détenus sont morts entre ces murs mais plusieurs semblent convaincus que des âmes torturées pourraient toujours y résider, attendant qu'un visiteur se pointe pour déchaîner leur colère ou lui infliger le même châtiment qu’ils recevaient. Si vous souhaitez défier la légende, la prison Qara peut être visitée aujourd'hui.

Le sanatorium hanté de Ben Smim

Non loin de la capitale ismaélienne, il existe un sanatorium qui accueillait autrefois plusieurs patients. Le grand bâtiment, situé au milieu d’une forêt près d’Azrou, est aujourd’hui une tour abandonnée où les événements les plus étranges se dérouleraient pendant la nuit, selon des témoignages terrifiés.

Ben Smim, l'hôpital pour traitements antituberculeux, a été construit vers 1946 alors que le Maroc était sous protectorat français. Le sanatorium était un rêve devenu réalité pour un Français atteint de tuberculose. Ses médecins lui auraient annoncé qu'il ne pouvait guérir sa maladie. Les récits historiques rapportent que l'homme était venu au Maroc pour profiter des derniers jours de sa vie en voyageant à travers le pays. Il tombe sur la région et y séjourne. Après un moment, il réalise que les conditions météorologiques et les «bonnes vibes» l’auraient miraculeusement guéri de sa maladie. Il décide ainsi de retourner à Azrou pour y construire l'hôpital.

À l’époque, il s’agissait d’un projet de grande envergure, qui comptait 400 lits et consistait en un bâtiment de 185 mètres de long, avec des pièces spacieuses dotées d’équipements de pointe. Inauguré en 1955, le sanatorium sera toutefois abandonné 20 ans plus tard, faute de financement.

Depuis lors, le bâtiment laissé à la merci de la nature est devenu un lieu redoutable. Beaucoup de gens ont essayé d'y entrer pour démystifier les récits suggérant qu'il s'agit probablement d'un sanctuaire de fantômes. De nombreux YouTubeurs aventureux ont même osé explorer l'hôpital avec leurs appareils photo pour documenter cette expérience terrifiante après une série de défis lancés en ligne.

Aucun d'entre eux ne pouvait prendre en photo le surnaturel qui enrobe l’édifice. Mais le regard qu'ils portaient une fois sortis de l'intérieur de Ben Smim en dit long : Toute personne osant entrer dans ce fameux «hôpital dans les bois» doit s’armer de courage et de méfiance.

Soyez le premier à donner votre avis...
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com