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Grand Angle

Maroc : Les cliniques privées à couteau tiré avec le fisc

Les cliniciens du privé ne veulent pas entendre parler de leur préférence pour les paiements en liquide. Ils protestent également lorsqu’il leur est reproché d’occulter auprès du fisc une partie importante de leurs entrées. Ils annoncent ainsi attaquer en justice le secrétaire général du ministère de l’Economie et des finances, Zouhair Chorfi, qui a pointé du doigt ces usages.

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Zouhair Chorfi, secrétaire général du ministère de l’Economie et des finances / Ph. DR.
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«Au nom du social, des représentants d’une profession, la médecine et les cliniques privées, se croient tout permis». C’est ainsi que Zouhair Chorfi, secrétaire général du ministère de l’Economie et des finances, a dénoncé samedi dernier les usages de nombre de cliniques privées. Prenant part aux troisièmes Assises nationales sur la fiscalité, le responsable leur a notament reproché leur refus de se faire payer par chèque et de préférer que les patients versent les frais de soins en liquide. Il a dénoncé aussi le laxisme de l’Ordre des médecins face à ces pratiques qui ne permettent pas de retracer rigoureusement les bénéfices des établissements de santé privés, mais surtout des minorations qui, selon lui, peuvent atteindre jusqu'à 90%.

«Aujourd’hui, les données sont connues, profession par profession. Nous ne sommes dans des minorations de valeur de 10 ou de 20%. Quand nous sommes dans des minorations de 90%, [il y a] un problème», a-t-il martelé au milieu de l’assistance.

Il ajoute ensuite qu’«est venu le moment où il faut se dire les choses avec responsabilité, d’arrêter de faire une chose et de dire son contraire, d’avoir un peu d’humilité et une dose d’autocritique (…) La corruption, ça suffit, le noir, ça suffit !». Dans ce sens, Zouhair Chorfi souligne que «ce n’est pas qu’une affaire d’individus». Il en appelle ainsi aux associations et aux Ordres des médecins pour faire face aux usages frauduleux de ces cliniques.

«La moralisation de la vie publique n’est pas qu’une affaire de l’Etat, chacun doit balayer devant sa porte», a-t-il encore lancé, appelant les concernés à s’armer de plus d’éthique pour «changer de posture, de comportements» et se tourner enfin vers «une nouvelle citoyenneté».

Les cliniques privées crient à la diffamation

S’il a été longuement applaudi par l’assistance, Zouhair Chorfi a cependant essuyé des critiques des représentants du corps médical privé présents à la rencontre. En effet, ces derniers ont demandé des excuses et ont même reproché à Chorfi de verser dans la diffamation. Dès lundi, l’Association nationale des cliniques privées (ANCP) dit ainsi avoir porté plainte pour le même motif, accusant le secrétaire général du ministère de l’Economie d’avancer des faits «erronés».

«[Zouhair Chorfi] parle du fait que nous sous-déclarons nos revenus à hauteur de 90% au fisc», fustige Redouane Semlali, président de l’ANCP, auprès de Challenge. «C’est tout à fait dommage qu’un économiste averti puisse croire qu’un secteur soit capable de cacher 90% de son activité sans couler. En plus, l’administration fiscale avec laquelle nous avons discuté pendant six mois n’a pu redresser que 1,5% de toute l’activité des cliniques», argue le clinicien, affirmant que «le fisc a reconnu 1,5% d’écart».

Concernant les déclarations de Zouhair Chorfi sur le rôle des Ordres des médecins, Yabiladi a tenté de joindre celui de la région Casablanca-Settat, mais nos sollicitations sont restées sans suite.

Selon le ministère, les 90% sont bien traçables

De son côté, une source au sein du ministère de l’Economie et des finances nous affirme que «les chiffres évoqués par le secrétaire général n’ont pas été avancés sans base solide». «Ils figurent bien dans des rapports présentés lors des dernières Assises nationales sur la fiscalité», nous explique-t-on.

Aussi notre source indique que «les déclarations de Zouhair Chorfi ont été tenues à titre personnel et non pas dans le cadre d’un panel ou d’une discussion où il représentait le ministère, d’autant plus que c’est en sa qualité de membre du public ayant assisté à une table-ronde qu’il a pris la parole, souhaitant réagir à des propos dits lors de la rencontre et avec lesquels il n’était pas d’accord».

Selon notre interlocuteur, ceci explique notamment que la plainte annoncée par l’ANCP soit portée contre le secrétaire général en personne et non pas le ministère. «Des recommandations seront bientôt publiée à l’issue des Assises, notamment sur la base des chiffres avancés à M. Chorfi et qui, encore une fois, figurent sur des rapports que les participants ont pu consulter», souligne la même source.

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