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Grand Angle

Le Maroc, source d'inspiration pour Miguel de Cervantes

Certes il ne se rendra jamais au Maroc, mais même à des milliers de kilomètres, le royaume inspirera fortement le Shakespeare espagnol, Miguel de Cervantes. Une «route cervantine» a même été inaugurée dans la ville de Tétouan en son hommage.

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Adaptation au cinéma de «L'Admirable Don Quichotte de la Manche». / Ph.DR
Temps de lecture: 3'

Considérée comme l’une des œuvres majeures de la littérature mondiale et le premier roman moderne, «L'Admirable Don Quichotte de la Manche» de l’Espagnol Miguel de Cervantes fait allusion au Maroc à plusieurs reprises.

Et ce n’est pas le seul livre où l’écrivain fait référence au royaume et au Maghreb. En effet, la relation de l’écrivain avec cette partie du monde n’est pas des plus anodines, étant donné qu’il fût capturé par des corsaires bien avant la parution de son roman fantasmagorique, retrace Andrés Trapiello dans «Les vies de Miguel de Cervantes» (Buchet Chastel, 2005).

C’est durant la bataille de Lépante (7 octobre 1571) que le jeune Miguel de Cervantes, alors âgé de 28 ans, s’engage en tant que chef d’escadre (grade de la marine de guerre) auprès des troupes de la Sainte Ligue contre l’Empire ottoman. Au front, le jeune Cervantes perd l’usage de sa main gauche et se fait surnommé le «manchot de Lépante». Bien que triomphants, une des embarcations de la Sainte Ligue où se trouve le jeune Cervantes sera la proie de corsaires morisques au large de Barcelone.

Captif à Alger

Lui et son frère Rodriguo seront alors capturés puis emmené à Alger par l’amiral algérois Mami Arnaute, un renégat albanais. Les corsaires pensèrent que Cervantes était d’une illustre famille car il avait sur lui une lettre de recommandation signée par Jean d’Autriche, écrit Florence Madelpuech dans «Turcs, Maures et Morisques dans Don Quichotte : interpréter et traduire, pour une poétique de l’altérité». La suite est racontée par Miguel de Cervantes lui-même : 

«J’étais donc parmi les captifs du rachat; car, lorsqu’on sut que j’étais capitaine, j’eus beau déclarer que je n’avais ni ressources ni fortune, cela n’empêcha point qu’on ne me rangeât parmi les gentilshommes et les gens à rançon.»

Miguel de Cervantes

Au total, l’écrivain passera plus de cinq ans en captivité dans la capitale Algérienne. Son frère aîné sera libéré peu de temps après avoir été capturé. Sa famille n’aurait pu réunir une certaine somme d’argent qui ne permettra le rachat que de l’un d’entre eux. A Alger, l’Espagnol côtoie de nombreux captifs qui lui parleront de la majestueuse et effrayante ville de Tétouan, avec laquelle les corsaires faisaient frémir les puissances étrangères.

Alger des corsaires. / Ph.DRAlger des corsaires. / Ph.DR

Tétouan comme source d’inspiration 

Le dramaturge espagnol entendra alors parler de la virulence des corsaires tétouanais. Ces récits le hantent jusqu’à son retour en Espagne, où il écrira plusieurs pièces de théâtre et romans. Dans sa comédie intitulé «Le juge des divorces», Miguel de Cervantes évoque les oubliettes de Tétouan, qui étaient une sorte de labyrinthe ou cachots où étaient emprisonnées les personnes condamnées à la perpétuité. Cervantes les évoque en ironisant sur le fait qu’il y aurait besoin d’un miracle pour s’en échapper. «Comme si par miracle le captif puisse se libérer des oubliettes de Tétouan», écrit-il.

Et ce n’est pas tout. Dans son œuvre magistrale du Don Quichotte, il parle à nouveau de la ville marocaine.

«Bref, il finit par nous dire que ce qu’il y avait de mieux à faire, c’était de lui donner à lui l’argent destiné à la rançon du chrétien, qu’il en achèterait à Alger même en barque sous prétexte de se faire marchand et de négocier avec Tétouan et le reste de la côté; et que, une fois possesseur de cette barque, il trouverait facilement le moyen de nous tirer du bagne et nous mettre tous à bord.»

L'Admirable Don Quichotte de la Manche, Volume 1

Les allusions faites à la ville marocaine ont toutes été recensées par Abderrahman El Fathi, professeur à l’Université Abdelmalek Essaadi de Tétouan, dans son ouvrage «Le Maroc dans Cervantes. Anthologie de textes cervantins», publié en 2015.

Le professeur, qui a animé de nombreuses conférences à ce sujet, a même été l’instigateur de la création d’une «route cervantine» à Tétouan, comme tant d’autres en Espagne. Le circuit, inaugurée le jour de la commémoration de la mort de Cervantes (23 avril 1616) l'année dernière, débute à Bab Al Okla, une des sept portes de la médina. La route se poursuit jusqu’à la «porte des vents», qui donne accès à la ville nouvelle.

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