Le 27 mars dernier, la marathonienne Clémence Calvin a esquivé un contrôle antidopage lors d’un stage au Maroc, après une altercation de son compagnon Samir Dahmani, également coureur, avec un préleveur mandaté par l’Agence française de lutte contre le dopage (AFDL). Les prélèvements n’ont finalement pas été effectués, mais les deux sportifs ont été suspendus momentanément par la Fédération française d’athlétisme (FFA), qui a par ailleur interdit Ifrane à ses professionnels.
Depuis, une enquête du journal Le Monde a expliqué que les faits se sont déroulés à Marrakech, mais que le couple avait ses habitudes d’entrainement à Ifrane surtout. Sur la base de témoignages, dont certains anonymes, le média va jusqu’à définir Ifrane comme une «plaque tournante du dopage», où ces substances seraient à portée de main et même à la disposition préalable des sportifs qui louent des habitations sur place.
Le mécontentement de la Fédération royale marocaine d’athlétisme
Ces révélations ont fait d’abord réagir le président de la Fédération royale marocaine d’athlétisme (FRMA), Abdeslam Ahizoune, qui a fait part de son mécontentement auprès du journal L’Equipe. «C’est une affaire qui regarde les responsables français et leurs athlètes», souligne-t-il. «Ils sont libres d’envoyer leurs athlètes où ils veulent, et de toute façon ils ne les envoient pas à la Fédération royale marocaine (…) Nous pointer est faire diversion», a-t-il martelé.
De son côté, l’ancien directeur technique à la FRMA, Aziz Daouda, explique à Yabiladi qu’«il n’y a pas de raisons pour que les autorités marocaines réagissent à une affaire franco-française qui doit être réglée en France avec la sportive concernée». Pour lui, il s’agit surtout d’«une "story" narrée par des personnes qui ne connaissent pas Ifrane et qui ne savent donc pas ce qui s’y passe en étant allés sur place».
Aziz Daouda nous rappelle qu’«à Ifrane, il y a l’Académie Mohammed VI d’athlétisme qui dépend de la FRMA, où de jeunes marocains sont formés et qui ne reçoit pas de sportifs étrangers à cet effet, ainsi qu’une piste ouverte à ces derniers à condition d’une autorisation». Il affirme qu’«il n’existe pas un laboratoire là-bas pour fabriquer ces produits de dopage, ou une pharmacie reconnue par l’Etat qui les vendrait».
A Ifrane, les produits dopants ne seraient pas aussi accessibles
L’ancien directeur technique de la FRMA explique que «pour se procurer ces substances, il faut une longue procédure, des ordonnances de la pharmacie centrale et un passage en commission, sachant que les dopants sont interdits de vente dans les pharmacies ordinaires». Il souligne aussi que «la législation nationale est très stricte sur l’usage de ces substances qui ne sont disponibles que dans certains milieux hospitaliers, avec des ordonnances numérotées», insitant sur la «grande vigilance des autorités nationales et de l’Etat».
Notre interlocuteur considère qu’au cas où on retrouve ces produits ailleurs, «ce sont des athlètes qui les ramènent eux-mêmes dans leurs bagages ou en les faisant passer pour des médicaments utilisés à des fins thérapeutiques». Il en déduit que «si un professionnel français est contrôlé positif ou soupçonné d’utiliser des substances, c’est en France qu’il faut chercher comment il a pu se les procurer».
«Clémence Calvin n’est pas suspectée pour la première fois d’utiliser des substances suspectes pour améliorer ses performances. Je ne comprends pas pourquoi on veut transposer ce problème à Ifrane et à un autre pays alors que c’est sur son attitude à elle en tant que sportive qu’il faut se poser des questions.»
Aziz Daouda précise par ailleurs que cela fait plus de 40 ans que les athlètes choisissent Ifrane pour s’entrainer, car beaucoup la préfèrent pour son altitude, ses parcours uniques et son climat permettant aux coureurs de se préparer en hiver aux tournois mondiaux. «Le Maroc n’a rien à voir avec les histoires de dopage de sportifs français», réitère-t-il, ajoutant que «cette athlète pouvait être contrôlée positive ou avoir une altercation avec un préleveur pour empêcher son contrôle au Mexique ou en Afrique du Sud ou partout ailleurs».
A la question de l’impact de la décision de la FFA d’interdire Ifrane aux athlètes français, après l’affaire Calvin, sur la dynamique sportive et touristique de la ville, Aziz Daouda considère qu’il n’y en aura pas. «Ça fera peut-être des professionnels français en moins, mais c’est tout», conclut-il.