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Halima Warzazi ou le long parcours diplomatique d’une Marocaine à l’ONU

Née à Casablanca en 1933, Halima Warzazi est l’une des diplomates dont les Marocaines ne peuvent qu’être fières. Rapporteuse spéciale de l’ONU sur plusieurs questions, elle a su réaliser son rêve de jeune fille en devenant diplomate à un moment où le regard de la société vis-à-vis des femmes était plus dur. Aujourd’hui, son combat se poursuit.

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La diplomate marocaine Halima Warzazi. / Ph. DR
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Alors que le Maroc célèbre ce 8 mars la Journée internationale des femmes, plusieurs Marocaines au parcours remarquable sont sous les feux des projecteurs. Parmi elles, Halima Warzazi, peu connue du grand public, mais qui a occupé depuis 1961 jusqu’à aujourd’hui, plusieurs postes de responsabilité notamment au sein des Nations unies.

Halima Warzazi a vu le jour à Casablanca le 17 avril 1933 au sein d’une famille évoluant dans le milieu des affaires. A l’âge de 14 ans, la jeune fille est envoyée au Caire pour étudier à l’école française de la capitale égyptienne. Derrière ce choix, le fait que l’ambassadeur du Maroc dans ce pays arabe, Abdelkhaleq Torres, était un ami de son père.

Dix ans après, en juin 1957, la Marocaine décroche une licence en lettres. L’ambassadeur du royaume organise alors une somptueuse fête en son honneur. C’est à ce moment que l’ambitieuse Halima découvre sa vocation ; celle de travailler dans le monde diplomatique, comme le raconte Emmanuel Kwaku Akyeampong dans «Dictionary of African Biography» (Editions OUP USA, 2012).

De retour au Maroc, Halima Warzazi postule pour un poste au sein du ministère des Affaires étrangères (MAE), à l’insu de ses parents. Son père préférait qu’elle s’occupe plutôt des affaires familiales. En novembre 1957, elle devient donc fonctionnaire du MAE à une époque où «seulement trois femmes travaillent au sein de ce département et étaient considérées comme intruses». Une expérience qui fut loin d’être du pain béni pour Halima. «Elle était appelé "fille à papa" par ses collègues masculins qui ne comprenaient pas pourquoi une fille riche travaillait», poursuit Emmanuel Kwaku Akyeampong.

Premiers pas d’une diplomate marocaine

Parallèlement, elle devient la fiancée d’Abderrahman Anegay, directeur du cabinet royal. Mais en 1959, c'est le drame : le couple a un accident de la circulation. Halima est blessée ; son fiancé trouve la mort alors qu'il était sur le point d’être nommé ambassadeur du royaume à Washington.

Cette année-là, Halima rencontrera le roi Mohammed V. Elle prend son courage à deux mains et saisit l’occasion pour demander au souverain qu’elle «remplace son fiancé décédé dans son poste diplomatique». Le roi accepte. Ainsi, en août 1959, elle devient la première marocaine a être nommée attachée culturelle à l’Ambassade du Maroc à Washington. Elle devient également membre de la Délégation marocaine à l’Assemblée générale des Nations Unies de 1959 à 1960, sur décision d’Abdallah Ibrahim, chef de la diplomatie marocaine et président de la délégation.

Halima Warzazi à l'ONU. / Ph. DRHalima Warzazi à l'ONU. / Ph. DR

Mais cette nomination, comme son poste au ministère, ne l’épargne pas des remarques blessantes de ses collègues. Ces derniers l’assignent à un poste marginalisé au sein de la Troisième Commission. Mais avec le temps, cette commission deviendra l’une des plus importantes à l’ONU, rebaptisée «Commission sociale, humanitaire et culturelle».

En 1961, Halima Warzazi est de retour au Maroc pour épouser le consul général du Maroc à New York. Elle devient d’abord attachée de cabinet du ministre de la Santé et chargée de la division de l’assistance sociale de septembre 1962 à octobre 1963 puis attachée du cabinet du ministre des Affaires étrangères dès 1964, selon son CV publié sur le site du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme.

Durant sa présence au Maroc, Halima s’intéresse aussi à la politique. Elle intègre le Mouvement populaire en 1963 en tant que membre du comité central. Elle candidate pour les législatives de 1963 mais échoue à rejoindre l’hémicycle marocain, à une époque où la dominance des hommes suffoquait encore les instances politiques et syndicales du pays.

Une présidente de la troisième commission de l’ONU

«L’expérience consolide sa croyance que la présence des femmes dans les postes de décision est la clé pour la démocratisation et le développement des pays», indique-t-on dans «Dictionary of African Biography». Elle dénonce alors le fait que le Parlement du Maroc, censé présenter toutes les composantes de la société, «néglige les femmes qui représentent la moitié de la population». Elle est alors la première à militer pour qu’un quota soit restauré pour assurer aux Marocaines une représentativité au sein de l’hémicycle.

Et en 1965, elle propose la candidature du royaume pour la vice-présidence de la troisième commission. Une candidature qui déplaira à ses supérieurs et ses collègues, même si le Maroc décroche cette place. Mais Halima continuera à bâtir petit à petit sa carrière internationale. Lors d’une cérémonie du Conseil consultatif des drois de l’Homme en son honneur, elle confie :

«En 1965, alors que j’assumais la vice-présidence de la troisième commission, les délégations me firent l’honneur de me confier la présidence du groupe de travail qui avait été créé pour finaliser l’élaboration du projet de convention sur le racisme. Et en 1966 alors que je présidai la même commission, je gagnai un pari qui semblait impossible à réaliser, et ce en faisant adopter, après deux longs mois de négociations, les deux projets de pactes qui avaient circulé pendant près de 17 ans entre la commission des droits de l’Homme, l’ECOSOC et l’Assemblée Générale. Qui plus est, les pactes furent adoptés à l’unanimité.»

Halima Warzazi

Après cette nomination, la Marocaine occupe plusieurs postes notamment au Maroc, à l’instar de sa désignation, en mai 1968 comme Représentante du Maroc à la Commission de la condition de la femme aux Nations unies pour une période de trois ans. Elle prendra aussi part aux 8 et 9èmes conférences de l’Organisation de l’Union africaine (OUA) en tant que membre de la délégation du royaume.

Un combat loin d’être achevé

A l’ONU, Halima Warzazi continue sa percée. Elle est ainsi nommée Rapporteuse spéciale de la Sous-Commission sur l’exploitation de la main d’œuvre par un trafic illicite et clandestin en 1973, puis membre du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de 1974 jusqu’à 1978. Cette année-là, elle est aussi choisie pour présider la délégation marocaine à la Conférence mondiale contre le racisme à Genève. De 1982 à 1986, la Casablancaise est nommée présidente-rapporteuse du Groupe de travail de la troisième Commission de l’Assemblée générale sur les droits des non ressortissants puis Rapporteuse spécial de la Sous-commission sur les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants. Elle présidera aussi le Comité préparatoire de la Conférence mondiale sur les droits de l’Homme dès septembre 1991.

Au Maroc, Halima Warzazi occupe d’autres postes de responsabilité, comme directrice des Organisations internationales au MAE et ambassadrice à l’Administration centrale. En décembre 2002, elle a été nommée par le roi Mohammed VI en tant que membre du Comité consultatif des droits de l’Homme. Un an plus tard, elle est devenue présidente de la Sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’Homme à l’ONU.

Si le Conseil des droits de l’Homme a célébré, en mai 2009, ses 50 ans aux services de la lutte pour les droits humains, le combat de Halima Warzazi n’est toujours pas achevé. Elle continue toujours à intervenir à l’ONU pour défendre les causes auxquelles elle croit, à savoir les droits de l’Homme en général, et ceux des femmes en particulier.

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