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Grand Angle

Les désillusions des Français d’origine maghrébine face aux recruteurs

Malgré leurs diplômes et leurs efforts, les descendants d’immigrés maghrébins peinent toujours à faire valoir leurs compétences face aux employeurs. Une réalité qui tranche avec les discours sur la méritocratie et les valeurs de la République.

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Malgré leurs diplômes et leurs efforts, les descendants d’immigrés maghrébins peinent toujours à faire valoir leurs compétences face aux employeurs. / Ph. Eric Thayer – Reuters
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Ils sortent parfois des grandes écoles mais sont encore cantonnés aux petits boulots, faute d’en trouver un vrai. Dans une longue enquête publiée sur le site de Mediapart, le Bondy Blog revient sur les discriminations auxquelles se heurtent les jeunes diplômés d’origine maghrébine dans le monde du travail.

En décembre 2016, une enquête du ministère du Travail, réalisée entre avril et juillet 2016, démontrait que les recruteurs ont tendance à privilégier les noms à consonance française au détriment de ceux à consonance maghrébine et ce, quel que soit le niveau de diplôme. Une fois encore, c’est la méthode du testing qui a fait ses preuves : deux chercheurs de l’équipe d’ISM Corum, un cabinet expert en testings, ont envoyé des faux C.V. à quarante entreprises françaises de plus de 1 000 salariés chacune. Ils ont mis au point deux profils présentant le même parcours scolaire, la même nationalité (française) et les mêmes expériences professionnelles, à ceci près que leurs noms sont chacun vecteurs d’une consonance différente : l’un est d’origine maghrébine, l’autre «hexagonale». Environ 1 500 tests ont ainsi été menés.

Résultat : 47% des profils jugés de type «hexagonal» ont décroché un entretien contre 36% des enfants d’immigrés maghrébins, soit un écart de 11 points. Le Bondy Blog précise que la discrimination est encore plus forte dans 12 des 40 entreprises testées, avec un écart de 35 points.

«Il y a un véritable marché caché de l’emploi»

Derrière les chiffres, il y a bien sûr la déception et les désillusions des postulants, d’autant plus accentuées lorsque ces derniers se sont tannés le cuir à coups de petits boulots pour pouvoir payer leurs études. C’est le cas de Youcef, titulaire d’un DUT en gestion d’entreprise et diplômé de l’ESGCI Paris, une école de commerce. C’est son job de vendeur à Ikea le week-end qui lui a permis de financer ses études. Or, six ans après son master, il est toujours contraint de travailler pour la firme aux meubles en kit.

La discrimination sur le marché du travail, Zoubeir Ben Terdeyet la connaît bien lui aussi. Lors de ses études, ce Français d’origine tunisienne cherchait un stage pour valiser son master. «J’ai envoyé ma candidature à un cabinet d’experts-comptables. Ils m’ont répondu qu’il n’y avait plus de place. Mais quelques jours plus tard, deux camarades ont postulé. Elles s’appelaient Marie et Coralie, et elles, ont été prises», raconte-t-il. «On cumule le fait d’être pauvre, arabe et musulman», observe ce quadragénaire.  

Aujourd’hui directeur de vente de Splunk, une multinationale américaine spécialisée dans le traitement de données, Zoubeir Ben Terdeyet a fondé en 2004 son propre réseau, «Les Dérouilleurs». Une solution pour pallier l’opacité et la difficulté d’accès aux annonces dans certains milieux. «Il y a un véritable marché caché de l’emploi. Dans certains métiers, il faut être du sérail pour avoir simplement accès aux annonces», témoigne-t-il. Son association a ainsi pour but d’aider les jeunes issus de l’immigration à trouver un stage, une formation, un emploi dans leurs métiers de compétences ou tout simplement à développer leur réseau professionnel

Les Dérouilleurs comptent aujourd’hui plus de 4 000 membres. En quatorze ans d’activités, l’association a permis à plus de 200 personnes de trouver un emploi, selon le décompte de son fondateur. Mais les études sur la discrimination à l’embauche montrent toutefois que le travail est encore loin d’être accompli.

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