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Grand Angle

Diaspo #50 : Charif Ouazzani, un destin ivoirien

Ce Marocain originaire de Fès a quitté son pays natal à l’âge de 18 ans pour rejoindre la Côte d’Ivoire. Un pays qu’il n’envisage pas une seule seconde de quitter, même si l’âge de la retraite arrive.

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Charif Ouazzani a quitté le Maroc à l’âge de 18 ans pour rejoindre la Côte d’Ivoire, où il est désormais commerçant. / DR
Charif Ouazzani est président de l’Assemblée du Conseil des Marocains résidant en Côte d’Ivoire, la première association marocaine officiellement agréée dans le pays. / DR
Charif Ouazzani et sa fille Chaymae. / DR

C’est l’histoire d’un coup de foudre… pour la Côte d’Ivoire. «Quand vous arrivez dans un pays, dès que vous descendez de l’avion, soit vous aimez, soit vous n’aimez pas.» Charif Ouazzani, lui, est descendu de l’avion en 1985, à 18 ans. Et le coup de foudre a été instantané. «J’ai tout de suite aimé ce pays. J’ai aimé les gens, la manière dont ils vivent, cette fraternité qu’il y a entre Ivoiriens et Marocains. Entre Africains, en somme», nous raconte l’homme originaire de Fès. 

Un départ précoce – à l’époque, il vient de décrocher son bac – encouragé par son frère aîné, déjà installé à Abidjan, la capitale économique. Plutôt que de retourner au Maroc pour squatter les bancs de l’université, Charif Ouazzani préfère s’installer dans le pays, qu’on décrit alors comme «le miracle ivoirien», véritable période de prospérité économique pendant les années Houphouët-Boigny. Une décision qui n’enchante pas vraiment son frère, qui lui conseille de retourner au Maroc pour décrocher un diplôme, quitte à le rejoindre à nouveau par la suite. «Mon père est décédé il y a très longtemps, c’est donc mon frère qui a pris le relai», confie l’homme, aujourd’hui âgé de 55 ans. Ce dernier s’entête pourtant à rester en Côte d’Ivoire et, avec l’aide de son frère, monte un commerce. D’électroménager d’abord puis, depuis 2013, de produits artisanaux marocains.

Si le quinquagénaire se sent très vite comme un poisson dans l’eau en terre ivoirienne, il veut aussi s’engager auprès de ses compatriotes. Jusqu’en 2004, c’est sous la houlette de l’Association des commerçants marocains résidant en Côte d’Ivoire que les expatriés du royaume s’organisent. «Au fil des années, la communauté a changé, elle s’est beaucoup développée. On a donc décidé de regrouper quatre associations en une : l’Assemblée du Conseil des Marocains résidant en Côte d’Ivoire, la première association marocaine officiellement agréée dans le pays» – qu’il préside par ailleurs. L’Assemblée vient également en aide aux enfants démunis nés de mariages mixtes, principalement entre des Marocaines et des Maliens, des Guinéens, des Libanais ou des Ivoiriens. «On essaie notamment de familiariser ces enfants avec la culture marocaine.»

«Destinée»

Lui n’a pas perdu le lien avec ses racines marocaines mais reste malgré tout attaché à son pays adoptif. Mariée à une compatriote, il est père de cinq enfants et déjà grand-père. «Tous mes enfants et petits-enfants sont nés en Côte d’Ivoire», glisse-t-il fièrement.

Malgré les coûts des billets d’avion – entre 6 et 11 000 dirhams le billet AR –, il rentre régulièrement au Maroc. Rien que l’an dernier, il y est rentré trois fois. La vie est pourtant chère dans ce pays, considéré comme une des puissances de l’Afrique de l’Ouest. «Plus qu’en France», nous dit Charif Ouazzani. «Les étrangers trouvent que le coût de la vie est particulièrement élevé, notamment pour les loyers et les écoles. Les locaux, eux, savent s’adapter», ajoute-t-il. Lui a scolarisé ses enfants à la mission française, les diplômes ivoiriens n’étant pas reconnus au Maroc.

Malgré les aléas de l’expatriation, ce commerçant ne s’imagine pas retourner vivre au Maroc. «C’est notre destinée», répète-t-il. Quitte à subir les foudres de l’instabilité politique, notamment pendant la crise ivoirienne qui a éclaté après le second tour de l’élection présidentielle de 2010. «On en est sortis indemnes hamdoullah, mais avec beaucoup de dettes, notamment depuis 1999, puis 2002, 2004 et 2011. Au bout d’un moment, il faut dire qu’on était habitués. On prenait le petit-déjeuner en entendant les coups de feu en bas de chez nous… On a vécu des moments très difficiles. Les enfants ont été particulièrement marqués», raconte encore Charif Ouazzani. Mais il le répète à qui veut bien le croire : 

«Je ne quitterai pas ce pays. C’est ma destinée d’être ici.»

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