L’idée qui a été évoquée en 2005 pour la première fois aura attendu 6 ans pour sa concrétisation : l’alcootest ayant alimenté moult polémiques. Les premières tergiversations datent de 2005, avec l’éditorialiste d’un journal proche du PJD. Selon lui, la consommation d’alcool étant interdite formellement par l’islam, et son interdiction élargie à plusieurs étapes de sa production, distribution et consommation par un hadith sans détour (voir encadré), le recours à l’alcootest «cautionne» la consommation d’alcool.
Or, sans forcément aimer se griser tous les soirs, «il existe des médicaments qui comportent de l’alcool ou en contiennent des traces. On ne va pas criminaliser les malades qui en prennent parce qu’ils ont pris le volant pour rentrer chez eux», s’exclame Amir, médecin interne au CHU de Marrakech.
Après avoir sollicité l’avis du Conseil des Oulémas, pour éviter tout affront avec les islamistes, qui dès l’annonce de l’idée se sont érigés contre, le ministère des Transports a tout de même décidé d’adopter l’alcootest, vu la gravité de la situation : sur les 4 000 morts annuels dans les accidents de la route, 15% des décès sont liés à l’alcool. «Je n’ai pas encore reçu de coma éthylique, mais nous recevons chaque jour 3 à 4 accidentés qui ont bu généralement, surtout le vendredi et le samedi» nous rapporte Soukaina Fathi, medecin interne à Avicenne à Rabat. Pour diminuer les accidents dû à l'alcool, le ministère s’est équipé de quoi faire 200 000 contrôles par an et le taux d’alcoolémie toléré a été limité à 0,2 g par litre, soit un peu moins d'un verre de vin.
Les premiers concernés se prononcent
Pour Nada, jeune cadre administratrive motorisée, le taux maximum autorisé est… trop bas : «Je n’ai jamais eu d’accident au volant en ayant bu. Au contraire je suis plus confiante, nous assure-t-elle avec franchise. Les gens tiennent à l’alcool à des degrés différents, chacun selon sa condition physique». A l’instar de Nada, la polémique autour de l’alcootest se prolonge chez les automobilistes.
Cette mère de deux jeunes étudiants trouve que «C’est très important ! Les gens sont inconscients des dangers de la conduite en état d’ébriété, et il n’y a que les amendes et la prison qui les feront réfléchir un peu». Elle nous raconte qu’elle a «vu tellement d’accidents de jeunes saouls sur les routes, je n’aimerais pas retrouver mes enfants dans cet état là et je ne peux pas leur interdire de boire» se désole-t-elle.
Pour Mehdi, jeune cadre dans le privé, c’est tout simple : «au lieu de se plaindre de l’alcootest, il suffirait qu’un des jeunes amis ne boive pas pour pouvoir conduire les autres chez eux en toute sécurité. Je ne vois pas matière à polémiquer». Moncef, élève ingénieur préfère l’ironie pour sa part, il «espère que ça sera appliqué dans les règles et que ça ne deviendra pas juste une nouvelle source de revenus pour les agents de police et les gendarmes».
Dans les autres pays des limites de 0 à 0,8g/l
L'Algérie a précédé le Maroc dans la législation pour le contrôle de l'alcoolémie au volant. Ainsi lors de l'adoption du nouveau code de la route en 2009, le taux maximum légal a été fixé à 0,2g/l. En Europe, on retrouve cette même limite en Suède, alors que l'Espagne, la France, la Belgique l'ont fixé à 0,5g/l, et le Royaume Uni à 0,8g/l. Mais plusieurs exemples d'Europe Centrale devraient donner du grain à moudre aux partisans de la tolérance zéro. La Hongrie et la République Tchèque par exemple ont fixé la limite à 0g/l. Ce taux est cependant remis en question, car il semblerait que certaines personnes possèdent naturellement une très légère alcoolémie sans même avoir consommé d'alcool. C'est peut être pour cette raison que les Etats-Unis ont adopté un taux maximum de 0,08g/l. Une limite qui sanctionne toute consommation d'alcool avant de prendre le volant, tout en évitant les cas litigieux.