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Grand Angle  

Jerada : Guerre des mots entre le ministre de l’Intérieur et les organisations soutenant le Hirak

A la Chambre des représentants, le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, a accusé lundi l’AMDH, le parti de la Voie démocratique et Al Adl Wal Ihsane d’«envenimer» la situation à Jerada. Une déclaration qui n’a pas manqué de faire réagir.

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Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur / Ph. DR.
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Il s’agirait là d’«une récupération suspecte allant à l’encontre des intérêts de la population de Jerada». Intervenant lundi à la Chambre des représentants, le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, a ainsi commenté la situation de la ville minière, secouée quasi-quotidiennement par des manifestations depuis décembre 2017. Selon lui, ces dernières seraient l’œuvre de «parties désireuses d’aggraver la crise pour tenir des propos irresponsables, exploités par une certaine presse étrangère, hostile aux intérêts du Maroc».

En d’autres termes, le ministre pointe du doigt l’Association marocaine des droits humains (AMDH), le parti de la Voie démocratique et l’organisation d’Al Adl Wal Ihsane (AWI), qui seraient «instigateurs de l’élargissement des espaces de protestation dans différentes régions du Maroc, dans le but d’exploiter ces mouvements de contestation et d’envenimer la situation».

Des propos qui ont suscité les réactions des concernés dès le lendemain, alors même que des rumeurs couraient déjà depuis plus d’une semaine sur une éventuelle récupération du Hirak de Jerada. Cette réaction officielle a été faite quelques jours après la tenue, vendredi, d’une conférence de presse du comité de soutien audit Hirak, où ses membres ont insisté sur le caractère «démocratique et progressiste» de leur initiative, ajoutant même que celle-ci ne pourrait inclure AWI.

«Des allégations sans fondement»

Contacté par Yabiladi, le président de l’AMDH, Ahmed Elhaij, rejette «ces allégations qui ne se basent sur aucune réalité de faits». Il considère que «ces déclarations ne peuvent être expliquées que par l’incapacité de l’Etat à assumer ses responsabilités dans la situation actuelle et son impuissance à accompagner les mouvements sociaux et économiques qui portent des revendications légitimes».

Le militant insiste sur le fait que «ces contestations ont commencé de manière spontanée et les figures de proue n’avaient aucune appartenance politique». Il prévient ainsi que ces propos soient «une manière d’imputer les faits à une prétendue récupération servant des agendas étrangers, comme cela a été le cas avec le Hirak du Rif». Elhaij considère que «cette façon de faire les choses est un usage d’un autre temps, pour justifier l’approche sécuritaire adoptée par l’Etat, ainsi que l’éventualité de resserrer l’étau sur ceux qui mènent la contestation».

Dans les rumeurs concernant une mainmise potentielle d’AWI sur la contestation de Jerada, le président de l’AMDH voit «un objectif de diriger l’opinion et d’influencer les avis des citoyens sur ce qui se passe à Jerada», rappelant notamment que le comité de soutien au Hirak de Jerada veut réfléchir à des solutions et non pas envenimer la situation.

«On sait que les manifestants sont différents les uns des autres et que parmi eux, s’il existe des personnes appartenant à un parti ou à une organisation, cela ne veut pas dire que ce sont ces gens-là qui dirigent le comité. Après tout, ça reste des citoyens qui exercent leur droit de rassemblement en portant des revendications précises.»

Un «aveu d’échec»

Membre du secrétariat politique d’AWI, Hassan Bennajah a fait écho de la réaction de la Jamaâ sur sa page Facebook, indiquant que les propos du ministre de l’Intérieur sont «une légitimation des arrestations, en préparation de lourdes peines à l’encontre de détenus du Hirak et par anticipation à une escalade de la répression, l’Etat restant immobile face aux revendications légitimes des manifestants».

Des propos qui sont également rejetés par Mustapha Brahma, secrétaire national du parti de la Voie démocratique. Il indique à Yabiladi que «les accusations du ministre de l’Intérieur sont un aveu de l’échec de l’Etat à trouver des solutions concrètes aux manifestants qui portent des revendications sociales et économiques, au moment même où le gouvernement reconnaît lui-même la légitimité de ces dernières». Et d’ajouter :

«Les autorités ont ouvert des négociations directes avec les dirigeants du Hirak pour développer des programmes sur place. Mais ce sont des projets qui ne sont satisfaisants qu’à court-terme, afin d’emporter l’adhésion de la population.»

Ces projets, le gouvernement en a fait effectivement la promesse, pour développer la province de Jerada et lancer une alternative économique profitant aux jeunes comme aux ouvriers des puits de charbon.

En attendant de voir un changement concret, il reste encore difficile de dresser un premier bilan des initiatives proposées par l’exécutif, à part la fermeture effective des «cendriates», confirmée à Yabiladi dans un entretien avec Abdeslam Laâziz, secrétaire général du Congrès national ittihadi (CNI), parti membre de la Fédération de la gauche démocratique (FGD) et membre du comité de soutien au Hirak de Jerada.

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