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Grand Angle

Paradis fiscaux : Le Maroc échappe à la liste noire de l’UE

Les ministres européens des Finances ont divulgué, mardi, la liste noire des 17 Etats et juridictions des paradis fiscaux dans le monde. Le Maroc échappe de justesse à ce classement et fait partie d'une liste «grise». L’économiste Najib Akesbi propose quelques éléments de compréhension.

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Le Maroc fait partie de la liste grise des paradis fiscaux. / Ph. DR
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Les 28 ministres des Finances de l’Union européenne (UE) ont tranché concernant les paradis fiscaux dans le monde. Ils ont validé, hier, une liste noire de 17 paradis fiscaux opérant hors de leurs frontières : les Samoa, les Samoa américaines, l’île de Guam, Bahreïn, Grenade, la Corée du Sud, Macau, les Iles Marshall, la Mongolie, la Namibie, les Palaos, Sainte-Lucie, Trinité-et-Tobago, la Tunisie, les Emirats arabes unis, le Panama et la Barbade. Au total, les 28 Etats membres de l’UE ont passé au crible 92 juridictions.

Le Maroc en a échappé et fait partie de la liste «grise», aux côtés du Cap-Vert, selon des sources diplomatiques relayées par Le Monde. «Les deux pays avaient donné suffisamment de gages à l’UE en prenant des engagements ces derniers jours pour changer leurs pratiques», selon des experts nationaux cités par le quotidien français.

«Parmi ceux qui ont décidé de se plier aux demandes de l’UE, les pays développés ont jusqu’à fin 2018 pour le faire et les pays en voie de développement jusqu’à fin 2019», rapportent nos confrères du Desk.

Les critères retenus pour dresser cette liste sont les suivants : «La transparence fiscale : pratiquent-elles [les juridictions] ou non l’échange automatique d’informations ? L’équité fiscale : appliquent-elles ou non, par exemple, des mesures fiscales préférentielles dommageables ? Mettent-elles en œuvre ou non les mesures de l’OCDE contre l’optimisation fiscale agressive ?», détaille le site d’information marocain.

34 milliards de manque à gagner

La désignation du Maroc dans la liste «grise» «prouve qu’on a beaucoup de chemin à faire et qu’on est encore loin du compte», estime l’économiste Najib Akesbi, contacté par Yabiladi.

«J’ai vu les critères qui sont pris en compte. Quand on connaît le système fiscal marocain, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est extrêmement laxiste. L’une des contrevérités que certains acteurs du patronat tentent de colporter consiste à dire qu’au Maroc, la pression fiscale est forte. Or, ce n’est pas vrai.»

Selon l’économiste, également chercheur et professeur à l'Institut agronomique et vétérinaire Hassan II (IAV), la pression fiscale au Maroc est de 22%, ce qui représente «une moyenne plutôt basse des pays». De plus, le spécialiste considère que «l’assiette du système fiscal marocain, la base imposable, ressemble un peu au gruyère : c’est plein de trous, aussi bien formels qu’informels».

Najib Akesbi reste très critique vis-à-vis du dernier rapport des dépenses fiscales : «Il suffit de le voir pour constater l’ampleur des niches fiscales, qui sont au nombre de 418, de mémoire. Ainsi, les deux tiers occasionnent 34 milliards de manque à gagner, près de 3 points de PIB.»

Des circuits opaques qui permettent d’échapper aux impôts

«La législation fiscale au Maroc permet tellement d’évasions et de fuites qu’en réalité, les firmes multinationales, à travers leurs filiales, font ce qu’elles veulent, notamment la fameuse pratique des prix de transfert, même si depuis quelques années la Direction générale des impôts a énoncé quelques décrets et un texte pour amener les entreprises à négocier les prix de transfert qui prévalaient avant», poursuit Najib Akesbi.

Si le Maroc fait partie de cette liste, c’est par «manque de transparence», ce qui «laisse se développer des pratiques d’évasion fiscale», estime encore l’économiste. «Globalement, il y a des impôts, mais dans les faits, on peut parfaitement être au Maroc, avoir pignon sur rue et ne rien payer.»

Najib Akesbi se fend d’un exemple pour témoigner des circuits opaques qui permettent aux sociétés de ne pas être concernées par l’impôt : «Les deux tiers des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés (IS) au Maroc déclarent des déficits, ou un résultat zéro. Elles s’arrangent pour présenter ce bilan et ne sont donc pas concernées par l’impôt. Tout au plus, elles vont payer la cotisation minimale.»

Pour conclure, l’économiste plaide pour la mise en place «de véritables réformes de fond», puisque les pays en développement ont jusqu’à 2019 pour se mettre au diapason. «On verra si le Maroc va réussir à s’extraire de cette liste. Malheureusement, ce n’est pas le chemin qu’on prend aujourd’hui au regard des réformes», déplore Najib Akesbi. 

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