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Interview

Attentats de Bruxelles : «Un jihad de l'amour», le message d’amour et d’espoir de Mohamed El Bachiri

Le Belgo-marocain Mohamed El Bachiri vient d’annoncer la sortie de la version française de «Un jihad de l'amour». Dans ce livre, disponible en néerlandais, en anglais et en français, l’époux de Loubna Lafquiri, l’une des victimes des attentats de Bruxelles perpétrés en mars 2016, Mohamed El Bachiri apporte son témoignage, raconte son deuil et se fait le porte-parole d’un message universel. Interview.

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La version française de «Un jihad de l'amour» est disponible en France depuis le 21 septembre dernier. / Ph. News - 7sur7
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Le 22 mars 2016, la Belgo-marocaine Loubna Lafquiri perd la vie dans l’attentat du métro de Bruxelles, laissant derrière elle son époux et leurs trois enfants. Un drame qui a poussé Mohamed El Bachiri, également Belgo-marocain, à partager et surtout à s’adresser aux autres dans un livre. La version française de «Un jihad de l’amour» est disponible en France depuis le 21 septembre. Pour Yabiladi, ce Molenbeekois revient sur son témoignage, sur la société belge et le Maroc.

Quelle est l’idée et le message principaux derrière «Un jihad de l'amour» ?

C’est tout d’abord des mots d’amour, un hommage à mon épouse, que Dieu ait son âme, qui a perdu la vie lors des attentats du métro de Bruxelles. J’y parle notamment de manière plus pudique de notre vie et de la mienne. C’est surtout un message d’amour, un appel à la réflexion et une sorte de manifeste pour la tolérance et contre le crime et l'obscurantisme.

Dans un premier temps, le livre est sorti en néerlandais il y a un an aux Pays-Bas. Il est ensuite sorti en anglais et en allemand en juillet. La version française est disponible depuis le 21 septembre en France.

Dans le livre, je parle en tant que musulman, mais j’aurais pu être un chrétien ou un bouddhiste qui s’exprime. «Un jihad de l'amour» appelle à des valeurs universelles et invite à mettre en avant notre humanité et notre lien fraternel.

Depuis les attentats en Belgique, la société belge a-t-elle fait son deuil selon vous ?

En tant que victimes, on est en quelque sorte toujours dans un état de choc, dans notre bulle. Je sais qu’il y a beaucoup de choses qui se font : on tente au maximum de renouer des liens entre communautés pour pouvoir garder le contact, d’échanger et de discuter pour maintenir l’unité du peuple et de la nation belges, ainsi que pour le vivre ensemble, peu importe les origines ou la culture. Mais il y a également un climat de peur et d’anxiété ; c’est une réalité.

La version française de «Un jihad de l'amour». / Ph. Julien Rensonnet - L'Avenir.netLa version française de «Un jihad de l'amour». / Ph. Julien Rensonnet - L'Avenir.net

Vous dites aussi que les musulmans sont doublement victimes…

Moi ce qui me donne la force, c’est de voir le sourire. Je suis invité dans des organisations pour pouvoir échanger notamment. Tout ce que je vois, ce sont des visages illuminés et pleins d’espoir. C’est ma manière de lutter contre cet extrémisme qui salit notre image.

Finalement, les musulmans sont doublement victimes ; j’en suis d’ailleurs un exemple. Je suis à la fois victime d’un attentat qui a tué ma femme, mais également de la stigmatisation. Les musulmans sont désormais vus comme de potentiels terroristes par certains parce qu’on a souvent tendance à assimiler terrorisme et islam, et à considérer les musulmans comme des individus qui prônent la guerre et ne peuvent vivre en paix, alors que c’est tout le contraire.

Le lectorat flamand s’est déjà fait une idée de votre livre. Qu’en pense votre public ?

Sincèrement, les échos sont extraordinaires. Le livre a été écrit en collaboration avec David Van Reybrouck, qui a surtout fait un travail de structure. C’est un grand monsieur, à la fois historien et anthropologue.

Aux Pays-Bas et dans la région flamande, 80 000 exemplaires ont été vendus. J’avoue ne pas vraiment savoir ce que ça représente. En France, je n’ai que les échos de mon entourage et des personnes que je connais, qui m’ont dit que le livre a été très bien accueilli. L’accueil a été surprenant, d’autant que le livre est un message d’amour dont nous avons tous besoin.

Avez-vous pensé à commercialiser la version française au Maroc ?

Pourquoi pas. J’espère de tout cœur que ça se fera. J’évoque d’ailleurs dans l’ouvrage le Maroc et mets en avant ma marocanité. Je parle aussi de la merveilleuse rencontre avec Sa Majesté. C’était un moment extrêmement fort et émouvant. Les médias ont souvent tendance à considérer le Marocain musulman comme un problème. Je pense qu’il est temps de mettre en avant le vrai Marocain musulman et de parler en tant que tel. Il faut dire que le Maroc est un grand pays doté d’une culture très riche. Le Maroc, c’est surtout un islam repensé et un islam d’ouverture ; c’est ça la réalité. Par contre, le Marocain d’ici a un problème avec son identité, ce qui en incite certains à se tourner vers d’autres courants, d’autres mouvances.

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