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Interview

Analyste mauritanien : «Un poste-frontière entre Alger et Nouakchott n’aura pas d’impacts sur Guergarate»

Les relations bilatérales entre le Maroc et son voisin du Sud ne sont pas au beau fixe depuis le premier mandat du président mauritanien Mohamed Ould Abel Aziz. Preuve en est le fait que la Mauritanie voisine n’a toujours pas nommé d’ambassadeur à Rabat depuis le départ à la retraite de Mohamed Ould Mouaouia en 2012. Avec l’annonce de l’ouverture d’un nouveau poste-frontière entre l’Algérie et la Mauritanie, quel impact pour le poste de Guergarate et le dossier du Sahara ? Les réponses de l’analyste mauritanien Tabet Didi Ould Salek.

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Photo d'illustration. / DR
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Une crise silencieuse. C’est avec ces mots que les observateurs, au Maroc, en Mauritanie et dans le monde qualifie les relations diplomatiques entre Rabat et Nouakchott. Ils citent presque tous plusieurs indicateurs, comme l’absence d’ambassadeur mauritanien à Rabat depuis 2012 ou encore les informations d’une éventuelle opposition mauritanienne sur la nomination d’un nouvel ambassadeur du Maroc en Mauritanie.

Hier, des médias algériens ont annoncé que Nouakchott et Alger sont parvenus à une entente pour l’ouverture d’un nouveau poste-frontière. Ils rapportent que le projet émane de la volonté de la Mauritanie de réduire sa dépendance vis-à-vis du poste frontière avec le Maroc sis à Guergarate.

Pour mettre la lumière sur la véracité de ces informations et les relations entre le Maroc et son voisin du Sud, l’analyste mauritanien Tabet Didi Ould Salek, directeur du Centre maghrébin des études stratégiques basé à Nouakchott nous donne plus de précisions.

Au moment où les relations maroco-mauritaniennes passent par une crise silencieuse, l’annonce d’un nouveau poste-frontière entre Alger et Nouakchott n’arrangera peut-être pas les choses. Pensez-vous que le régime d’Ould Abdel Aziz parie sur l’Algérie ?

A priori, les relations entre la Mauritanie et le Maroc sont censées être bonnes. Il y a, en effet, des relations économiques, culturels et sociales fortes entre les deux pays. Il est connu que la Mauritanie dépend de nombreux produits marocains, en particulier les fruits et légumes et que le Maroc dépend aussi du poste-frontière de Guergarate pour exporter ses produits vers les pays subsahariens.

D’un point de vue politique, les relations sont très mauvaises entre les officiels et ce depuis plusieurs années malheureusement. Beaucoup de personnes ne savent pas pourquoi les relations maroco-mauritaniennes se sont détériorées. Toutefois, je ne pense pas que l'ouverture d’un nouveau passage terrestre avec l’Algérie impactera le poste-frontière avec le Maroc. Il faut rappeler qu’il y a plusieurs facteurs, notamment géographiques, qui confirment cela. De plus, l'Algérie ne pourra pas remplacer le Maroc quant à l’approvisionnement du marché mauritanien en produits alimentaires, en particulier les légumes et les fruits.

Dans une tentative de surmonter la crise, le Maroc a annoncé la nomination d'un nouvel ambassadeur à Nouakchott, mais les dernières nouvelles indiquent que le régime d'Ould Abdel Aziz a refusé cette nomination. Quelle lecture donnez-vous à cette situation ?

Il est certain que ce qui a été fait par le régime d'Ould Abdel Aziz constitue une escalade, et la Mauritanie a depuis longtemps refusé de désigner un ambassadeur à Rabat. Les relations au niveau politique et diplomatique sont très tendues, comme en témoigne le rejet du nouvel ambassadeur marocain. La Mauritanie ne veut pas prendre de mesures qui amélioreraient ses relations avec Rabat. Les vraies raisons de cette crise sont liés à deux hommes d'affaires Ould Bouammatou et Ould El Chafei, et il y a d’autres raisons non déclarées et surtout des raisons personnelles au niveau des dirigeants mauritaniens.

Mais, selon vous, quel avenir pour les relations entre Nouakchott et Rabat ?

L'autorité dirigeante mauritanienne est influencée par ses propres humeurs. Elle marginalise les institutions. On ne peut donc pas prédire le comportement de ce système. On parle actuellement aussi du resserrement des procédures quant au trafic au niveau du poste-frontière de Guergarate mais il serait difficile de le fermer de manière définitive pour la simple raison que le marché marocain fournit celui de la Mauritanie avec plusieurs produits et marchandises.

Objectivement, on ne peut pas prédire le comportement d'un système comme le régime d'Abdel Aziz à l'heure actuelle, car ce qui régit ses actions et ses décisions est essentiellement son humeur.

Certains médias mauritaniens pointent du doigt le fait que la Mauritanie aurait abandonné sa neutralité dans le dossier du Sahara occidental. Qu’en pensez-vous ?

Ce n'est que la propagande et même si cela se produit, cela ne changera rien. La question du Sahara occidental restera telle qu'elle est actuellement, à moins que de nombreuses données internationales ou que la structure politique en Algérie ne changent.

Mais que la Mauritanie penche vers le Maroc ou l’Algérie ou qu’elle soit neutre, elle ne pourra pas influencer le déroulement des événements.

Parler d’un changement de la position mauritanienne sur le problème du Sahara occidental n’est que des surenchères faisant partie de la propagande des médias. Cela n’affectera en aucun cas ni le processus lié à cette question ni même les relations entre les pays du Maghreb.

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