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Grand Angle

Seize ans après les attentats du 11 septembre, le regard des Américains vis-à-vis des Musulmans a-t-il changé ?

Avec la commémoration du 16e anniversaire des attentats du 11 septembre, l’Amérique a-t-elle changé de regard vis-à-vis de l’islam ? La hausse inquiétante des crimes haineux et le vécu raconté par deux Marocains présents à New York en 2001 conduisent au même constat : la peur du musulman et de l’arabe aux Etats-Unis reste toujours présente.

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Les tours jumelles du World Trade Center (WTC) à New York visées par les attentats du 11 septembre 2001. / Ph. DR
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Les Etats-Unis célèbrent ce lundi le 16e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001. Dix-neuf terroristes avaient détourné quatre avions pour viser les tours jumelles du World Trade Center (WTC) à New York et le Pentagone, siège du département de la Défense, à Washington DC. Ces actes terroristes, revendiqués par Al-Qaïda, avaient été qualifiés d’attentats les plus meurtriers jamais perpétrés aux Etats-Unis avec 2 973 personnes tuées et 6 291 autres blessées.

Depuis cette douloureuse date, ce ne sont pas seulement les Américains qui ont été affectés par l’acte terroriste mais surtout les Musulmans vivant dans le pays de l’Oncle Sam. Seize ans après les événements du 11 septembre, Youssef et Mahjoub, deux Marocains présents à New York, nous apportent leurs témoignages.

Une peur née d’un discours politique…

Contacté par Yabiladi, Youssef B., trentenaire vivant actuellement à Marrakech, déterre un souvenir douloureux. «Un de mes amis vivant à Oklahoma m'a appelé pour savoir ce qui se passe à New York. Je ne savais pas ce qui se passait», commence-t-il son récit. Dans sa maison, il ne comprendra pas pourquoi son interlocuteur parle d’avion, de bâtiment ou d’accident. «J'ai allumé la télévision et puisque je n’avais pas accès au câble, je me suis contenté des chaînes de télévision locales et je me souviens que c'était en espagnol», poursuit-il.

«La présentatrice parlait d'un accident au tout début en montrant des photos du bâtiment. C'était en espagnol, donc je ne pouvais pas comprendre exactement ce qui se passait. Pendant que je regardais la télévision, un autre avion est venu s’écraser dans l'autre bâtiment. C'était un moment de panique. La présentatrice a donc commencé à crier "Oh mon Dieu".»

C’est à ce moment précis à partir duquel les Etats-Unis et le monde qualifieront d’attentats les événements douloureux de cette journée. C’est aussi à cet instant que les crimes de haine à l’égard des musulmans aux Etats-Unis se multiplieront et ce, dès le 11 septembre. Youssef B. nous raconte : «Nous sommes restés à la maison parce que des habitants ont attaqué un certain nombre de Sikhs en pensant qu'ils étaient des terroristes, juste parce qu'ils avaient de longues barbes et portaient des turbans.»

Un mois après, ce Marocain quittera les Etats-Unis. «Je dois avouer que c’était l’un des éléments déclencheurs qui m’ont poussé à rentrer au Maroc», nous confie-t-il. «Les gens étaient effrayés, et les musulmans, en particulier les femmes qui portaient des foulards, ont été regardés différemment après le 11 septembre», reconnait-il. 

Pour sa part, Mahjoub B., un autre Marocain résidant à New York à l’époque, constate le changement de toute une société dans sa relation avec l’islam et les musulmans. «Pour New York, les crimes de haine étaient toujours là dans les quartiers marginalisés et pauvres», débute-t-il son témoignage. Il nous explique que «des Arabes ou les musulmans qui, parce qu'ils ne pouvaient pas se permettre d'avoir des commerces ou des boulots dans des quartiers riches, ont été forcés d'exercer dans des régions pauvres où ils étaient parfois agressés par des criminels, des toxicomanes, etc».

Et les médias ont aussi contribué à durcir le regard de toute une société

Toutefois, avec la survenue des événements du 11 septembre, «les médias ont donné à ces attentats une dimension religieuse», explique-t-il. «Les effets de 9/11 ont été ressentis, je dirai, dans d'autres régions du pays comme le Centre-ouest et le Sud. New-York étant une ville dynamique avec un rythme rapide, les gens étaient trop occupés pour faire attention à cela», conclut-il.

Youssef et Mahjoub ne sont pas les seuls à formuler un tel constat. D’ailleurs, le Conseil des relations islamiques américaines (CAIR), un groupe de défense des droits civiques et des plaidoyers dont le siège est à Washington D.C, a dénoncé en mai dernier la montée des crimes haineux aux États-Unis. Dans un rapport intitulé «L'autonomisation de la haine», le CAIR a rapporté avoir enregistré en 2016 une augmentation de 57% d’incidents de racisme ou de vandalisme touchant des musulmans par rapport à l’année 2015. «Cela a été accompagné d'une augmentation de 44% de crimes de haine dans la même période», poursuit le rapport.

Pour le CAIR, la hausse inquiétante de ces crimes trouve comme fondement les discours politiques de la course présidentielle ayant été soldée par la victoire de Donald Trump. Une victoire marquant donc une consécration du mouvement nationaliste aux Etats-Unis. Nationalisme né et nourri par l’hostilité véhiculée par les médias du pays de l’Oncle Sam vis-à-vis des minorités ethniques et religieuses. Bien que cette hostilité existait bien avant le 11 septembre, les événements d’un mardi noir ont constitué un tournant décisif et un changement radical dans la façon dont les Etats-Unis regardaient l’islam.

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