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Grand Angle  

En Algérie, la Tariqa Karkariya vue comme une «menace d’invasion» venue du Maroc

La propagation de la Tariqa Karkariya en Algérie suscite un vif débat au sein des médias du voisin de l'Est ces derniers temps. Et pour cause, cette Tariqa soufiya d’origine marocaine, prend de l’ampleur dans le pays et nourrit une polémique grandissante. Détails.

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Les adeptes de la tariqa karkariya. / Ph. DR
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Reconnaissables par leur tenue, une djellaba ornée de damier de tissus multicolores cousus ensemble ainsi qu’un chapelet autour du cou, les disciples de la Tariqa Karkariya commencent à faire parler d’eux en Algérie. Les médias du voisin de l'Est, qu’ils soient en ligne ou audiovisuels, ne lésinent pas quant aux accusations envers le Maroc. C'est dans un article publié hier par le quotidien Al Chorouk, le plus lu en Algérie, que cette expansion est pointée du doigt et que le royaume y est considéré comme le premier responsable.

L’article, paru dans la version papier et en ligne, met en exergue les origines marocaines de la Tariqa Karkariya, un courant du soufisme, qui s’est surtout développée dans l’Ouest algérien et précisément à Mostaganem. Ses rédacteurs donnent la parole à plusieurs acteurs importants de la sphère religieuse d’Alger dont de nombreux islamologues. Ils sont tous formels sur un point : accuser le Maroc de vouloir «envahir» l’Algérie et d'utiliser la religion pour y arriver. Ce qui nourrit une polémique grandissante quant à l’expansion de ce mouvement et ses disciples de plus en plus nombreux.

Le média du voisin de l’Est a également questionné Touhami Majouri, le responsable de communication de l’association des oulémas musulmans en Algérie, qui explique que le Maroc «tente de pénétrer en Algérie à travers le côté religieux». Et de préciser :

«Ce phénomène d’invasion en Algérie devient visible. Chaque fois, on relève des sujets anormaux destinés à discréditer et déstabiliser la société. C’est une atteinte aux mœurs de la société. Et ceci par tous les moyens, sachant que l’aspect religieux est le plus important.»

L’«envahisseur marocain»

Pour lui, il faudrait que le ministère des Affaires religieuses puisse renforcer la formation des imams, notamment ceux qui souffrent d’une «faiblesse intellectuelle grave en termes de connaissance religieuse». «Le ministère concerné a encore du travail dans la formation des imams pour que nous puissions arrêter ce danger sectaire qui menace le pays», conclut le responsable associatif.

Egalement sondé par Al Chorouk, le Cheikh de la Tariqa Qadiriya en Algérie, Hassan Hassani soutient :

«Cette invasion étrangère de l’Algérie a pris de nombreuses formes dans plusieurs domaines notamment cet apport d’une nouvelle Tariqa soufiya qui était totalement inconnue et qui se diffuse dans le pays, tout simplement car la loi algérienne ne protège pas les soufis et la doctrine malikite.»

Et d’ajouter que «l’objectif de cette méthode est de semer la confusion et changer la pensée dominante».

Même son de cloche chez Ouda Filahi, ancien conseiller au ministère des Affaires religieuses. Dans une interview accordée à la chaine de télévision algérienne Dzaïr TV, il déclare que «la Tariqa est arrivée sur une région très conservatrice (Mostaganem, ndlr), qui ne subissait aucun manque en termes de religion». «Il n’y avait aucun vide pour que l’on importe ce courant du Maroc. Où est la constitution religieuse dans tout ça ?», s’interroge-t-il.

Le débat national est allé jusqu’à pointer du doigt «un danger pour la sécurité religieuse en Algérie notamment lorsque cela concerne un groupe de disciples qui dit avoir prêté allégeance à des personnes qui ne sont pas algériennes, comme le prétendent les adeptes de la Tariqa Karkariya.»

«Nous n’avons aucun lien avec la politique»

Contacté par Yabiladi, Amine El Kerkri, figure de proue du courant religieux expose une tout autre opinion. Pour ce Marocain, «c’est bien connu que les journalistes au Maroc et en Algérie s’attaquent constamment et se rejettent la balle en s’accusant l’un l’autre». «Ceci relève bien de la politique, ce qui ne nous concerne aucunement. Nous suivons une Tariqa soufiya. Nous n’avons aucun lien avec la politique», soutient-il. L’homme de foi avance ainsi :

«Nous nous déplaçons partout pour visiter différents saints et ceux qui souhaitent voir ça comme étant politique, c’est leur problème ! En quoi cela est politique de visiter des saints dans un contexte religieux? La Tariqa Karkariya est d’origine marocaine et nous avons en Algérie aussi des Fuqara (disciples de la Tariqa, ndlr) qui suivent cette Tariqa.»

D’ailleurs, l’Algérie n’est pas le seul pays comptant des fidèles de cette confrérie comme l’affirme notre interlocuteur. «Je vous parle actuellement depuis Alexandrie en Egypte, et je suis en ce moment-même en compagnie de Fuqara qui suivent notre même Tariqa», nous déclare-t-il. «Nous sommes une Tariqa soufiya tout à fait normale, comme toutes les autres», conclut Amine El Kerkri.

Article modifié le 2017/08/24 à 18h48

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