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Grand Angle

Diaspo #2 : Amine Betach, le sport pour combattre les aléas de la vie

Ce trentenaire d’origine marocaine espère quitter la France pour le Maroc et y faire profiter de ce qu'il considère comme son moteur : les sports de combat. Une passion et des titres mondiaux qui l’ont porté au pinacle, loin des séjours carcéraux. Portrait.

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Amine Betach a été champion du monde de pankido, champion d’Europe de jiujitsu et champion de France de grappling. / Ph. Amine Betach
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De tous les qualificatifs qu’on pourrait lui accoler, il en est un qui, après une vingtaine de minutes passées au téléphone avec lui, ressort spontanément, comme une évidence susurrée à l’oreille : Amine Betach est (un) combattant. C’est peu dire que ce Franco-marocain, originaire de la cité Gaston-Dourdin à Saint-Denis, revient de loin.

Après un passage par la case prison pour escroquerie, ce trentenaire s’accorde une seconde chance et coiffe la casquette du «grand frère» pour ceux qui, comme lui, n’en ont pas eu. Pendant son incarcération, il fonde en 2015 l’association «Permis de rêver» pour venir en aide aux jeunes défavorisés, notamment ceux des quartiers. «Ceux qui, aussi, n’ont pas les moyens de partir en vacances ou de faire du sport. J’ai envie d’un bel avenir pour eux», explique-t-il.

Parlons-en du sport : c’est justement la boxe qui a aidé Amine Betach, 31 ans, à se remettre dans le droit chemin. «J’ai toujours fait du sport. J’ai commencé la boxe anglaise à l’âge de 13 ans. J’ai encore pas mal d’objectifs à atteindre, comme les championnats d’Europe de jujitsu (techniques de combat développées par les samouraïs japonais, ndlr) l’année prochaine, puis les championnats du monde d’Abou Dhabi. J’aimerais aussi intégrer une bonne organisation en MMA (arts martiaux mixtes).»

Par mail, Amine Betach tient à insister sur son palmarès, comme pour ne pas oublier combien ce dernier est prometteur : champion du monde de pankido, champion d’Europe de jiujitsu et champion de France de grappling (lutte) - rien que ça. Prochaine étape : un combat en MMA à la rentrée, «si tout se passe bien Inch’Allah».

Amine Betach à l'hôtel Westin, à Paris le 31 juillet 2017, à l’occasion du 18e anniversaire de l’intronisation du roi Mohammed VI. / Ph. Amine BetachAmine Betach à l'hôtel Westin, à Paris le 31 juillet 2017, à l’occasion du 18e anniversaire de l’intronisation du roi Mohammed VI. / Ph. Amine Betach

«Au Maroc, tu es obligé de te tenir droit»

Il tient également à souligner qu’il n’aide pas seulement les jeunes. «Je me bats aussi pour aider les femmes à ne plus avoir peur de sortir dans la rue. Beaucoup se font agressées et ont peur de le dire. Je veux leur apprendre à se défendre, que ce soit en talons ou en hijab. J’organise de temps en temps des sessions spéciales pour les filles pour leur enseigner quelques techniques de défense.»

A travers le sport, Amine Betach veut transmettre un message aux jeunes des quartiers populaires : «Ecoutez vos parents, lâchez pas l’école et n’écoutez pas les rappeurs, ils font de l’argent derrière notre dos. Leurs enfants iront dans les meilleures écoles pendant que vous, vous en serez toujours là», avait-il lancé en juin 2015 lors d’une rencontre à la maison des jeunes d’Argenteuil, dans le Val-d’Oise, sur le thème «Prison, du fantasme à la réalité». Les rappeurs, Amine Betach n’a rien contre, «mais les villas, les grosses voitures qu’on voit dans leurs clips, ça ne reflète pas la réalité.»

A l’instar du luxe opulent des grandes figures du rap, la prison est un réservoir à fantasmes auprès de certaines âmes égarées, le réceptacle de frustrations et d’espoirs très vite douchés. «En France, les mentalités ne sont pas celles du Maroc. Ici, les jeunes pensent que la prison, ce n’est rien. Ils pensent qu’ils en sortiront plus grand. C’est faux : on en sort soit abattu, soit plus fort, et encore, après avoir fait un gros travail sur soi», nuance le sportif. «Si j’avais été dans mon pays, je n’aurais pas connu la prison. Au Maroc, on est obligé de se tenir droit, sinon on se mange des coups. C’est pour ça que lorsque je combats, je ne représente que le Maroc. La France n’a pas su m’aider», raconte-t-il avec amertume.

Derrière ce discours, Amine Betach brosse le portrait d’une France deux poids, deux mesures. Côté face, des discours politiques enjoignant à la tolérance ; côté pile, un racisme insidieux et une main tendue à géographie variable. «A l’école, les profs nous disent qu’on a des capacités mais nous dirigent vers un BEP. On ne nous aide pas à développer nos capacités, c’est pour ça que beaucoup dérivent, même si ça reste notre faute. Bien sûr, certains réussissent, mais combien ?», s’interroge, perplexe, le champion. «Pour réussir dans ces conditions, entre racisme et islamophobie, il faut être un lion.»

Un sentiment d’injustice légitime qui en incite plus d’un à quitter l’Hexagone vers des contrées qu’ils espèreront plus reconnaissantes. Amine Betach, lui, songe à venir vivre au Maroc… et y organiser des sessions d’entraînement géantes en plein air ouvertes à tous à Casablanca, Marrakech, Agadir, le tout retransmis à la télévision. «J’imagine ça dans de beaux endroits pour faire découvrir le Maroc à travers le monde et à travers le sport. Inch’Allah.»

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