Menu

Grand Angle

Traite des êtres humains au Maroc : Le département d’Etat américain souffle le chaud et le froid

Le département d’Etat américain a rendu public mardi son rapport annuel sur la lutte contre la traite des êtres humains dans le monde. Il dresse un bilan mi-figue mi-raisin de la situation au Maroc, qui figure pour la troisième année consécutive parmi les pays qui ne respectent pas pleinement les normes minimales.

Publié
Photo d'illustration. / DR
Temps de lecture: 3'

Pour la troisième année consécutive, le Maroc figure parmi les pays qui ne respectent pas pleinement les normes minimales de la loi 2000 relative à la protection des victimes de la traite (TVPA). C’est ce qu’annonce mardi 27 juin 2017 le département d’Etat américain dans son rapport annuel sur la lutte contre la traite des êtres humains dans le monde. Un rapport dans lequel les efforts entrepris par le royaume et les pays figurant dans cette catégorie sont toutefois qualifiés de «considérables».

Malgré les efforts, des lacunes persistent

Le gouvernement marocain, qui «ne respecte pas pleinement les normes minimales pour l'élimination de la traite (…) fait d'importants efforts pour se conformer à ces normes», reconnaissent les auteurs du document dans la partie réservée au royaume. «Le gouvernement a démontré des efforts croissants par rapport à la période précédente», poursuit le document qui cite notamment la nouvelle loi interdisant toutes les formes de trafic et créant une commission interministérielle anti-traite. Pour le département d’Etat américain, le royaume «a également travaillé sur la réduction des vulnérabilités des victimes en promulguant une nouvelle loi limitant le travail domestique des enfants et en étendant les protections légales et les services sociaux aux migrants irréguliers». Le rapport change ensuite de ton, estimant que malgré ces efforts, «le gouvernement n'a pas respecté les normes minimales dans plusieurs domaines clés».

«Le gouvernement enregistre des efforts limités quant aux enquêtes et aux poursuites des crimes potentiels de trafic et n’évoque pas le repérage ou l'identification proactive des victimes de la traite, en particulier parmi les migrants en situation irrégulière, qui restent très vulnérables à la traite des êtres humains au Maroc. Le gouvernement n'a pas non plus fourni de services de protection spécialisée qui répondent spécifiquement aux besoins des victimes.»

Plusieurs opérations de démantèlement de réseaux

Plus en détails, le document revient sur les importantes réalisations du royaume chérifien durant l’année 2016, passant en revue l’adoption, en septembre 2016, de la loi anti-traite 27.14. Un texte qui interdit toutes les formes de la traite des êtres humains et dont les peines restent «suffisamment strictes». Le rapport se félicite ensuite de la coopération entre le Maroc et d’autres pays à l’instar de l’Espagne. Il cite à cette occasion le démantèlement d’un réseau de trafic d'êtres humains entre le Maroc et son voisin ibérique en février 2017. Mais le document reproche au Maroc de ne pas donner plus de détails sur les poursuites engagées.

«Le gouvernement (du Maroc, ndlr) a également signalé avoir démantelé 33 réseaux de trafic d'êtres humains en 2016, mais il n'a pas signalé des poursuites contre les auteurs présumés de ces crimes.»

Le document ne rate pas l’occasion pour rappeler que le royaume a diligenté des enquêtes par rapport à ce fléau, citant l'arrestation de trois ressortissants saoudiens et d'un Américain accusés de trafic sexuel d'enfants et de tourisme sexuel impliquant des enfants, l'année dernière. La même source revient aussi sur l’enquête relative aux sept casques bleus marocains accusés d'exploitation sexuelle en République centrafricaine et en République démocratique du Congo. Plusieurs autres mesures sont aussi citées, notamment l’interdiction de l'emploi de travailleurs domestiques âgés de moins de 16 ans ou encore le programme de sensibilisation à l'exploitation des enfants sur Internet.

Mais des femmes et des enfants restent encore exploités…

Le rapport revient également sur une étude datant de novembre 2015 et qui a été menée par le gouvernement marocain. Ce dernier y reconnait que «les enfants sont exploités au Maroc pour le travail, le travail domestique, la mendicité et le trafic sexuel», poursuit le rapport.

«Les réseaux criminels opérant à Oujda à la frontière algérienne et à Nador obligent les femmes migrantes sans papiers à se prostituer et à mendier. Ils forcent également les enfants des migrants à quémander de l'argent. Des organisations internationales, des ONG locales et des migrants signalent que les enfants et les femmes non accompagnés, originaires de la Côte d'Ivoire, de la République démocratique du Congo, du Nigéria et du Cameroun sont très vulnérables au trafic sexuel et au travail forcé au Maroc.»

Le document met en exergue les cas de «certaines femmes des Philippines et de l'Indonésie», recrutées comme travailleuses domestiques au Maroc, mais soumises dès leur arrivée «à un travail forcé, sans paiement de salaire, avec confiscation de passeports et abus physique». «Des hommes, des femmes et des enfants marocains sont exploités dans le travail forcé et le trafic sexuel, principalement en Europe et au Moyen-Orient», poursuit-on de même source.

Enfin, une série de recommandations est émises par ses auteurs pour une éradication de ce fléau. On y recommande, entre autres, d’«augmenter considérablement les enquêtes et les poursuites contre les trafiquants, «imposer des poursuites suffisamment strictes» ou encore «renforcer les campagnes de sensibilisation».

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com