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Grand Angle

Quand la politique africaine du Maroc séduit jusque dans les rangs estudiantins

Entre 2005 et 2015, le nombre d’étudiants subsahariens au Maroc a doublé. Pour certains, le Maroc est le pays du Maghreb le plus en avance. Et le plus ouvert sur l’Afrique.

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Soirée « Miss et Mister » organisée par la Confédération des étudiants et stagiaires africains au Maroc (CESAM) à la cité universitaire internationale de Rabat. / Ph. Camille Millerand - Afriqueinvisu.org
Temps de lecture: 3'

L’ouverture du Maroc sur l’Afrique ne réjouit pas seulement les acteurs politiques et opérateurs économiques marocains ; la stratégie africaine du royaume fait aussi de l’œil à la communauté estudiantine subsaharienne. En décembre 2015, les registres des établissements d’enseignement supérieur marocains dénombraient 8 000 inscriptions de jeunes originaires de la région subsaharienne, avait annoncé Mustapha El Khalfi, alors ministre de la Communication, lors d’un discours prononcé à l’occasion de l’inauguration de l’African Media Forum à Marrakech. Ils étaient 4 024 en 2005, soit deux fois moins, d’après un rapport de l’Unesco datant de 2011.

Principalement francophones, ils représentent plus de 9% des 86 203 citoyens étrangers installés au royaume, selon le dernier recensement effectué par le Haut-commissariat au plan en 2015.

Le pays «le plus ouvert sur l’Afrique»

Samba Soumbounou, 30 ans, est arrivé au Maroc en 2012. Pas vraiment par choix ; c’est le ministère mauritanien de l’Enseignement supérieur qui, après avoir octroyé une bourse à ce majeur de promo, l’a envoyé poursuivre ses études au royaume. Pour autant, le jeune homme dit aujourd’hui s’y sentir «comme chez [lui]». «J’ai intégré la vie ici, je parle très bien le darija. J’ai même plus d’amis marocains que subsahariens», plaisante-t-il. 

Titulaire d’une maîtrise en sociologie et en philosophie de l’Université de Nouakchott, Samba a décroché en 2013 un master en ingénierie culturelle et médiation à la Faculté des lettres et sciences humaines de Ben M’sik de l’Université Hassan II de Casablanca. Il prépare actuellement un doctorat sur la gestion du patrimoine en Mauritanie et, parallèlement, travaille au sein de l’association Casamémoire en tant que chargé de projet.

S’il s’est heurté aux remarques xénophobes que certains lui ont assénées, Samba conserve plutôt une très bonne image du Maroc : «A Hay Moulay Rachid, le quartier où j’ai vécu lorsque je suis arrivé, j’ai été très bien accueilli. Je partageais ma chambre avec d’autres Subsahariens ; on était les seuls dans le quartier», se souvient-il. A l’université, le même accueil lui est réservé :

«J’ai eu des professeurs exemplaires et très ouverts, notamment mon tuteur, qui m’a beaucoup encadré et m’a intégré à la vie culturelle marocaine.»

Du Maroc, ce doctorant retient surtout son ouverture sur l’Afrique : «C’est le pays du Maghreb qui est le plus en avance par rapport aux autres pays, notamment l’Algérie et la Libye. Il y a une réelle volonté du Maroc de s’ouvrir à l’Afrique, c’est un point très positif que j’ai remarqué. A partir de 2010, on a commencé à voir les prémisses de ce mouvement. De plus en plus de Subsahariens ont choisi de venir au Maroc plutôt qu’ailleurs en Afrique.»

«On ne peut pas donner une image de l’étudiant africain au Maroc»

Pour d’autres, c’est la proximité géographique du Maroc avec leur pays d’origine qui s’est imposé comme un facteur de choix. «Je suis arrivé à Casablanca en septembre 2009. Je suis resté ici car j’y ai été très bien accueilli, ce qui m’a permis de m’intégrer sans trop de difficultés et d’apprendre très vite le darija», nous confie un autre étudiant subsaharien en médecine dentaire qui s’apprête à recevoir son diplôme de la Faculté de médecine de Casablanca.

Reste que les étudiants subsahariens au Maroc ne peuvent faire l’objet d’une description uniforme : «On voit des étudiants plutôt riches et des étudiants plutôt pauvres. De grandes écoles prestigieuses, des universités un peu moins bien cotées, des écoles privées qui ne sont que des boîtes à fric. Des vrais étudiants, des faux étudiants, des commerçants qui font des études…», expliquait en 2015 au Monde le sociologue et président du Gadem Mehdi Alioua. «Tout simplement parce que c’est un carrefour, ça bouge. Comme ça bouge, les statuts bougent aussi. Ce n’est pas figé. On ne peut pas donner une image de l’étudiant africain au Maroc, ce n’est pas possible, il n’y en a pas qu’une.»

Une tendance déjà confirmée en 2009 par l’anthropologue Johana Berriane, chargée de recherche à l’Institut historique allemand de Paris et associée à la chaire d’Études africaines comparées de l’Université Mohammed VI Polytechnique. «La venue au Maroc d’étudiants subsahariens est un phénomène qui dépasse le cadre politique. En effet, en plus des canaux officiels permettant à des jeunes subsahariens de venir étudier au Maroc, le pays accueille aussi de plus en plus d’étudiants qui se dirigent hors accords officiels vers des établissements d’enseignement privés.»

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