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Grand Angle  

Réseaux sociaux au Maroc, l’émergence d’un «cinquième pouvoir»

L’apparition et la généralisation des réseaux sociaux au Maroc n’a pas toujours eu des côtés favorables. Des scandales révélés au grand jour, des vidéos filmées à l’insu des victimes très rapidement relayées, tant de points néfastes qui ne font pas souvent les affaires d’une certaine tranche de la société, tel que Hamza Derham cette semaine. Mais qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ?

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Image d'illustration. /Ph. DR
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Au Maroc, les réseaux sociaux sont aussi un moyen de pression. Preuve en est l'affaire Derham. Récemment jugé pour conduite en état d’ivresse et défaut d’assurance auto, Hamza Derham est aussi poursuivi pour «faux en écriture authentique», «modification des preuves d’un accident de circulation» et «délit de fuite». Arrêté le 19 avril et jugé le 8 mai, cette rapidité dans la condamnation du jeune homme en dépit de sa position sociale privilégiée ne laisse pas indifférent, notamment en rappel à l’affaire du fils d’un ministre qui avait suscité l’indignation des Marocains.

En effet, durant le quinquennat d’Abbas El Fassi (2007-2011), l’un de ses ministres avait provoqué un tollé lorsque son fils, impliqué dans un accident de la circulation à Rabat, avait agressé le conducteur du véhicule en cause avec lui. Le ministre avait alors sorti son fils du commissariat le tenant par la main et son affaire avait été classée sans suite et sans poursuites judiciaires. Personne n’avait réagi à cette époque. Qu’est-ce qui a changé depuis ? Deux facteurs déterminants répondent à cette question : la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) et les réseaux sociaux.

Un souffle nouveau à la DGSN

L’arrivée d’Abdellatif Hammouchi à la tête de la DGSN il y a deux ans, le 15 mai 2015, a suscité un très grand changement. Une reprise en main orchestrée par plusieurs mutations tant au niveau du traitement, des processus ou encore de la communication… allant même jusqu’au changement des tenues vestimentaires. Mener une lutte acharnée contre la corruption et pour la transparence, voilà les motivations ambitieuses du patron de la DGSN. A tel point que depuis, lorsqu’un policier a recours à son arme à feu, une dépêche MAP est envoyée.

La nouvelle image de la DGSN a aussi été appuyée par le fait qu’Abdellatif Hammouchi s’est occupé personnellement du dossier Derham. Très vite, les deux agents de police, dont le fameux «constateur», présents sur le lieu de l’évènement ont été placés en garde à vue dès le lendemain de la diffusion de la vidéo, soit le 18 avril, pour «falsification de procès-verbal» ainsi que le jeune homme qui a été incarcéré le 19 avril.

«L’émergence d’un cinquième pouvoir»

Agir aussi rapidement n’aurait pas été possible sans les réseaux sociaux et la mobilisation des Marocains face à l’impunité, sachant que la viralité de la vidéo s’est faite sur WhatsApp avant de se propager plus largement, d’après Marouane Harmach, expert en réseaux sociaux. «A côté des quatre pouvoirs classiques (exécutif, législatif, judiciaire et le pouvoir de la presse), nous faisons face aujourd’hui à l’émergence d’un cinquième pouvoir», soutient-il.

Contacté par Yabiladi, l’expert explique : «Les réseaux sociaux sont en train de prendre un rôle important dans la société, non pas seulement pour dénoncer des scandales. C’est un véritable miroir aujourd’hui dans lequel les Marocains s’identifient, se voient et contestent. C’est une sorte de porte-voix de la société et l’émergence de ce que l’on appelle l’opinion publique digitale qui, à mon avis, est devenue très présente et influence l’opinion publique en général.»

D’après Marouane Harmach, de plus en plus d’affaires éclatent avec vidéo à l’appui pour dénoncer surtout et agir face à l’impunité souvent due à la position sociale ou la richesse du mis en cause. D’ailleurs, plusieurs dossiers avaient été révélés de la même manière, tels que le couple de Settat qui avait enregistré un caïd dans une affaire d’extorsion, raconte encore Marouane Harmach. «Des cas où l’on voit le rapport des citoyens avec l’autorité documenté par une vidéo.»

«Ceci dit, il n’y a rien de nouveau. Ces pratiques existent depuis une dizaine d’années, et ce depuis le sniper de Targuist en 2007, qui postait des vidéos de gendarmes qui touchaient des pots-de-vin. Simplement, ces pratiques se sont aujourd’hui diversifiées, mais la technique et la mécanique n’ont pas changé.»

N’empêche que plusieurs Marocains n’hésitent plus à sortir leurs smartphones pour immortaliser une situation ou documenter un fait avant de le dénoncer sur les réseaux sociaux. Un moyen leur permettant de profiter de la viralité des nouveaux médias pour faire entendre leurs voix. D’ailleurs, les responsables sont de plus en plus conscients que Facebook et Twitter, entre autres, ont plus que jamais un poids et une influence au sein de la société marocaine.

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