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Grand Angle

Agadir : Un bras de fer menace l'avenir des étudiants ingénieurs de l'IAV

Au Maroc, l’enseignement primaire n’est pas le seul secteur agonisant. Le supérieur n’est pas épargné des crises qui mettent en péril plusieurs années d’études, de travaux pratiques et de recherches. Après le scandale qui secoue depuis quelques semaines l’Université Abdelmalek Essaadi de Tétouan, c’est un bras de fer au sein du Complexe horticole d’Agadir qui menace désormais l’avenir des étudiants ingénieurs.

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Manifestation des étudiants ingénieurs du Complexe horticole d’Agadir contre le directeur Farid Lakjâa. / Ph. Facebook
Manifestation des étudiants ingénieurs du Complexe horticole d’Agadir contre le directeur Farid Lakjâa. / Ph. Facebook

A l’Institut agronomique et vétérinaire (IAV) Hassan II d’Agadir, les cours sont quasiment interrompus depuis mars suite au bras de fer opposant le directeur de l’établissement à l’Association des étudiants du complexe horticole d’Agadir. L’absence de dialogue entre les deux parties a même entraîné, le weekend dernier, la fermeture de l’internat et de l’ensemble de l’institut, paralysé suite à une décision «unilatérale» de Farid Lakjâa. Contacté par Yabiladi ce jeudi, le directeur du Complexe horticole d’Agadir s’explique : «Le mot grève est légitime, je suis d’accord avec vous. Il est certes protégé par la Constitution, mais il est aussi réglementé.»

«Les étudiants ont commencé à sortir leurs matelas le 12 avril à 3 heures et demi. Nous n’avons reçu l’information officielle qu’à 10h59, pour finalement annoncer que les étudiants entamaient une grève pendant 48 heures renouvelables, jusqu’à satisfaction de leurs revendications.»

«Des mesures de prévention»

D’après le directeur de l’établissement, les étudiants n’ont présenté leur cahier revendicatif que le 20 avril. Il dit aussi avoir essayé, à plusieurs reprises, de dialoguer avec les étudiants ingénieurs jusqu’au 25 avril, date à laquelle la directrice générale de l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II de Rabat, Ouafaa Fassi Fihri, s’est déplacée à Agadir pour rencontrer les étudiants. «C’est à ce moment qu’ils ont commencé à revendiquer ma destitution», enchaîne Farid Lakjâa.

Les choses ne se sont pas améliorées depuis. Quatre jours plus tard, soit le 29 avril, une note adressée aux étudiants les somme de remettre les clés de leurs chambres et de quitter l’internat. «On ne maîtrisait plus la situation dans l’internat, on ne savait pas qui entrait et qui sortait», se justifie le directeur adjoint de l’IAV.

«Cette décision a été prise dans des conditions particulières. La preuve, deux jours après il y avait déjà des confrontations. Une plainte a été déposée. Nous avons pris cette décision comme une mesure de prévention afin de protéger ces étudiants car tous ne cautionnent pas ce mouvement de grève.»

Farid Lakjâa ajoute qu’il appelle toujours les autres étudiants ingénieurs à dialoguer : «Ce qui est logique est logique, mais les revendications qui dépassent leur cadre réglementaire, il faut qu’ils les abandonnent», tranche-t-il.

Les étudiants pointent du doigt des «dysfonctionnements»

Mais contrairement à ce qu’avance le directeur du complexe horticole d’Agadir, le bras de fer date du début du mois de mars, à en croire le communiqué de presse et le dossier revendicatif des étudiants parvenu à Yabiladi. Ceux-ci y expliquent que l’administration a refusé à maintes reprises d’organiser des réunions directes. Leurs revendications, «banales et qui ne méritaient pas ce tapage et cette médiatisation exagérée», pour reprendre les mots du directeur, ont été développées sur cinq pages. Elles concernent d’abord des dysfonctionnements qui touchent aussi bien le volet pédagogique qu’administratif. Le dossier revendicatif comprend également une partie dédiée aux violations du règlement interne par le directeur et le personnel.

Les étudiants ingénieurs exigent d’abord la reconnaissance par la direction de la légalité de leur association. Ils appellent aussi au rééquipement et à la réouverture de certains laboratoires, ainsi que leur implication dans les affaires pédagogiques les concernant. Autres revendications : l’ouverture d’une enquête sur le redoublement de 28 étudiants lors des deux années universitaires antérieures et la révision d’un article du règlement interne qui permet de faire redoubler un étudiant en cas d’échec à une seule matière.

D’ailleurs, une lettre adressée par la direction générale de Rabat au directeur du Complexe horticole d’Agadir, datant du 2 mai, insiste sur le PV du 25 avril, conclu suite à la réunion avec les représentants de l'association des étudiants. Elle somme le directeur adjoint de procéder à la réouverture de l’internat : «Une telle décision ne peut être prise sans l’accord préalable de la direction de l’IAV Hassan II», écrit Ouafaa Fassi Fihri. «Je n’ai pas encore eu le temps d’en discuter», se justifie quant à lui Farid Lakjâa.

«En tant que directeur adjoint, j’ai le devoir de gérer l’institution et dispose d’un pouvoir discrétionnaire. Y a t-il un texte quelque part qui désigne la personne qui doit prendre cette décision ? J’ai été nommé. Il y a des actes administratifs qui sont réglementés, dans lesquels le pouvoir discrétionnaire du directeur adjoint est reconnu.»

Evoquant une «situation exagérément médiatisée», il dénonce aussi une «manipulation» à travers laquelle «chacun essaye de tirer un profit quelconque de cette situation».

Une «mentalité dictatoriale», selon un professeur du complexe

Contacté par Yabiladi, un professeur du Complexe horticole d’Agadir ayant requis l’anonymat évoque des «décisions qui démontrent la mentalité dictatoriale du directeur». S’agissant de la fermeture de l’internat le weekend dernier, il y voit là une «punition».

«Il a pris la décision de les punir en fermant les services, en limitant l’accès à l’établissement et en coupant l’eau et l’électricité à l’internat. Les étudiants sont restés dans cette situation pendant deux jours. Ce qui a créé un tollé, c’est qu’elle (la décision de fermeture, ndlr) est intervenue lors d’un weekend prolongé - ce qui confirme la thèse de la punition - sans que personne n’intervienne.»

Cet enseignant rappelle qu’une pétition, signée par l’ensemble des étudiants ingénieurs du complexe, dément les déclarations du directeur. «Tous les étudiants appellent au départ de l’actuel directeur». «Il est placé et protégé. Des choses sont dites et c’est pour cela qu’il se croit intouchable», finit-il par lâcher.

D’ailleurs, Farid Lakjâa n’en serait pas à son premier bras de fer. «Il s’était déjà opposé en septembre dernier à une décision de la direction centrale d’envoyer 60 nouveaux étudiants. Il n’en voulait que 30 et a fini par en accepter 45, même si les enseignants lui ont affirmé leur disposition à se sacrifier pour faire face à un problème de sureffectif, quitte à refaire les travaux pratiques», précise notre interlocuteur.

Le professeur nous informe aussi que la situation s’est partiellement apaisée ce jeudi. Difficile pourtant de maintenir le calme : les étudiants grévistes exigent toujours le départ de Farid Lakjâa et l’ouverture d’une enquête sur la fermeture du complexe.

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