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Grand Angle

Affaire Thomas Gallay : HRW dénonce les pratiques biaisées des tribunaux marocains

Ce ressortissant français a été condamné sur la base d’un procès verbal qu’il a été contraint de signer alors même qu’il ne comprend pas l’arabe. Au Maroc, le scénario semble manifestement récurrent, selon HRW.

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Thomas Gallay et Manuel Broustail. / DR
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Le 1er février dernier, Thomas Gallay, un ingénieur français qui clame son innocence après son incarcération au Maroc dans le cadre d’une affaire de terrorisme, avait reçu un soutien de taille : celui de Christiane Taubira, l’ancienne garde des Sceaux.

Aujourd’hui, c’est Human Rights Watch (HRW) qui est monté au créneau pour fustiger, à l’instar de l’ex-ministre française de la Justice, l’ambigüité sur laquelle s’appuie la condamnation du ressortissant. «La cour de première instance avait condamné Thomas Gallay à six ans de prison en se fondant essentiellement sur des ‘aveux’ que les policiers avaient tapés en arabe - une langue qu’il ne comprend pas - après l’avoir interrogé sans la présence d’un avocat», souligne le bureau MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) de l’ONG dans une note parvenue à la rédaction.

En novembre dernier déjà, cette même division pointait du doigt une «pratique récurrente des tribunaux marocains» qui consiste à «se baser sur des déclarations qui auraient été faites à la police, en tant que preuves de culpabilité». Rebelote quatre mois plus tard : «Cette affaire est emblématique de la tendance des tribunaux marocains à se fonder sur des procès-verbaux de police pour démontrer la culpabilité des accusés. Souvent, les tribunaux ignorent ou balaient d’un revers de la main les argumentaires tendant à montrer que la police judiciaire a utilisé des méthodes douteuses pour obtenir les aveux et déformer leur teneur.»

Des pratiques contraires à l’alinéa 2 de l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques : «Tout individu arrêté sera informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation et recevra notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre lui.» De même, l’article 23 de la Constitution marocaine est sans équivoque : «Toute personne détenue doit être informée immédiatement, d'une façon qui lui soit compréhensible, des motifs de sa détention».

Un «allé simple vers la prison»

C’est que Thomas Gallay, en signant à son insu des aveux en arabe, s’est auto-incriminé : il a reconnu malgré lui s’être converti à l’islam et soutenir l’organisation «Etat islamique». Contacté par Yabiladi, Ahmed Benchemsi, directeur de plaidoyer et de communication auprès de la division MENA à HRW, explique : «Certains pourraient dire qu’il ‘n’avait qu’à pas signer’ ces aveux. Or, il était soumis à une forte pression psychologique, d’autant plus qu’on lui a dit que ce n’était qu’un simple document de routine en arabe. Comme c’est souvent le cas au Maroc - et pas seulement pour des affaires de terrorisme -, Thomas Gallay a été condamné sur la base d’un simple procès verbal.»

Aussi, Ahmed Benchemsi dénonce un «schéma récurrent» : «Lors des interrogatoires, les aveux sont soutirés aux inculpés en ayant recours à des méthodes violentes, autant physiquement que psychologiquement. Quand l’inculpé se plaint, on n’en tient pas compte. En gros, c’est un allé simple vers la prison.»

L’ONG a également mis en lumière le cas d’un autre ressortissant français : Manuel Broustail, 32 ans, un ancien militaire converti à l’islam. Intercepté à son arrivée à l’aéroport de Fès le 6 mars 2016, il venait de passer deux mois assigné à résidence à Angers sur arrêté du ministère français de l’Intérieur suite aux attaques de novembre 2015 à Paris, précise Human Rights Watch. «Le procès-verbal de police signé par M. Broustail lui faisait dire qu’il était un expert en explosifs à la tête d’un groupe extrémiste à Angers, qu’il se félicitait des attaques de Paris, qu’il prévoyait des attaques terroristes contre les intérêts français et qu’il avait négligé de prévenir les autorités françaises qu'une de ses connaissances planifiait d’attaquer un poste de police», entre autres.

Condamné le 20 octobre à quatre ans de prison sur des aveux qu’il a réfutés, Manuel Broustail a fait appel mais aucune date n’a encore été fixée. Il est détenu à la prison de Tifelt 2. Quant à son concitoyen Thomas Gallay, les procédures judiciaires à son encontre reprendront le 22 février 2017 à la cour d’appel de Rabat.

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