C’est une toute petite phrase, lapidaire à coup sûr : «Loue appartement ou maison. Pour étrangers uniquement.» En France, on connaissait la version bête et méchante du racisme, par lequel certains propriétaires refusent sans complexe aucun de louer à l’Arabe ou au Noir. Au Maroc émerge depuis quelques années sa version inversée, qui n’en reste pas moins discriminatoire : au locataire marocain, on préfère l’étranger.
L’étranger, oui, mais pas n’importe lequel. Au diable les ressortissants subsahariens, qui n’auraient d’étranger que leur passeport. Sur le reste, croit-on savoir, ils partagent les mêmes faiblesses que leurs homologues continentaux : ils seraient malhonnêtes et peu fiables. En fait, c’est l’Européen ou l’Américain (le Blanc, en somme) qui fait naturellement figure de locataire idéal.
Ce vendredi matin, l’agence immobilière 8th Avenue, à Casablanca, s’est fendue d’une annonce du même acabit.
Au sein de l’agence, contactée par Yabiladi, on est catégorique : «C’est le propriétaire qui nous a demandé de préciser que cette location était destinée aux étrangers», assure l’un des agents. «C’est pour éviter de faire perdre du temps aux gens qui ne réunissent pas les critères», précise-t-il sans se soucier du respect de la loi.
Un mois à deux ans de prison et une amende de 1 200 à 50 000 dirhams
D’après ce professionnel de l’immobilier, certains Marocains font état d’une légère tendance au «complexe du Français». Dans un langage moins ciblé, il s’agit du fameux «complexe du colonisé» qui, grosso modo, laisse à penser que le Blanc est forcément plus honnête que le Noir. «Pour beaucoup de proprios, le Français est plus réglo tandis que le Marocain, et en règle générale l’Africain, le sont beaucoup moins. C’est pareil pour les Orientaux», insiste-t-il. Dans ce cas de figure, ce sont les «questions de mœurs» que les propriétaires invoquent pour justifier un refus. Pour le dire franchement, ils craignent de voir leur appartement se transformer en un vivier de prostituées.
Sauf que ces locations à la tête du client fleurent bon l’illégalité. «Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de l'origine nationale ou sociale, de la couleur, du sexe, de la situation de famille, de l'état de santé, du handicap, de l'opinion politique, de l'appartenance syndicale, de l'appartenance ou de la non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée», énonce clairement l’article 431-1 du code pénal.
«La discrimination définie à l'article 431-1 ci-dessus est punie de l'emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une amende de mille deux cent à cinquante mille dirhams, lorsqu'elle consiste à refuser la fourniture d'un bien ou d'un service ; à entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque ; à refuser d'embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne ; à subordonner la fourniture d'un bien ou d'un service ou l'offre d'un emploi à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 431-1», poursuit l’article 431-2.
L’agence 8th Avenue, qui a dit ne pas être au courant du caractère illégal de l’annonce, s’est engagée à la supprimer.