En burkini profitant du soleil estival pour se baigner, habillée et coiffée d’un voile pour pique-niquer en famille sur le sable ou en short pour goûter aux vagues de la mer, il devient difficile pour certaines femmes de ne pas envisager le risque d’être approchées par les forces de l’ordre sur plusieurs plages françaises, celles dont les communes ont adopté le fameux arrêté anti-burkini qui s’est propagé sur 26 municipalités, surtout dans le sud de la France.
16 verbalisations à Nice
A Nice lundi 22 et mardi 23 août, 16 femmes portant le burkini ont été verbalisées, selon la presse française. Elles ont été chacune punies d’une amende allant parfois jusqu'à 38 euros.
Mardi, la porte-parole et secrétaire générale de la Fédération des musulmans du Sud, Feiza Ben Mohamed, a publié sur Twitter le film de la verbalisation d’une femme voilée qui ne portait pas de burkini. Profitant de la présence d’un agent de police, elle l’interroge alors sur les raisons de la verbalisation la veille de trois femmes pour s’être baignées avec leur vêtement, dont une en short et t-shirt. L’agent d’admettre: «On a le droit de porter un t-shirt [sur la plage]». D’après lui, les arrêtés anti-burkini sont établis pour éviter qu’il y ait des rixes. «En Corse les gens se sont fait caillasser…», argue-t-il alors que la présence de burkini dans l'affaire de Sisco a été démenti.
Nouvelle vidéo de la chasse aux femmes voilées à #Nice06 Saison 1 / épisode 2 #BurkiniGate pic.twitter.com/XJNKTh2Rdk
— Feiza Ben Mohamed (@FeizaK) 23 août 2016
Sommée de se déshabiller
Le cas le plus choquant est celui d’une dame voilée contrainte par la police de se déshabiller en public en enlevant son haut alors même qu'il n'a aucune conotation religieuse. La scène publiée en images sur les réseaux sociaux a provoqué la polémique et l’indignation. «Les photos de la honte», dénonce Philippe Marlière, enseignant à la University College London.
Cannes: les photos de la honte et de l'ignominie! Que fait la gauche des libertes et droits humains? #burkini pic.twitter.com/cOVlYjR9Ub
— Philippe Marlière (@PhMarliere) 23 août 2016
«La police de la honte», selon Marwan Muhammad, président du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF).
Ils veulent lui retirer ses vêtements.
— Marwan Muhammad (@Marwan_FX) 23 août 2016
Mais qu'ils retirent leurs uniformes !
La police de la honte. pic.twitter.com/JNOtSjp2v3
6 PV à Cannes, 15 personnes approhées par la police
L’autre ville où bat la polémique est bien Cannes. Six PV y ont été distribués jusqu’à mardi, selon le cabinet du maire. «Quinze personnes ont par ailleurs été approchées par des agents et ont obtempéré», a indiqué la même source.
Le dernier cas révélé qui fait la une de la presse ce mercredi est celui de Siam, une mère de famille de 34 ans, verbalisée sur la plage de la Bocca à Cannes pour le port du voile, a rapporté l’Obs hier. Les faits remontent à mardi 16 août. Lui demandant si elle était «au courant qu’il y [avait] un arrêté sur la ville de Cannes», la policière l’informe qu’en vertu de cette décision communale, les personnes présentes sur la plage doivent porter une «tenue correcte».
«Qu’est-ce que nous demande l'Etat ? Je ne comprends pas»
La jeune maman a finalement reçu un PV et payé une amende de 11 euros. Elle a témoigné son indignation devant la caméra du CCIF. «Qu’est-ce que nous demande l'Etat ? Faut plus se voiler ?», s'interroge-t-elle avant d'ajouter : «Je ne comprends pas !».
Le PS divisé
Sur les 26 communes ayant émis un arrêté anti-burkini, 21 d’entre elles n’ont pour l’instant pas adressé de verbalisation, selon les informations de Francetv Info. Si certaines d'entre elles disent avoir retenu cette orientation à titre «préventif», jusqu’à hier, 22 PV avaient été distribués uniquement à Nice et Cannes. Les communes de Cap d'Ail, de Mandelieu-la-Napoule (Alpes-Maritimes) et de Leucate (Aude) n’ont pas encore communiqué leurs chiffres.
La fièvre anti-burkini qui secoue la France en pleine fin de saison, même si elle est soutenue par le Premier ministre Manuel Valls, choque au sein du Parti socialiste. Dans un communiqué, les Jeunes Socialistes mettent en garde contre la «surenchère qui conduit à l'irréparable, aux fractures, aux blessures». Réagissant au cas de Siam sur Twitter, le député de l'Hérault Sébastien Denaja a qualfié sa verbalisation d'«illégale».
Je suis révulsé par la verbalisation ILLÉGALE de femmes portant - c'est leur droit ! - un simple voile sur une plage.
— DenajaSébastien (@SebastienDenaja) 24 août 2016
Un malaise certain a envahi une partie des Français qui ne comprend pas cette mesure et ces atteintes à la dignité de femmes allongées paisiblement sur la plage. L'occasion de lire notre édito sur l'humiliation comme système politique.