Le mariage par la Fatiha fait encore des ravages dans les zones enclavées du Maroc. Ses dernières victimes sont douze filles de la région de Béni Mellal, toutes forcées à «se marier» au même époux. L’accusé est âgé de 60 ans. Le retraité avait été enseignant dans une école marocaine en Belgique.
Tirant profit de la précarité des familles, l’homme sillonnait les communes rurales de la province à la recherche de ses «épouses». Il opérait selon un scénario bien ficelé. Il faisait une escale dans un douar, le temps que ses rabatteurs lui dénichent une mineure. L’opération était vite conclue en quelques jours. Il louait une maison et s’y installait avec sa victime pendant une ou deux semaines. Ensuite, prétextant un voyage urgent en Belgique, il laissait la fille avec ses parents avant de s’éclipser totalement. Un scénario qu’il a exécuté douze fois dans la même région avant son arrestation.
Seules trois filles ont déposé plainte contre lui
«Seulement trois filles ont déposé une plainte contre lui. Les autres ont opté pour le silence. La justice l’a condamné en première instance à deux ans de prison. Mais en appel, la peine a été réduite à six mois de prison ferme. Il devra être libéré dans les prochaines semaines», nous confie Latifa Ziraï de la section de Béni Mellal de Ligue démocratique des droits des femmes.
Utilisant les largesses du mariage par la Fathia, le retraité avait élargi le champ de son action, «il compte des "mariages" à Khénifra et Bzou», indique Mme Ziraï. La condamnation s’est basée uniquement sur l’accusation de détournement de mineure. La falsification de documents officiels a été rejetée en appel, sachant que le mariage par la Fatiha n’exige aucun papier administratif pour sa conclusion. «Ce phénomène est largement répandu à Béni Mellal et à Azilal, et ce malgré les campagnes de sensibilisation que mène notre ONG auprès de la population», souligne Latifa Ziraï.
En décembre, et au grand dam de certains partis de l’opposition et des associations féministes, les députés de la majorité gouvernementale ont approuvé une modification de l’article 16 du Code de la famille accordant un délai supplémentaire de cinq ans à la reconnaissance du mariage par la Fatiha par les pouvoirs publics.