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Grand Angle

Maroc : Le virage raté (?) de l'industrie du jeu vidéo

Il y a quelques années, l'industrie du jeu vidéo au Maroc semblait prometteuse, si bien que le secteur bénéficiait des initiatives d’opérateurs, comme l’école de formation créée en 2008 pour renforcer les compétences. Mais entre manque d’effet d’entrainement et difficultés de financements, émigration de ressources humaines, le secteur a perdu de son élan.

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«L’industrie du jeu vidéo au Maroc est en train de mourir», affirme sans détour Anas El Filali, patron de Lorem, une start up basée à Casablanca qui trouve ses clients à Dubaï, en Arabie saoudite, au Koweït ou dans certains pays d’Europe. C’est d'ailleurs ainsi que les entreprises du monde entier meublent le marché international.

Pour mémoire, le jeu vidéo représente la première industrie culturelle dans le monde avec un chiffre d’affaires -toutes plateformes confondues- de 101,62 milliards de dollars US en 2013. Et sur ce marché, les entreprises n’hésitent pas à pousser leur ingéniosité et mettre en œuvre des stratégies permettant de se positionner. Mais alors que le potentiel du royaume chérifien semblait être radieux plus d'une décennie plutôt, les résultats sont loin d'être à la hauteur des attentes.

C'est vers la fin des années 90 que le Maroc commence vraiment à se lancer dans l'industrie du jeu vidéo, au moment où débute la métamorphose du secteur tel qu’il est connu aujourd’hui. Ubisoft devient en 1998 la première entreprise dédiée à s’installer sur le sol chérifien. Convaincu du potentiel du vivier de compétences au Maroc, la firme crée une école de formation dédiée aux développeurs en 2008.

Fuite de cerveaux

De nombreux jeunes se font alors formés. Cependant l’absence de perspectives, la faiblesse des alternatives en terme de choix de carrière et la rareté des acteurs locaux occasionnent ce qu’on pourra qualifier de «fuite de cerveaux». D’après les déclarations au site Gamasutra, de Arif Yassien, un ancien d’Ubisoft et co-fondateur du collectif Moroccan Games Developpers, la plupart des développeurs marocains formés chez Ubisoft finissent par déménager à l'étranger. Ce que confirme Anas El Filali. «Très peu de bons développeurs restent», déclare-t-il à Yabiladi. «Abu Dhabi a beaucoup recruté au Maroc et il y en a qui vont également en Europe», ajoute-t-il.

L’homme de terrain sait de quoi il parle. Au niveau de son entreprise, il éprouve des difficultés au niveau des ressources humaines, ce qui empêche l’entreprise de développer des jeux «puissants». «Le seul jeu GTA5 [actuellement dans le top 5 des ventes en France, nldr] a nécessité une équipe de plus de 300 développeurs», fait-il remarquer, soulignant la difficulté pour une start up marocaine d’avoir une équipe aussi étoffée. Jusqu’ici, Ubisoft est la seule à employer 60 développeurs au Maroc.

Problème de financement

L’autre difficulté des quelques rares opérateurs du secteur réside dans le financement de l’activité. «C’est une industrie qui génère un coût exorbitant. Or au Maroc, elle n’est pas soutenu» regrette M. Filali, soulignant que les anciens gouvernements «n’avaient pas respecté leurs engagements». Et très peu d’actions sont initiées auprès de l’actuel gouvernement. D’ailleurs lui aussi parle très peu de l’industrie du jeu vidéo, voire pas du tout. «Personne n’a pris au sérieux ce business», regrette l'entrepreneur.

Selon les acteurs du milieu, un jeu de qualité -du développement à la mise en ligne réussie- coûte entre 5 et 10 millions de dirhams. Mais le retour sur investissement peut être assez conséquent, l'industrie du jeu vidéo proprement dite est très lucrative. A titre d'exemple, un jeu comme GTA 5 de l’américain Take-Two sorti en septembre 2013 avait généré 2 milliards de dollars à fin décembre de la même année pour un coût de 500 millions de dollars. «Ailleurs des politiques sont mises en place pour favoriser l’essor de ce secteur», souligne M. Filali, citant l’exemple de la Tunisie voisine où le ministère de tutelle accompagne cette industrie encore bourgeonnante au pays du jasmin. 

En raison des moyens limités, Lorem a dû revoir son business-model pour garder la tête hors de l’eau. La société s'est notamment orientée dans la «gamification» de la relation client consistant à établir une relation gagnant-gagnant entre un centre commercial et ses clients à travers une aplication ludique. «Sans cela, nous n’aurions que deux ou trois années d'espérance de vie. Et encore !», confie le jeune patron.

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