Islam : Les hebdos du Maroc au temps de la haine [Edito]

La canicule fait des dégâts au Maroc. Des feux de forêts se sont déclarés dans le Nord du pays ravageant plusieurs hectares. À Casablanca, certains pompiers-pyromanes tentent d'allumer d'autres incendies au sein de la population marocaine. Après les multiples polémiques liées aux moeurs (du film de Ayouch à Mawazine en passant par les Femen), la réplique de frustrés du genou à Inezgane, de surfeurs débiles à Anza ou d'australopithèques chasseurs d'homo à Fès, voilà que des magazines se mettent à jeter de l'huile sur le feu. 

«Le pays menace de brûler, soyons irresponsables, un cocktail islamophobe en couverture» pourrait résumer leur «pensée». En effet, au lieu d'apporter analyse, sérénité, pédagogie et appel à la raison, les hebdomadaires le Temps et Maroc Hebdo ont choisi des couvertures sensationnalistes voire clairement haineuses. 

Nous n'avons pas la laïcité, mais nous avons l'islamophobie

Le Temps s'est ainsi inspiré d'une couverture du magazine TelQuel datant de 2014, où l'on voit la moitié du visage d'une femme au teint basané avec un niqab, et en opposition la moitié du visage d'une femme au teint clair, cheveux au vent. Le magazine aux ventes confidentielles n'y va pas par quatre chemins, puisque pour lui la guerre a commencé. Rien que ça ! Et qui sont les belligérants ? Modernistes contre conservateurs. Diantre ! Je pensais qu'on était en guerre contre les djihadistes et non contre les conservateurs.

Le facétieux Maroc Hebdo fait lui aussi le lien entre islam radical et les conservateurs. Par une des photos impressionnantes des fidèles priant pendant le Tarawih sur l'esplanade de la mosquée Hassan II de Casablanca, durant les derniers jours du mois de Ramadan, ils tenteront d'effrayer leurs lecteurs. «Montée de l'Islam radical» peut-on lire en titre à la manière d'un «ils sont parmi nous, regardez, juste là !» Nul besoin d'avoir suivi des cours de sémiologie pour comprendre que les dizaines de milliers de personnes venues prier sont ici assimilées aux islamistes radicaux.

Ces raccourcis et ces amalgames sont dignes des envolées islamophobes de certains magazines français. Ainsi dans sa lente agonie, la presse francophone marocaine a choisi la haine comme ultime radeau de fortune. 

Noirs, homosexuels, musulmans, tous coupables

Maroc Hebdo, le vétéran des hebdo marocains s'acharne depuis plusieurs mois à montrer l'exemple aux plus jeunes comme Le Temps. Il a ainsi commencé avec un numéro sur «Le péril noir» visant les migrants subsahariens, victimes par la suite de violences et d'assassinats. Même si aucun lien ne peut être établi, ce titre haineux a participé à la normalisation des discours et des actes négrophobes. Plus tard, le même magazine qui commence à sentir la naphtaline s'interrogera ingénument s'il faut «brûler les homosexuels». Heureusement, quelques semaines plus tard, des jeunes de Fès se sont montré plus modérés que Maroc Hebdo en se contentant (sic) du lynchage public d'un prétendu homosexuel. 

Alors puisque nous sommes en guerre, puisqu'il y a péril, devons nous aussi brûler les fidèles de la mosquée Hassan II ? Cette «élite» médiatique se rend-elle compte du caractère explosif dans lequel nous sommes ? L'équilibre précaire qui régnait jusqu'ici entre conservateurs et progressistes est désormais menacé. Auparavant, les voilées fermaient les yeux sur les jupes, les buveurs d'alcool n'allaient pas embêter les prieurs, et à défaut de vivre ensemble qui tient plus du mythe au Maroc, ces deux mondes faisaient semblant de s'ignorer. Un match nul, ni gagnant, ni perdant qui convenait à tous. Mais aujourd'hui, les deux extrêmes veulent pousser leur avantage pour gagner par K.O. 

Si l'islam nous explique que les jins sont enchaînés durant tout le mois de Ramadan, force est de constater que les apprenti-sorciers sont en train de se déchainer.