Menu

Interview

Les questions déontologiques autour du crash du F-16 marocain au Yémen décryptées par Alain Rollat

Le traitement, par la presse nationale, du crash du F-16 marocain au Yémen a soulevé plusieurs questions déontologiques. Dans un entretien avec Yabiladi, Alain Rollat nous livre un précieux décryptage. Expert indépendant en déontologie journalistique, il participe aux programmes de l'Union européenne pour améliorer le professionnalisme de la presse écrite dans les pays du Maghreb. Interview.

Publié
DR
Temps de lecture: 3'

Yabiladi: Peut-on montrer les débris d’un avion appartenant à l’armée de son pays pour prouver que l’avion annoncé disparu s’est bien écrasé ? Le débat a notamment été soulevé par Aziz Boucetta de Panorapost

Alain Rollat: Raconter les choses, les montrer, c’est la mission élémentaire de la presse. Le journaliste est un diseur de vérités ; c’est donc un devoir, pour lui, de porter à la connaissance du public tous les éléments d’information dont il dispose. C’est d’ailleurs la base fondamentale du contrat de confiance qui lie le journaliste aux gens : il doit fournir des renseignements véridiques et en garantir l’exactitude parce qu’il est au service du droit des gens à recevoir une information honnête. Bien entendu, avant de publier une information, il faut en vérifier l’authenticité. Mais à partir du moment où les faits sont avérés, il faut les rapporter au public.

Dans le cas que vous évoquez, la disparition de ce F-16 avait été annoncée de source officielle ; la seule question à se poser était donc la question de l’authenticité des photos transmises ensuite, autrement dit la question de la fiabilité de la source qui avait diffusé les photos de ces débris prises sur le lieu présumé du crash. Mais à partir du moment où l’authenticité de ces photos n’était pas contestée, il n’y avait aucune raison de ne pas les diffuser car elles constituaient un élément d’information complémentaire confirmant le crash annoncé.

Quant au débat soulevé par l’article que vous évoquez, je préfère ne pas l’alimenter car il s’agit d’un plaidoyer pour l’autocensure incompatible avec la mission professionnelle du «diseur de vérités». Le point de vue patriotique qui s’y exprime est respectable mais ce n’est pas un point de vue journalistique ; c’est le point de vue d’un chargé d’affaires militaires ou d’un propagandiste. En toute circonstance, le journaliste digne de ce nom est «tenu de respecter les faits». Quoi qu’il en coûte ! Quoi qu’il lui en coûte ! C’est même écrit, noir sur blanc, à l’article premier du Code de déontologie des journalistes maghrébins. L’article 7 de ce Code précise aussi que «la fonction de journaliste est incompatible avec celle d’attaché de presse, de chargé de relations publiques et autres fonctions assimilées». Il s’agit là d’un principe universel de bonne conduite et je ne vois pas pourquoi il y aurait, à ce sujet, une exception marocaine.

Peut-on préciser le nom du pilote disparu, ou mort, ou doit-on laisser le temps à l’armée de s’assurer de son sort et d’informer la famille au préalable ?

En pareil cas il y a évidemment, pour la presse, un délai de décence à respecter. Mettez-vous à la place de la famille concernée et vous trouverez la bonne distance…

Peut-on montrer des images du pilote s’il est fait prisonnier. En cas de mort il est évident que par respect de la vie humaine on ne diffuse pas d’images…

Le souci de la dignité de l’individu doit primer sur toute autre considération. Il y a un équilibre à trouver entre le devoir d’informer, qui interdit la censure, et le respect dû aux victimes, qui oblige à faire preuve de retenue. En cas de doute, une réflexion s’impose. Il faut se demander ce que représentent exactement les photos. Est-ce que la scène représentée est de nature à choquer ou à blesser ? Est-ce que l’intérêt public justifie ou non la publication ? Est-ce que, dans le cas de photos de cadavres, le droit des morts à la paix ne pèse pas plus lourd que l’intérêt de la publication ? La réponse va de soi. Surtout quand les photos en question sont utilisées à des fins de propagande. Le journaliste respectueux des autres ne cède jamais au plaisir morbide du voyeurisme.

banalités...
Auteur : Hamid
Date : le 13 mai 2015 à 18h26
Banalités et lieux communs.
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com