A Marrakech, Casablanca, Rabat, Agadir, Tanger et dans toutes les autres villes du royaume certaines familles musulmanes sont en train de préparer le nécessaire pour les crêpes, galettes, petit pain …qu’ils emmèneront ce samedi soir chez leurs voisins ou amis juifs. Ceux-ci de leur côté, préparent la mufleta - célèbre crêpe consommée à l'occasion - pour recevoir leurs convives. C’est ainsi que se célèbre la Mimouna, cette fête initiée par les juifs marocains il y a à présent trois siècles.
Partage et joie
Célébrée pendant 24 heures à la fin de la semaine de la Pessah (Pâques juive), la Mimouna est placée sous le signe du partage. Les juifs ouvrent ainsi leurs portes aux musulmans qui leur offrent les aliments fait à base de farine pétrie et levée, mais pas que. Les produits comme les fleurs, la menthe et les fèves, sont également bienvenus. «Chaque juif reçoit ainsi chez lui, jusqu’à une certaine heure. Après, on fait la tournée chez les membres de la communauté toute la nuit, on se rend visite. Le lendemain, on va pique-niquer en famille», explique à Yabiladi Henri Assouline, vice-président de la Communauté israélite de Marrakech-Essaouira.
Lors des pique-niques, le menu est souvent composé de grillades. Certaines familles se déplacent avec des musiciens et des déguisements. Bref, «la joie et le partage sont au centre des rencontres», souligne M. Assouline. Toutefois, le schéma traditionnel de la célébration de la Mimouna n’est plus tellement respecté de nos jours. «La visite des amis musulmans reste, mais les gens ne font plus vraiment le pique-nique, ni les visites nocturnes. Moi je le fais parce que j’ai gardé la tradition de mes parents, mais la nouvelle génération a une autre mentalité. Les jeunes s’en moquent», affirme M. Assouline. Et un bref entretien avec une jeune juive casablancaise montre en effet, que la Mimouna n’a pas toujours le même succès auprès de la jeune génération. «Moi je ne suis pas vraiment pratiquante, je ne la fête pas», confie à Yabiladi Simone *.
Une tradition qui s’exporte bien
Et même les jeunes qui célèbrent cette fête le font sans trop s’embarrasser avec les traditions. «Mon fils par exemple peut organiser une petite soirée avec sa femme et ses enfants. Et ça s’arrête là», confie M. Assouline. D’après lui, la baisse de l’effectif de la communauté pourrait avoir un impact sur l'importance de la Mimouna. Rappelons qu’après les départs massifs de 1948, 1961, 1967, le Maroc est passé de 300 000 juifs en 1948 à environ 5 000 en 2014. Toutefois, ceux qui sont encore dans le royaume, «surtout à Marrakech célèbrent toujours la Mimouna avec beaucoup d’enthousiasme», souligne ce responsable communautaire.
Mais les traditions pourraient perdurer ailleurs. Les juifs marocains ayant rejoint d’autres contrées y ont exporté la Mimouna. Cette fête est connue désormais à travers le monde et les juifs d’autres pays s’y prêtent volontiers. Le cas le plus significatif est sans doute celui d'Israël où elle est carrément devenue une fête nationale, le jour de sa célébration étant décrété jour férié. Les festivités à Jérusalem et ailleurs dans le pays réunissent même la classe politique du pays, y compris le président Shimon Perez et le premier ministre Benyamin Netanyahu, comme ce fût le cas l’an dernier.
*Le prénom a été modifié.
Une famille juive fête à Sefrou