Surréaliste, c’est par ce terme que le journaliste Jean Louis Perez expulsé du Maroc avec son collègue Pierre Chautard qualifie ce qu’il a vécu au Maroc. Pourtant, J.L Perez, s’attendait à vivre une situation pareille une fois au Maroc pour son tournage. «…mon caméraman Pierre Chautard et moi savions que ce tournage allait être compliqué. Des contacts sur place et des journalistes marocains m’avaient mis en garde», confie-t-il sur Le Plus du Nouvel Obs, avouant qu’il ne s’attendait pas «à un tel état de tension».
Le journaliste, qui reconnait avoir tourné sans autorisation, affirme en avoir demandée une au ministère de la Communication, ce que le département de Mustapha El Khalfi a démenti plus tard. Perez estime qu’on peut avoir quelques soucis au Maroc «même quand on est en règle...». L’équipe de Premières Lignes qui a rencontré «plusieurs personnes, dont certains dissidents opposés au régime et notamment un personnage clé», indique n'avoir pas eu le temps de filmer à cause de leur arrestation.
«On avait l’impression d’être dans ’’OSS117 : Le Caire, nid d’espions’’
Dans ce témoignage, Perez revient également sur les surveillances dont l’équipe de P.L a été victime durant leur séjour au Maroc. A l’hôtel, un homme lui aurait fait savoir qu’ils n’avaient pas le droit de filmer. «On avait l’impression d’être dans ’’OSS117 : Le Caire, nid d’espions’’. On voyait toujours les mêmes gens dans les cafés où nous étions, dans les restaurants, dans la rue, au petit déjeuner de l’hôtel…». Le journaliste estime même que son voisin de chambre les surveillait. «C’était grotesque et finalement sans doute un peu volontaire», regrette-t-il, affirmant que ce qui les surveillaient voulaient les «intimider».
Leur arrestation dans les locaux de l’AMDH ne s’est pas faite dans la tranquillité : «vers 18h, 30 policiers ont cassé la porte à coups de burins pour venir nous chercher. Ils ont même violenté une femme qui faisait barrage de son corps pour les empêcher de rentrer», poursuit-il. «Ils nous ont dit qu’on était en état d’arrestation, sous le coup d’un mandat d’expulsion, ils ont confisqué notre matériel et ont pris nos clés de voitures pour nous conduire jusqu’à l’hôtel, dans un convoi de plusieurs véhicules».
Fouille à l’hôtel
Une fois à l’hôtel, «ils nous ont enfermés dans une chambre voisine de la nôtre pendant que nos affaires étaient fouillées». J.P Perez confie avoir subi avec son collègue «une fouille au corps, plaqués contre le mur». Selon lui, les policiers voulaient savoir à qui ils ont parlé. Leur matériel a été aussi listé : deux appareils photos, un ordinateur, deux trépieds et quelques spots. «Ils cherchaient des puces jusque dans nos semelles de chaussures», se rappelle-t-il. Son smartphone n’a pas échappé aux policiers, alors que Pierre Chautard avait perdu le sien à Orly au départ. Une perte qui a paru louche aux yeux de la police. Perez regrette que son téléphone marocain soit aussi saisi alors qu’il y avait ses contacts du royaume.
Nuit à l'aéroport
Pire, la police avait aussi confisqué leur passeport, mais les deux journalistes ne pouvaient pas voyager le soir même car il n’y avait plus de vol vers la France. Ils ont donc dû passer la nuit à l’aéroport sous la garde de deux policiers. Ce n’est que le lendemain après avoir embarqué dans un vol d’Air France qu’ils ont pu récupérer leur passeport. J.L. Perez estime après cet incident que «le Maroc n’est pas le pays que l’on croit. Ce n’est pas un pays démocratique. Je savais la liberté de la presse menacée mais j’ai été très choqué par l’état des droits de l’Homme».
J.L. Perez sur 28' minutes d'ARTE sur son expulsion du Maroc