«Au total, le Maroc devrait, ainsi, avoir réalisé ou réaliserait à l’horizon 2015, l’ensemble des OMD ou en réaliseraient les objectifs ciblés à plus de 90%», a indiqué le Haut commissaire au plan, Ahmed Lahlimi Alami, mardi 27 janvier 2015, au siège du HCP, dans le cadre du débat sur les objectif du développement au-delà de 2015, et à l’occasion de la présentation du cinquième Rapport national sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) 2012. Le conditionnel reste encore de mise puisque le HCP n’a pas actualisé ce rapport avec les données statistiques du Recensement général de la population à l’automne 2014.
Rien de neuf, alors, sinon, le constat édifiant du commissaire lui-même sur le paradoxe marocain. «Au niveau national, le Maroc sera à la hauteur des OMD, mais la répartition territoriale de ces réalisations montre une grande disparité, qui tire le Maroc vers le bas», a reconnu Ahmed Lahlimi Alami.
D’une part, le Maroc devrait avoir atteint l’objectif de réduire de moitié les populations souffrant d’extrême pauvreté et de la faim, ainsi que l’objectif de réduire à 25 décès pour 1000 nouvelles naissances la mortalité des enfants de moins de 5 ans d’ici la fin de l’année 2015, date butoir. D’autre part, les inégalités entre hommes et femmes et entre zones urbaines et rurales sont telles que l’on peut se demander de quel Maroc parle Bassima Hakkaoui, ministre de la Santé et de la Famille, quand elle affirme que le Maroc «ne doit pas s’endormir sur ses lauriers».
51% des ruraux sont analphabètes
«Les analyses montrent qu’en 2011, le milieu rural concentrait 67% des pauvres et 59% des vulnérables alors qu’il n’abritait plus que 42% de la population marocaine», rappelaient les Nations Unies au Maroc dans un rapport déjà intitulé «Les disparités dans l’atteinte des OMD au Maroc » et publié en 2013. «L’extrême pauvreté au même titre que la pauvreté alimentaire continuent, par ailleurs, à se répandre, à leur tour, avec des niveaux de sévérité 4 fois plus importants dans le rural que dans l’urbain», ajoute le rapport.
Les inégalités entre milieu urbain et rural s’expriment dans tous les aspects concernés par les OMD. 51% des personnes vivant dans les campagnes sont analphabètes contre 27% en milieu urbain. L’accès aux soins est aussi très difficile pour les familles des villages les plus reculés, de sorte que les femmes y accouchent majoritairement sans aide médicale. Dans les campagnes, elles meurent donc deux fois plus en couche qu’en ville. Le taux de mortalité des moins de 5 ans est lui aussi de 35 pour mille naissances contre 25 pour mille en milieu urbain.
3 femmes rurales sur 4 travaillent sans être payées
«L’impact du développement économique du pays sur l’ascension sociale des individus est beaucoup plus fort dans le milieu urbain que rural et beaucoup plus fort pour les hommes que pour les femmes », a insisté Ahmed Lahlimi Alami. Selon l’aspect que l’on prend en considération pour analyser l’amélioration de la situation des femmes au Maroc, les données statistiques du HCP montreraient plutôt un recul. Le taux de féminisation de la population active était ainsi de 28% en 1999 contre 26% en 2012.
Les inégalités se succèdent dans la progression des femmes. «Elles n’ont pas les mêmes chances que les hommes d’accéder à l’éducation, et quand elles y ont accès elles ont moins de chance d’accéder à un travail qu’un homme et plus elles accèdent à un niveau d’étude élevé, plus leur taux de chômage est supérieur à celui des hommes. Quand enfin, elles ont un travail, elles sont moins bien rémunérées, à travail égal, qu’un homme», analyse le Haut commissaire au Plan.
Les inégalités se cumulent aussi. Les femmes qui vivent dans le monde rural souffrent à la fois du handicap d’être femme et de vivre dans une région reculée. «Les femmes rurales constituent une réserve importante de main d’œuvre gratuite pour la famille puisque près de trois femmes sur quatre travaillent sans être rémunérées, alors que cette proportion est d’un homme sur quatre», souligne ainsi le rapport des Nations Unies au Maroc.