Menu

Grand Angle

Travail des mineurs : un drame marocain à l'aube du 3ème millénaire

Ils ont moins de 14 ans et pourtant ils vivent déjà dans le monde des « grands ». Ces petits mécaniciens, maroquiniers, soudeurs, vendeurs, laveurs de vitres, menuisiers ou domestiques travaillent aussi dur que les adultes, des fois plus longtemps et sont souvent très mal payés. Quelles sont leurs conditions ? Le système fournit-il vraiment assez d’efforts pour protéger ces victimes des carnassiers du capitalisme ? Et qu’en disent les ministères concernés?
Publié
DR
Temps de lecture: 3'
Les chiffres sont accablants. Selon une enquête réalisée en 2000, 600 000 mineurs entre 8 et 14 ans ont abandonné le chemin de l’école pour emprunter celui des commerces. Soit 11% du nombre total des enfants marocains du même âge. Ces mineurs font partis des 211 millions d’enfants âgés de 5 à 14 ans qui pratiquent une activité professionnelle dans le monde, dont 184 millions d’entre eux exercent une profession considérée comme pire forme du travail, les privant de leur dignité et portant atteinte à leur développement physique et psychologique. La prostitution, le travail dans les mines ou encore dans l’armée figurent parmi la liste de ces activités !
Ces prématurés du travail viennent pour la plupart des milieux défavorisés, orphelins, de familles nombreuses ou nés de parents au chômage, ils habitent souvent en périphérie des zones urbaines très actives ou dans des quartiers populaires insécurisés et sont en règle général, des ouvriers, maçons, bagagistes, porteurs, gardiens, domestiques, adhèrent parfois à des réseaux de prostitution…etc.
Certains d’entre eux, commencent à un âge inférieur à 10 ans!

Le Maroc, en adoptant la Convention International des droits de l’enfant, s’engage à créer des lois interdisant l’exploitation des mineurs. Selon le Code du travail, les mineurs ne peuvent être employés ni être admis dans les entreprises ou chez les employeurs avant l’âge de 15 ans révolus, annonce l’article 143.
L’article qui suit donne le droit à l’agent chargé de l’inspection du travail d’ordonner le renvoi des mineurs et des salariés handicapés de leur travail.
En cas d’infraction, la loi punit les employeurs d’une amende allant de 25 000 à 30 000 dirhams. Et la récidive est passible d’un amende portée au double et d’un emprisonnement de 6 jours à 3 mois, ou de l’une des deux peines seulement.

A croire les textes de loi, les cas de mineurs exploités devraient être quasi inexistants.
«Le phénomène persiste malgré les inspections régulières que fait le corps inspectoral. Il est surtout très présent dans les villes à forte activité artisanale, comme Fez, Meknès et Marrakech. Lorsqu’on reçoit une information concernant un mineur exerçant une activité professionnelle, on contacte l’employeur et le mineur est renvoyé sur le champ. Et comme l’indique le code du travail, les peines vont des amendes jusqu’à l’emprisonnement. », déclare un responsable de la délégation du ministère de l’emploi de Casablanca Anfa.
« Les parents jouent également un rôle dans cette lutte. Au cas où le mineur de moins de 18 ans est employé dans certains milieux tels que les spectacles de rue ou en tant que comédien, l’employeur doit se procurer une autorisation parentale. Mais si l’inspection révèle que le travail pratiqué par l’enfant dépasse ses capacités physiques ou nuit à son développement, il est aussitôt renvoyé. », rajoute-t-il.
Pourtant, aucune loi ne punit les parents des mineurs de moins de 15 ans exploités par leurs patrons. Certains enfants déclarent que leur père est au chômage et qu’ils doivent, malgré leur très jeune âge, subvenir avec leurs frères et sœurs aux besoins de la famille.
Si les délégations se déclarent dépassées par le phénomène, doit-on pour autant abandonner avec lâcheté ces enfants exploités où les employeurs et les parents échappent à la loi ?

Adieu à l’insignifiante aide sociale ?

Continuons. Alors que la plupart des pays développés consacrent une part importante de leur PIB afin d’accorder une allocation aux parents pour assurer une scolarisation convenables à leurs enfants, le Maroc se contente du 125éme rang pour le développement économique et social. La France, à titre d’exemple, dépense environ 30% de son PIB pour les prestations sociales : diverses allocations, chômage, RMI (Revenu Minimum d’Insertion), rentrée scolaire (fixée à 268 euros par enfant scolarisé)...etc. Le Maroc, et jusqu’à ces dernières années, consacrait moins de 10% de son PIB!
Pis encore. Le système de la CNSS ne concerne que les marocains salariés et leurs familles.
Ayant constaté le dysfonctionnement, l’Etat a lancé en 2005 le projet INDH, L’Initiative National au Développement Humain, qui vise à la réduction de la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale.
« L’Etat consacre aujourd’hui environ 50% de son PIB dans le secteur social, tel que la santé, l’éducation et le développement humain », déclare un des fonctionnaires du Ministère du Développement Social, de la Famille et de la Solidarité. « L’Etat avait décidé de changer d’approche, en augmentation le budget des services sociaux. Il a été modifié juste avant le lancement de l’INDH ».
Avec un gros budget et un tel projet, le secteur social marocain devrait connaître un bond en avant. Espérons-le!
Lois et réformes sociales à revoir…
Ces mineurs exploités qui devront abandonner les machines à souder pour les cartables, sont protégés par la loi. Selon les textes relatifs à l’obligation de l’enseignement fondamental, l’Etat s’engage à assurer un enseignement gratuit aux enfants âgés de 6 à 15 ans. Les officiers de l’Etat sont chargés de la vérification de la liste des enfants inscrits dans les écoles.
Sans revenus et sans aucune aide sociale de la part de l’Etat, les parents les plus démunis, sans aucun revenu, encourent une peine passible d’une amende allant de 120 à 800 dirhams… Une somme qui pourrait donc être inférieure au montant suffisant à la scolarisation d’un enfant dans le secteur d’enseignement public.

Soyez le premier à donner votre avis...
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com