Et si la laïcité s’appliquait également dans l’entreprise privée ? En France, le patron de la société Paprec, spécialisée dans le recyclage et la valorisation des déchets, l’a fait. Soutenu par ses 4 000 employés, Jean-Luc Petithuguenin vient, en effet, de faire adopter une «charte de la laïcité» qui interdit le port de signes religieux dans son entreprise. Un acte «militant» selon lui, qui fait également suite à l’affaire controversée de la crèche «Baby Loup», où une employée voilée s’était vue licenciée.
«J'applique le modèle qui prévaut dans la sphère publique et je l'applique à l'entreprise. J'applique le modèle de la République», a déclaré Jean-Luc Petithuguenin lors d'un entretien avec l’AFP.
Flou juridique
Selon lui, l’entrée en vigueur de cette charte va être officialisée ce mardi 11 février. Le texte, composé de huit articles au total, reprend entre autres le «devoir de neutralité» religieuse en application déjà dans la sphère publique. Il souligne aussi que «le port de signes ou tenues par lesquels les collaborateurs manifestent ostensiblement une appartenance religieuse n'est pas autorisé». Cette initiative voulue par Jean-Luc Petithuguenin risque, toutefois, de se heurter au flou juridique entourant le fait religieux dans l’entreprise privée.
«S'il s'agit de reconnaître que c'est militant, la réponse est oui», assume le patron, toujours cité par l’AFP. «On compte défendre notre point de vue, défendre qu'on l'a votée tous ensemble. Mais effectivement, on prend le risque que les tribunaux nous disent vous avez tort», a-t-il cependant reconnu. «Je suis prêt à endosser ce risque et j'espère pour mon pays que je ne serai pas condamné, qu'on verra une évolution et que le législateur fera peut-être bouger les lignes», a-t-il ajouté.
Pour une «République pacifiée»
Jean-Luc Petithuguenin précise également qu’il est loin de tout mouvement nationaliste ou d’extrême droite. « Il est bien connu que je suis un militant antiraciste, pas un militant d'extrême droite», souligne-t-il. «La laïcité, durablement, c'est un atout formidable pour promouvoir la diversité, même si, en instantané, on va peut-être avoir des gens qui vont trouver ceci ou cela», a fait valoir le PDG.
«Je vois très bien que si on laisse dériver les choses, les antagonismes vont monter. Or, ce pays de la défiance, de la montée des intégrismes et de l'extrême droite, je n'en veux pas. Je veux une République pacifiée, des gens qui vivent ensemble et qui se respectent. Et ce n'est pas un petit sujet, c'est un vrai sujet», poursuit-il. Et de trancher : «L'essentiel des patrons est sur une position qui est : évitons d'en parler, il n'y a pas de vrai sujet en France et que chacun se débrouille dans son coin. Moi, je ne le pense pas».
Selon Le Monde, 52 nationalités coexistent dans cette société basée en Seine-Saint-Denis. Bien que ses 4 000 employés soutiennent à priori cette initiative, rien n’exclut d’éventuels litiges juridiques si l’un d’eux change d’avis.