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Grand Angle

Le Journal Hebdomadaire : casse-tête du Makhzen ?

La question mérite d'être posée, surtout au vu des dernières péripéties auxquelles l'opinion marocaine a assisté entre ce journal et les pouvoirs publics ces derniers temps.
Publié
L'affaire remonte en effet au 3 décembre 2005, lorsque l'hebdomadaire de Boubker Jamaiï publiait un dossier mettant en cause l'objectivité d'une étude critique sur le Polisario, effectuée par un institut bruxellois, le Centre Européen de Recherche, d'Analyse et de Conseil en matière Stratégique (ESISC), piloté par Claude Moniquet. Etude que le journal avait soupçonnée d'être « téléguidée » par Rabat. La réaction dudit cabinet ne s'est pas fait attendre : il intente un procès contre l'hebdomadaire casablancais. Ainsi, le 26 janvier dernier, un procès est ouvert au Tribunal de première instance de Rabat ; procès qui allait aboutir, le 16 février, à la condamnation du journal à verser…3 millions de dirhams à l'ESISC. Vingt quatre heures avant, le 15 février, un sit-in se tenait devant le siège de l'hebdomadaire à Casablanca, suivi par ce que d'aucuns ont qualifié de « lynchage médiatique » de la part de 2M, de la TVM et de la MAP. Motif ? Il aurait repris de une image d’un lecteur de France Soir avec sur la couverture les caricatures du Prophète. Une partie de la presse nationale à l'instar du quotidien Al Ahdath Al Maghribia a vite réagi à cette manifestation qu'elle dit « préfabriquée », se fondant sur l'immatriculation « j » (caractéristique des communes) des minibus qui auraient acheminé les manifestants. Un motif pour que le Journal Hebdomadaire se déchaîne sur le makhzen qu'il qualifie de « voyou », dans son édition du 18 février. Au moment où nous écrivons ces lignes, nous n'avons pas encore pris connaissance d'un quelconque démenti de l'Etat dégageant son immixtion dans cette affaire.

Alors, s'il s'avère que le makhzen a bel et bien commandité ce sit-in, recruté des manifestants moyennant des récompenses comme le journal et la presse « indépendante » le prétendent, quels peuvent être les soubassements d'une telle cabale ? Pour certains observateurs, l'affaire du rapport de l'ESISC « téléguidé » par Rabat selon l'hebdomadaire de Jamaï, serait la goutte d'eau qui a fait déborder le vase… En effet, pour étayer leur thèse, ils exhument les interviews accordées en 2000, par le journal, au chef du Polisario Mohamed Abdoulaziz, celle faite auparavant avec Benyamin Netannyahou de l'aile droite du Likoud en 1999, et les récentes ouvertures des colonnes du journal à l'ancien ministre de l'intérieur, Driss Basri et à Nadia Yassine « la bannie » et la « félonne », et tant d'autres « dérapages » qui seraient perçus par l'Etat marocain comme un pied de nez, une défiance à son égard.

Pour d'autres cependant, cette initiative makhzénienne d'appel à la vindicte publique contre le journal, s'il s'avérait, est très dangereuse et constitue un précédent dans l'histoire récente du royaume, que c'est par ailleurs une position indéfendable ; car c'est le makhzen qui est garant de la sécurité de tous les Marocains. Et que s'il y a dérapage de la part d'un journal, d'un citoyen tout court, la justice est là pour punir les fautifs et rétablir les lésés dans leur droit. En plus, estiment d'autres analystes, en réagissant ainsi, le makhzen met le Journal Hebdomadaire dans une position défensive ; et lui attire par la même occasion le soutien et la sympathie de même ceux qui ne portent pas dans leur cœur sa ligne éditoriale : « Le makhzen est naïf. Il a fait de Lmrabet un paladin au même titre que Bob Woodward, le héros du ''Watergate''! Il fait la même chose aujourd'hui encore », nous confiait l'un d'eux.

En tout cas, ce qu'il faut retenir dans cette affaire est que de plus en plus de personnalités de la société civile marocaine et des étrangers expriment leur solidarité au journal dont ils disent qu'il n'y avait pas de quoi fouetter un chat, les images étant ''floutées'' à l'encre. Que le makhzen a péché dans sa démarche…
Pour le dernier point, personne n'en disconvient ; tout le monde doit soutenir l'hebdomadaire… Mais en ce qui concerne les photos objet du ''délit'', c'est le lecteur qui doit se plaindre : le journal a violé la clause qui le lie a ce dernier. En effet, il fallait soit publier les images et en assumer les conséquences, soit ne pas les publier. Car, pour informer, il faut le faire de manière complète et non donner une information caviardée. Ce sont les articles 3 de la déclaration de la Fédération Internationale des Journalistes et celle de Munich qui le recommandent.
En attendant, entre le journal et l'Etat, le pugilat est déclaré. Qui en sortira vainqueur ? Laissons le temps au temps.

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