C’est l’un des sujets dont toute la presse italienne parle depuis ce week-end. Cinq immigrés Marocains et quatre autres Tunisiens détenus au centre d'identification et d'expulsion (CIE) de Ponte Galeria (sud-ouest de Rome) se sont cousus les lèvres samedi pour protester contre leurs conditions de détentions jugées «intolérables».
Selon les explications de Filiberto Zaratti, un parlementaire du parti d'opposition Gauche, écologie et liberté (SEL) qui s’est rendu sur les lieux, ces immigrés ce sont servis d’une aiguille improvisée à partir d’un briquet et de fils constitués à partir de leur drap. Ils se sont cousu le milieu des lèvres en un seul point.
Traités «comme des animaux»
«Ils nous traitent comme des animaux», déclare à La Repubblica Mohamed, Marocain de 44 ans, l'un des organisateurs de la manifestation détenu au CIE de Ponte Galeria depuis maintenant trois mois. D’après ses déclarations, les immigrés dorment à même le sol sur du papier ou des serviettes. Et comme si cela ne suffisait pas, ils ne peuvent pas avoir une hygiène corporelle convenable, car les douches «sont vieilles et ne fonctionnent pas».
«C’est inacceptable», dénonce le quadragénaire avant d’ajouter qu’ils sont «frustrés et cela doit cesser». «Avec moi, il y a beaucoup d'autres personnes, de nombreux réfugiés, sans-papiers, les vendeurs de rue et les gens qui n'ont commis aucun crime», indique-t-il sans préciser les raisons qui l’ont personnellement conduit dans ce centre après 20 ans de résidence en Italie.
«Forme sévère et dramatique de protestation»
Samedi, certaines autorités italiennes se sont rendues sur les lieux pour voir d’elles-mêmes la situation. Selon l’adjoint au maire, Luigi Nieri, les conditions de détention dans lesquelles les migrants vivent dans le CIE de Ponte Galeria «sont inacceptables».
Un point de vue entièrement partagé par Luigi Manconi, président de la Commission extraordinaire pour la protection des droits de l’homme du sénat. Estimant toutefois que cette manifestation est une «forme sévère et dramatique de protestation», il a appelé les migrants Marocains et Tunisiens – au nom de la commission – à «arrêter cet acte extrême, mais ils ne vont pas l'arrêter».
«Des endroits pareils ne devraient pas exister dans un pays civilisé»
Il faut dire que cette manifestation intervient en plein débat sur l’immigration autour de la loi Bossi-Fini jugée «répressive et inefficace». Un débat qui a pris d’autres proportions, la semaine dernière, avec la diffusion d’une vidéo montrant les migrants se faire asperger, nus et dans le froid, un traitement contre la gale, à Lampedusa. De nombreux politiques et organisations de défense des droits de l’homme sont montés au créneau, dénonçant le traitement infligé aux immigrés dans les CIE.
Le Parti démocrate est l’une des formations politiques les plus opposées à ces pratiques. Son président, John Cuperlo, s’est dit outré et choqué après avoir visité le CIE de Ponte Galeria. Ces centres «sont des endroits qui ne devraient tout simplement pas exister dans un pays civilisé. Ils sont structurellement inadaptées et dommageables pour la dignité des femmes et des hommes en détention administrative», a-t-il déclaré.