Pendant la période des fêtes, les huîtres d’élevage local sont devenues un incontournable des dîners de Noël ou du Nouvel an au Maroc, tant pour les consommateurs nationaux que pour les touristes. Dégustées fraîches et crues avec du citron, cuites au four, grillées, gratinées ou dans un tajine, ces coquillages sont cultivés sur la côte atlantique.
Deux localités du pays arborent fièrement la spécialité de l’ostréiculture : Oualidia, dans la région de Casablanca-Settat, et Dakhla, la presqu’île atlantique du sud du Maroc. Cette dernière concentre 80% de la production nationale, ce qui lui a valu le nom de «capitale africaine de l’huître», selon l’Office national marocain de tourisme (ONMT). Avec ses sept parcs ostréicoles et une production annuelle de 37 tonnes, la lagune d’Oualidia est considérée comme le coeur battant de la filière.
Les huîtres de Dakhla, une récolte tout au long de l'année
Ahmed Guida, entrepreneur et membre de la chambre de pêches, est l’un des premiers conchyliculteurs de la région. Contacté par Yabiladi, il explique que la demande locale a considérablement augmenté ces derniers temps, notamment pendant la période des fêtes de fin d’année.
«La demande en huîtres de Dakhla est devenue un phénomène annuel, notamment au cours des deux dernières années, 2023 et 2024. Les producteurs et les restaurateurs se préparent pour la période de Noël et du Nouvel an, mais la demande reste constante tout au long de l’année», affirme-t-il fièrement.
Une ferme ostréicole à Dakhla / DR
Guida, propriétaire de trois fermes conchylicoles à Dakhla, a vécu l'importante progression de la production ces dernières années. «Avant, il y avait peu d’entreprises qui géraient la demande d’huîtres et elles étaient débordées», explique-t-il. Mais aujourd’hui, «avec le nombre croissant d’opérateurs et de fermes ostréicoles, la situation est devenue plus gérable».
Propriétaire de Talha Mar, un restaurant où il sert sa récolte, Guida a été l’un des premiers à développer des productions d’huîtres à destination du marché de la région. Il a démarré sa ferme ostréicole en 2007, tout en ayant eu du mal à vendre sa récolte.
«Au début, je ne trouvais pas d’acheteurs, alors j’ai commencé à vendre moi-même, en cuisinant des huîtres, en les vendant grillées ou en tajines, et en les faisant découvrir aux gens», nous dit-il. Au fur et à mesure que son entreprise s’est développée, de plus en plus de personnes sont venues découvrir les mets savoureux à base de coquillage, que l’on peut préparer et manger. Depuis, le succès ne s'est jamais démenti.
Avec l’ambition d’exporter sa récolte vers d’autres régions du pays, Guida dit produire en moyenne 120 tonnes d’huîtres par an. Entre ses fermes et son restaurant, son investissement a permis de créer 35 emplois directs.
«En plus, je crée d’autres emplois indirects, principalement dans le secteur de la restauration, comme l’embauche de femmes qui travaillent à domicile. Elles sont chargées d’éplucher l’ail, de préparer des sauces et de moudre des herbes», a-t-il expliqué.
Des huîtres stériles pour une meilleure production
Dakhla a bien un secret faisant d’elle un bassin fertile pour l’ostréiculture au Maroc. Selon l’ONMT, la baie est «particulièrement propice au développement» des coquillages. «L’eau salée riche en phytoplancton dont se nourrissent les huîtres» favorise l’épanouissement de ces êtres marins.
«A Dakhla, contrairement à d’autres régions du pays, les huîtres peuvent être consommées toute l’année. Cela s’explique par le fait que nous élevons une espèce appelée huître triploïde», précise Guida. Ces variétés grossissent facilement, elles possèdent trois jeux de chromosomes et sont stériles.
«Les huîtres triploïdes sont stériles car lorsque qu’elles pondent des œufs, la substance laiteuse libérée pendant ce processus naturel commence à couler et ruine la production, rendant les huîtres impropres à la consommation», a-t-il expliqué.
Il existe cependant quelques exceptions. La production peut être arrêtée en raison d’un contrôle des autorités, notamment de l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA). «Cela arrive quand il pleut, car les bactéries entraînés par la pluie peuvent nuire aux huîtres», explique l’ostréiculteur de Dakhla.
«Parfois, quand il n’y a pas de vent et qu’il y a beaucoup de soleil, le plancton – des organismes transportés par les marées et les courants qui ne savent pas nager suffisamment pour se déplacer contre ces forces – peut rester coincé et commencer à se reproduire, atteignant une concentration dans l’eau qui peut être nocive pour les huîtres. Ce phénomène est appelé marée rouge», a-t-il ajouté.
Par rapport à leurs concurrentes de Oualidia, les huîtres de Dakhla bénéficient du soleil. «Notre région est plus ensoleillée, donc les huîtres croissent beaucoup plus», explique Guida. Contrairement à Oualidia, où les coquillages mettent plus de temps à grandir – parfois jusqu’à un an et neuf mois – à Dakhla, ces créatures à coquille atteignent le calibre commercialisé ou de récolte en neuf mois.
Le séchage est également une étape importante dans la production, selon Guida, car il peut faire la différence en termes de goût. «Les éleveurs sèchent très bien les huîtres au soleil, ce qui contribue à épaissir le corps et les muscles de ces huîtres, les rendant plus savoureuses et plus sucrées», a-t-il souligné.
Des eaux froides pour des huîtres plus savoureuses
Mais à Oualidia, c’est plutôt la basse température de l’eau qui favorise la prospérité des huîtres, explique à Yabiladi, Hicham Rehhab, du restaurant de l’hôtel L’Hippocampe et fin connaisseur de coquillages.
«Les jeunes huîtres, qui ont au départ la taille d’une lentille, sont d’abord élevées à Dakhla. Une fois qu’elles ont grandi un peu et ne sont plus aussi fragiles, elles sont amenées à Oualidia», précise Rehhab. «On peut même dire que la culture des huîtres est répartie entre Dakhla et Oualidia», a-t-il ajouté.
Oualidia reste le centre névralgique du nord du Maroc pour les amateurs d’huîtres. La plupart des visiteurs du village de pêcheur s’y rendent pour savourer les fruits de mer locaux, en particulier les huîtres. Pour le dîner de Noël ou de la Saint-Sylvestre, ces spécialités sont très appréciées. «Dans notre restaurant, les gens préfèrent les commander crues, mais il arrive que les clients les aiment gratinées», remarque Rehhab.
Actuellement, le restaurant de Rehhab propose six huîtres gratinées à 120 dirhams, tandis que six crues sont à 100 dirhams. Quelle que soit la période des fêtes, les visiteurs de Oualidia en sont toujours friands. «Le week-end, on voit beaucoup de gens venir passer la journée à Oualidia, surtout depuis que nous avons l’autoroute Casa-Safi», conclut Rehhab.
Pour les amateurs d’huîtres, sachez que Oualidia organise un festival dédié. Si vous prévoyez de visiter la région en été, vous découvrirez cet événement annuel en juillet ou en août. En plus de promouvoir l’aquaculture et l’ostréiculture, ce rendez-vous périodique comprend également des soirées de danse et de chant folkloriques, détaille l’ONMT.
Si vous vous dirigez vers le sud, à Dakhla, vous pourrez visiter les parcs à huîtres où elles sont produites. Les huîtres fraîchement récoltées peuvent être dégustée sur place, les pieds dans l’eau.