Menu

Grand Angle

Sahara-CIA Files #24 : Quand l’armée marocaine voulait bombarder les bastions du Polisario à Tindouf

À la fin des années soixante-dix, certains dirigeants de l'armée marocaine ont tenté de persuader Hassan II de cibler les bastions du Polisario à Tindouf, mais il a refusé. À cette époque, les forces marocaines ont pénétré sur les territoires algériens sans rencontrer de résistance, selon un document de la CIA.

Publié
DR
Temps de lecture: 3'

À la fin des années 1970, des appels lancés au sein de l'armée marocaine proposaient pour bombarder les sites du Polisario à l'intérieur du territoire algérien, selon un document de la Central Intelligence Agency daté du 30 juin 1978, déclassifié le 20 décembre 2016. Ces vélléités guerrières sont venues en réponse à l'envoi par l'Algérie de nombreux soldats à Tindouf et au déploiement des avions de chasse MiG-15 et MiG-17 à l'aéroport de la ville.

«Des rapports indiquent un mouvement croissant au sein de l'institution militaire marocaine appelant à des frappes directes contre les positions du Front Polisario en Algérie, au risque de déclencher une guerre.»

Rapport de la CIA déclassifié

Le même document indiquait «au cours des derniers mois, l'armée marocaine a participé à des opérations de ratissage à grande échelle, en utilisant des unités plus petites pour patrouiller, en créant des compagnies d'autochtones sahraouis et en participant à des opérations coordonnées de recherche et de destruction».

Même si cela n'a pas permis d’identifier et d’éliminer des poches de guérilla, cela a réduit le risque que les forces marocaines soient exposées aux attaques du Polisario. Le document précise qu’il y avait «des indications selon lesquelles des patrouilles marocaines se faisant passer pour des forces irrégulières ont traversé la frontière, avec l’intention de poser des mines sur les routes utilisées par le Front Polisario pour infiltrer le Maroc».

Le document prévient que cette tactique, si elle est utilisée régulièrement, augmenterait la possibilité de susciter une réponse militaire algérienne. «Mais l'Algérie n'a pas encore répondu verbalement ou militairement, ce qui indique que les Marocains évitent soigneusement les pénétrations profondes ou les confrontations directes.»

Hassan II refuse d'élargir le champ de la guerre

Dans son analyse, la CIA déclarait que Hassan II n'écouterait pas les appels à une intervention militaire à l'intérieur de l'Algérie car, en cas de défaite, cela pourrait conduire à «perdre son trône.» De plus, Hassan II et ses principaux conseillers reconnaissaient qu'une action militaire ouverte contre l'Algérie «saperait le soutien diplomatique que le Maroc a obtenu difficilement dans les forums internationaux, en particulier dans le monde arabe».

Concernant l'Algérie, le document indique que les dirigeants du pays réitèrent qu'ils ne revendiquent pas le Sahara occidental, rendant «difficile de justifier l'initiation d'hostilités avec le Maroc à l'intérieur et à l'extérieur.» Cependant, les Algériens «répondront s'ils sont provoqués par les Marocains avec des raids militaires conventionnels».

Aussi, des considérations internes s'opposaient au désir de Boumediene de pousser le conflit avec le Maroc au point de confrontation militaire ouverte. «Certains de ses principaux conseillers ont critiqué sa gestion de la question du Sahara, et ils s'opposeraient certainement à une action militaire directe contre le Maroc.» De plus, «beaucoup de soldats algériens ne sont probablement pas enclins à jouer un rôle déterminant dans un conflit qu'ils ne considèrent pas comme le leur.»

En outre, la CIA a affirmé que bien que l'Algérie, principal sponsor du front, soit engagée à soutenir le Polisario politiquement et à fournir suffisamment d'armes, de matériel et de formation pour l'activité de guérilla, «il n'y a eu aucune preuve indiquant que des unités militaires algériennes aient participé à l'activité du Polisario en dehors de l'Algérie depuis les affrontements d'Amgala au début de 1976».

Scénario de confrontation militaire

Le document donne une lecture du déroulement des affrontements en cas d'éclatement d'une guerre entre les deux pays, estimant que le terrain accidenté empêcherait toute partie de gagner, et soulignant le coût économique élevé d'une guerre prolongée.

Concernant l'armée algérienne, le document précise que dans la région frontalière nord maroco-algérienne, «il n'y a qu'une seule route commode pour atteindre le Maroc». Mais à l'ouest de Taza, le terrain devient plus accidenté, avec des collines abruptes, des pentes montagneuses et des vallées étroites entravant le mouvement des troupes. Et dans les plaines vallonnées et les zones montagneuses dispersées au sud d’Oujda, il n’y a pas de routes principales pour avancer de l’Algérie vers les sites stratégiques marocains.

«Pour se déplacer vers l’ouest, il faut traverser la chaîne de montagnes accidentées de l’Atlas. Les routes qui traversent la région sont étroites et sinueuses, et les forces seront limitées à une seule route qui peut être facilement interceptée.»

En revanche, «les zones stratégiques en Algérie sont beaucoup plus proches de la frontière que celles au Maroc». Mais les forces marocaines «devront se déplacer sur un terrain difficile» pour rejoindre soit le port d’Oran, soit l’usine de gaz naturel liquéfié d’Arzew.

De l’autre côté de Tindouf, la circulation des soldats marocains ne rencontrera pas d’obstacles majeurs sur une distance limitée. «Cependant, les mouvements à l’intérieur et à l’extérieur de cette zone seront entravés par le terrain accidenté adjacent, en particulier du côté marocain.»

Soyez le premier à donner votre avis...
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com