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Grand Angle

Histoire : Quand le Maroc a miraculeusement échappé à l’explosion d’une bombe à hydrogène

En 1958, le Maroc a évité in extremis l’explosion d’une bombe à hydrogène américaine à Sidi Slimane. La base militaire de la ville a été évacuée, tandis que les membres du personnel ont fui vers le Sahara, avec leurs familles, laissant derrière eux les flammes dévastatrices de ce qui aurait pu devenir une déflagration géante. Par miracle, le pays nouvellement indépendant a échappé à l’impact d’une détonation qui aurait pu faire des centaines de milliers de victimes.

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Dans le contexte de la Guerre froide, les Etats-Unis d’Amérique ont eu recours à la diffusion de leurs armes nucléaires dans différentes régions du monde, afin de les rapprocher de l’Union soviétique (URSS) et de ses sphères d’influence. Le Maroc des années 1950 n’a pas fait exception. En 1951, le Protectorat français a accordé aux Etats-Unis le droit d’établir des bases militaires dans le royaume. Washington a ainsi mis en place quatre sites, dont certains ont constitué aussi des lieux de stockage des armes nucléaires, à l’insu de la France.

Dans son ouvrage «Command and Control», le journaliste et écrivain américain Eric Schlosser souligne que la bombe à hydrogène Mark 36 a fait partie des armes stockées au Maroc. Pesant 10 mégatonnes et considérée à l’époque comme l’arsenal le plus puissant des Etats-Unis, cette bombe est une arme de transition, combinant d’anciennes et de nouvelles technologies, constituée notamment les batteries thermiques et d’un noyau rechargeable. Dès que sa tête touche le sol, ses cristaux piézoélectriques se déforment, explosent et provoquent ainsi un grand cratère, avec un impact extrêmement destructeur.

La bombe nucléaire a hydrogène Mark 36La bombe nucléaire a hydrogène Mark 36

Un accident survenu sur la piste de la base militaire

Deux ans après l’indépendance du Maroc (1956), exactement le 31 janvier 1958, le bombardier américain B-47 Stratojet a été mis en marche sur la piste d’une base aérienne de la ville de Sidi Slimane, près de Kénitra. L’avion a effectué des manœuvres militaires en situation réelle, en alerte au sol mais avec l’ordre de ne pas décoller, vu qu’il porte la bombe Mark 36. Roulant sur la piste, le B-47 a atteint la vitesse d’environ 20 milles à l’heure, lorsque l’un de ses pneus arrière a soudainement explosé. L’incendie déclaré en conséquence s’est rapidement propagé au fuselage. L’équipage s’en est sorti indemne, mais le bombardier s’est brisé en deux parties. En peu de temps, il a été complètement englouti par les flammes, laissant impuissants les membres de l’armée sur place.

Les pompiers sont intervenus en jetant de l’eau sur l’épave en feu pendant 10 minutes, puis se sont retirés. Les flammes ont atteint la bombe et le commandant en chef à Sidi Slimane a ordonné l’évacuation immédiate de la base. Des véhicules chargés de pilotes et de leurs familles se sont précipités vers l’extérieur du site, en direction du Sahara, craignant une catastrophe nucléaire. Le carnage s’est poursuivi pendant deux heures et demie et l’explosif brisant du Mark 36 a brûlé, mais n’a pas explosé. La bombe à hydrogène et des parties du bombardier B-47 ont été fusionnées en «une dalle de scories pesant environ 8 000 livres, sur près 6 à 8 pieds de large sur 12 à 15 pieds de long, ainsi que 10 à 12 pouces d’épaisseur», a encore noté Eric Schlosser dans son ouvrage.

La base militaire de Sidi SlimaneLa base militaire de Sidi Slimane

C’est à l’aide d’un marteau-piqueur que le matériau en fusion a été brisé en petits morceaux, mis dans des cargaisons et enterré près de la piste. Faute d’équipements appropriés à ce moment-là, les services de la base de Sidi Slimane n’ont pas pu mesurer les niveaux de diffusion et de propagation des particules dangereuses au niveau du périmètre du site. L’armée de l’air américaine a publié un communiqué de presse, soulignant simplement que l’incendie n’avait entraîné «ni une explosion d’arme, ni une radiation, ni tout autre incident inattendu». Le Département américain des affaires étrangères s’est distancié de cette sortie, considérant qu’elle ferait office d’une dissimulation d’informations.

La fin des bases militaires étrangères au Maroc

Lors d’une réunion sur les informations diffusables à ce sujet, selon le même ouvrage, un responsable du Département d’Etat américain a déclaré que «moins l’incident du Maroc est évoqué, mieux c’est». D’après lui, cet évènement pourrait être exploité par la «propagande soviétique et créer une anxiété inutile en Europe». Le Département de la défense a approuvé le caractère confidentiel qui entoure désormais les faits, tout en tenant en revanche le roi Mohammed V informé.

Deux semaines plus tard, le Département américain de la défense et l’Agence internationale de l’énergie atomique ont publié une déclaration conjointe sur la sécurité de l’armement. «En réponse aux demandes de renseignements sur les risques pouvant être associés au mouvement des armes nucléaires, nous pouvons affirmer que la possibilité d’une explosion nucléaire accidentelle est très faible, voire très négligeable», a-t-on assuré.

Photo d'illustration / DR.Photo d'illustration / DR.

Le 2 février 1958, la nouvelle sur une explosion nucléaire évitée de justesse au Maroc et qui aurait causé la mort de centaines de milliers de personne est parvenue au New York Times. Le journal américain a alors publié un bref article, intitulé «H-Bomb Danger Denied; Burning of B-47 at U. S. Base in Morocco Causes Stir» (Déni du danger de bombe H ; L’incendie d’un B-47 sur une base américaine au Maroc fait sensation).

A la suite et des faits et au vu de la dimension que ces derniers ont commencé à prendre, la pression du Maroc a eu comme résultat le lancement de l’évacuation définitive des bases militaires étrangères sur l’ensemble du territoire national. A l’automne 1963, les Etats-Unis d’Amérique ont fermé leurs dernières bases aériennes dans le royaume.

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