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Grand Angle

Maroc : La lutte contre la traite des enfants renforcée par un guide destiné aux intervenants

La présidence du Ministère public a présenté un Guide des indicateurs d’identification des enfants victimes de traite des êtres humains au Maroc. Il s’agit ainsi de mettre un document d’orientations à la disposition des différents intervenants dans la lutte contre ces pratiques, dans les secteurs de la justice, de la sécurité, des institutions ou de la société civile, de manière à mieux reconnaître et accompagner les victimes.

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Photo d'illustration / DR.
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Juges, magistrats, services de la sûreté nationale ou de la gendarmerie, mais aussi acteurs gouvernementaux et de la société civile ont désormais à leur disposition un Guide pratique sur les indicateurs d’indentification des enfants victimes de traite des êtres humains. Elaborée par le Ministère public, en collaboration avec le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), cette publication analyse les différentes formes d’exploitation auxquelles les mineurs sont plus souvent exposés, tout en fournissant des références aux pratiques pour le traitement de chacun des cas, conformément aux dispositions juridiques internationales en la matière, ainsi que la loi 27.14.

Consultée par Yabiladi, cette publication souligne que le crime de la traite des êtres humains se caractérise en effet par «le ciblage de catégories vulnérables, notamment les femmes et les enfants, ce qui a incité la communauté internationale à adopter le deuxième Protocole additionnel de la Convention des Nations unies contre la criminalité transfrontalière organisée, en accordant à cette catégorie la protection nécessaire», dit «protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants».

Les indicateurs permettant aux différents acteurs et intervenants d’identifier les enfants victimes pour leur porter assistance et les protéger montrent que ces mineurs font l’objet de nombreuses formes d’exploitation. La publication note que la pédopornographie ou l’exploitation sexuelle reste l’une des principales pratiques criminelles, suivie du travail forcé, «par l’esclavage ou par des pratiques analogues à l’esclavage», de la mendicité, puis du prélèvement d’organes, de tissus humains et de leur vente ou de la réalisation d’expériences et de recherches médicales.

La pédopornographie, le travail forcé et la mendicité, cas saillants de l’exploitation

S’agissant de l’exploitation sexuelle, le Ministère public retient que les victimes peuvent être identifiables par des attitudes en déphasage avec leur âge par rapport aux autres enfants, l’impossibilité de prendre contact avec des parents ou des proches, des connaissances limitées de la langue du pays où ils se trouvent, s’ils viennent d’ailleurs, mais une maîtrise globale du vocabulaire lié à la sexualité, la possession de plusieurs téléphones et la réception de nombreux appels, des mariages forcés à courte durée, ou encore des attitudes pouvant suggérer que leurs faits et gestes sont surveillés constamment à distance.

Les réceptions de transfert d’argent ne correspondant pas au niveau de vie de la victime peuvent également être un indicateur, en plus de l’état psychique instable, avec «des excès de peur ou de confiance en les inconnus, des états dépressifs ou de tension continue, ainsi que des situations de dissociation». Souvent, les victimes de ces abus vivent dans les lieux où elles sont exploitées. De ce fait, elles ne sont pas en mesure de fournir une adresse de résidence, si leur exploitation est organisée dans le cadre de réseaux de trafic. Par ailleurs, un repli sur soi au sein de la famille peut suggérer que la victime fait l’objet d’exploitation sexuelles par voie numérique ou est visée par des sextorsions via Internet et les réseaux sociaux.

S’agissant du travail des enfants, les cas peuvent être identifiables lorsque les victimes sont privées de repos, de divertissement et d’activités de loisirs, tout en travaillant même lorsque leur état de santé ne le permet pas. Les rémunérations sont faibles ou inexistantes, avec un déphasage entre la situation de l’enfant et les conditions salariales légalement admises. Les mineurs dans cette situation dépendent souvent de leur employeur, en matière de logement, de nourriture, de transport et d’accès aux services de base. Les pratiques de violence et de maltraitance doivent également être questionnées, ainsi que les difficultés ou les obstacles empêchant la victime d’interagir avec le monde extérieur.

Dans le cadre de l’écoute des victimes présumées de travail forcé, de surcroît dans un lieu fermé comme le domicile privé, «il est important de tenir compte de nombreuses considérations relatives aux conditions et aux heures de travail, au lien que l’enfant entretient ou non avec la famille qui l’emploie, ainsi que lieu et la qualité de l’hébergement, ou encore la nature du travail effectué, dans l’idée d’identifier des éléments constitutifs permettant de reconnaître la situation d’exploitation que le mineur pourrait ne pas percevoir comme telle», souligne la même source.

Dans les cas d’exploitation dans la mendicité, la présence d’un bébé ou d’un nouveau-né avec un adulte reste l’un des signes principaux pouvant indiquer des cas d’abus, illustrés notamment par le fait que «l’on argue que l’enfant a été trouvé par hasard». Dans la pratique, les enfants exploités restent souvent dans le périmètre d’un adulte ayant une emprise sur eux et dont il reçoit souvent l’aumône rassemblée. Ils peuvent aussi montrer des signes d’addiction aux drogues, à des substances hypnotiques ou font des petits commerces dans des lieux inadaptés (place publique, transport en commun…). Ils évitent, par ailleurs, les lieux où ils risquent d’être identifiés par des intervenants et refusent initialement de signaler leur situation.

L’identification, un moyen et non un objectif

Naseem Awl, représentante adjointe de l’UNICEF, a pour sa part indiqué qu’«au-delà la détection, le système de protection de l’enfance doit être renforcé pour assurer une véritable prise de charge judicaire, médicale et sociale des victimes leur permettant de retrouver les conditions de vie décentes et de rendre leurs situations administratives plus sures». En matière de prise en charge des enfants victimes des crimes de traite des êtres humains et des mécanismes de coordination, le document insiste en effet que l’identification n’est pas une fin, mais plutôt un moyen essentiel, qui «permet de passer à la mise en œuvre de techniques garantissant un diagnostic approprié».

Dans ce processus, l’enfant victime est accompagné «en synergie avec son intimité et dans le respect de son jeune âge, ses faibles perceptions, voire son recours au silence et à l’isolement face à l’horreur du traumatisme subi». Les actions en aval doivent, sur la base de ces éléments, être fluidifiées au sein de la police judiciaire, du ministère public et des cellules gouvernementales et associatives de prise en charge des femmes et des enfants victimes de violence.

Procureur général du roi près la Cour de cassation et président du Ministère public, El Hassan Daki s’est félicité de la publication de ce guide, en évoquant les directives royales portant sur la protection des enfants contre la violence et l’exploitation, y compris dans le message adressé aux participants à la cinquième Conférence islamique des ministres en charge de l’enfance, tenue à Rabat les 20 et 21 février 2018.

«Il est devenu nécessaire de connaître les indicateurs permettant aux personnes chargées de l’application de la loi d’identifier les enfants victimes, afin de les protéger, de les assister et de s’assurer aussi qu’ils ne soient pas poursuivis en tant que suspects, conformément au principe «aider puis enquêter», consacré par la jurisprudence pénale en matière de traite des êtres humains», a-t-il déclaré.

Article modifié le 27/04/2023 à 23h09

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